AÏDA NDIONGUE FOND EN LARMES
LORS DES PLAIDOIRIES DES AVOCATS DE LA DÉFENSE

Le procès d’Aïda Ndiongue et Cie s’est poursuivi ce jeudi. Ainsi, les avocats de la défense ont plaidé la relaxe pure et simple avant que l’affaire ne soit mise en délibéré au 28 mai prochain. Les prévenus encourent 10 ans de prison. L’ex-sénatrice libérale a versé de chaudes larmes lorsque le nom de Me Moustapha Diop, décédé il y a de cela quelques mois, a raisonné dans la salle d’audience. Le défunt avocat faisait partie de sa défense.
Il ne restait que la suite des plaidoiries de la défense, ce 30 avril. Car, l’un des conseils d’Aïda Ndiongue, Me Mbaye Jacques Ndiaye a plaidé le jour de l’ouverture de ce procès, le 16 avril dernier. Ceci, après les débats d’audience, les plaidoiries des avocats de la partie civile ainsi que le réquisitoire du parquet. Ce jeudi, la principale prévenue dans cette affaire a craqué.
Assise dans le box des accusés à côté des ses co-acolytes, elle n’a pas pu retenir ses larmes lorsque Me Borso Pouye a rappelé devant le prétoire le décès de son confrère Me Moustapha Diop, courant 2014. En fait, ce dernier faisait partie du pool des avocats de la défense. Et, ce dossier lui tenait à cœur.
Aïda Ndiongue était son amie d’enfance. Mieux, on se rappelle que Me Diop a voulu même assister à la conférence de presse organisée par le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye pour informer l’opinion publique des bijoux et des sommes d’argent découverts dans les coffres de sa cliente. Cependant, il sera expulsé de la salle par le maître des poursuites qui lui a signifié qu’il n’avait pas le droit d’y être.
Sans piper mot, le défunt conseil a exécuté l’ordre. Pour autant, il est resté dehors jusqu’à la fin de la rencontre. Du coup, l’ex-sénatrice libérale, émue, a versé de chaudes larmes.
Me Baboucar Cissé : « Ce que Me Moustapha Diop m’a dit avant de mourir »
Prenant la parole, Me Baboucar Cissé qui a remplacé Me Moustapha Diop dans ce dossier révèle : « Alors qu’il était malade, il m’a confié le dossier en me disant qu’il connaissait Aïda Ndiongue depuis 1975. Depuis, ils ont fré- quenté la même école élémentaire sise à la Médina en face du marché Tilène».
Avant de poursuivre : «Me Moustapha Diop avait encore dé- claré qu’en 1986, Aïda Ndiongue lui a dit avoir demandé une disponibilité pour se consacrer à ses affaires personnelles. Aujourd’hui, les entreprises incriminées datent de 1988 alors que les faits pour lesquels, elle comparaît se sont dé- roulés courant 2010-2011».
Selon Me Cissé, tout a été dit sauf du droit dans l’ordonnance de renvoi. «C’est de la littérature», hurlet-il. Car, il avance que les mêmes faits sont doublement voire qualifiés. Alors que c’est interdit en droit. De plus, il y a beaucoup d’incongruités dans cette affaire. «Les juges ont du mal à qualifier les faits pour lesquels ces personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel.
Les procès verbaux de réception des marchandises ont été bel et bien signés et conservatoire des opératoires financières (Cof) les a confirmés. Cependant, le juge a eu l’outrecuidance de dire que ces entreprises ont été créées pour les circonstances. Cela n’est pas possible.
Car, elles existent depuis 30 ans», indique Me Baboucar Cissé. Il signale que ce qui a été plus grave dans ce dossier, c’est le cas d’Abdoul Aziz Diop poursuivi pour escroquerie portant sur 20 milliards de FCfa. «Il n’existe pas dans le dossier un document qui prouve qu’il a reçu 20 milliards de FCfa dans son compte.
Ou bien qu’il a été trouvé dans son compte des sommes qu’il n’est pas en mesure de justifier. Ce dossier est un château de cartes et sous l’effet du vent, il s’écroule. C’est un géant aux pieds d’argile».Non sans rappeler que dans ce dossier, c’est une procédure d’urgence qui a été enclenchée.
Dans ce cas, même la Dcmp, le ministère de l’Economie et des Finances devaient même être poursuivis parce qu’ils ont approuvé les marchés. Mais, on ne peut pas faire une justice sélective et faire main basse sur les biens d’Aïda Ndiongue. Dans la foulée, il fait remarquer que même des bijoux d’une valeur de 15 milliards de FCfa ne peuvent pas être logés dans un entrepôt d’une société minière à plus forte raison dans un coffre.
Sur ce, il a demandé au tribunal le renvoi des fins de la poursuite sans peine ni dépens des prévenus. En le faisant, argue la robe noire, «vous rendrez justice à ces personnes meurtries dans leurs chairs, âmes et honneurs».
Le procureur de la République, les infractions et les «lanceurs d’alerte »
A son tour, Me Seydou Diagne renseigne que le procureur de la République lors de sa sortie avait visé le trafic de devises et le blanchiment de capitaux. Il n’a jamais été question du Plan Jaxaay avec les motopompes, bacs à ordures et tentes.
De plus, dans cette procédure, il n’y a pas de plainte des organes de régulation comme l’Inspection générale d’Etat (Ige) et la Cour des comptes. «C’est une initiative personnelle du procureur qui n’a aucun mandat public. Il a voulu organiser le dossier et obtenir la condamnation de la prévenue.
Il a utilisé des Lanceurs d’alerte (Ndrl :Me Seydou Diagne a rappelé les sapiteurs dans l’affaire Karim Wade en expliquant qu’ils ont le même rôle). Il n’y pas de manœuvres frauduleuses pour la procédure de passation des marchés», affirme-t-il.
En sus, note-t-il, «on reproche à la prévenue de s’appeler Aïda, Astou, Aïsatou pour accéder aux deniers de l’Etat et de commettre des manœuvres frauduleuses. Les juges ne pouvaient pas trouver d’autres arguments pour assoir la culpabilité de notre cliente.
Cela montre la faiblesse de l’accusation». A en croire, Me Mbaye Sène, le parquet s’agrippe sur une absence de livraison pour requérir 10 ans de prison. Alors que la charge de la preuve incombe au demandeur. «Aucune pièce n’a été produite par la partie civile et le parquet.
Alors qu’ils ont l’obligation de justifier la culpabilité de la prévenue. Il ne faut pas qu’on inverse les rôles. Même si la défense a déposé des pièces au tribunal. A la barre, on devait discuter des pièces sur la base desquelles Aïda Ndiongue est poursuivie », sert Me Sène. Il a souligné que depuis plus de 20 ans, Aïda Ndiongue gagne les marchés de l’Etat. D’après lui, le matériel a été livré tel quel.
«La livraison a été conforme. Il n’y a pas l’ombre d’une infraction. C’est une procédure qui a été enclenchée sur la base d’une alerte. Pendant 12 tours d’horloge, lors de la première audience, le parquet et la partie civile ont été incapables d’apporter les preuves de la culpabilité des prévenus.
Nous sommes tous l’Etat, c’est pourquoi quand il y a un contentieux entre l’Etat du Sénégal et un citoyen, il ne doit pas y avoir de parti pris. Si Aïda Ndiongue n’exécutait pas les marchés publics, elle n’en obtiendrait pas depuis la première commande».
Me Abdou Dialy Kane : «Ma seule crainte : frapper 10 ans sur la tête d’une innocente »
Pour Me Abdou Dialy Kane, sa seule crainte s’inspire du ministère public qui demande au tribunal de frapper 10 ans sur la tête d’une innocente «qu’est cette vaillante femme» (Aïda Ndiongue). Puisque dit-il, cette peine ne repose sur aucun fondement légal. «Depuis 30 ans, elle n’est plus dans la fonction publique.
Elle ne reçoit pas de salaires de l’Etat. Donc, on ne doit pas la poursuivre pour exercice illégal de commerce par un fonctionnaire. Ce dossier repose sur des préjugés. L’escroc, c’est celui qui reçoit et ne donne rien en retour. Elle n’a pas piqué à l’Etat son portefeuille». Abondant dans le même sens, Me Demba Ciré Bathily ironise.
«On a crée les faits, donc il faut créer les infractions». Non sans soutenir qu’aucun corps de contrôle de l’Etat n’a contesté ce règlement. «L’accusation est incapable de prouver la culpabilité des prévenus. C’est un ensemble d’hypothèses basées sur la subjectivité» peste-t-il.
«Il y a une incongruité juridique dans ce dossier. L’exercice illégal de la profession par un fonctionnaire n’est pas caractérisé par Aïda Ndiongue. Nous ordonnons la restitution de ses biens saisis. On ne peut pas dépouiller une personne de ses biens dans la plus grande illégalité», laisse entendre Me Ciré Clédor Ly.
Pour Me Doudou Ndoye, lorsqu’une personne prend une disponibilité, trois ans après, elle est considérée définitivement comme démissionnaire. « Cette personne (Aïda Ndiongue) n’a jamais sollicité de réintégration.
Ce procès est illégal. L’autorité de régulation des marchés publics a le seul pouvoir de saisir la justice lorsque que quelqu’un est poursuivi dans le cadre d’un marché public, le pouvoir relève de l’autorité administrative et ils (le parquet et la partie civile) l’ont su après».
Avocat de Madou Sall, Me Ousseynou Gaye a fait savoir que son client n’a pas aidé ou assisté Aïda Ndiongue dans la confection des appels d’offres restreints. «Je ne comprends pas pourquoi on l’accuse d’avoir joué un rôle déterminant dans cette affaire. Il n’a jamais été question du nom d’Aïda Ndiongue dans les marchés restreints mais des entreprises bien connues».
Il a également plaidé la relaxe pure et simple et de débouter l’Etat du Sénégal de sa demande et de la déclarer comme mal fondée.
Délibéré au 28 mai prochain
Après les plaidoiries de la dé- fense, le juge a montré les scellés à Aïda Ndiongue. Il s’agit de 45 cachets d’entreprises trouvés dans un magasin à côté de sa chambre. En réponse, la dame a affirmé qu’elle avait crée des Groupements d’intérêt économique (Gie) ainsi que des entreprises.
Par la suite, les avocats de la partie civile ont répliqué. De même que le parquet. Ce dernier a réitéré ses propos. «Les marchés n’ont jamais été réceptionnés», déclare-til. Sur ce, le juge de la 3ème Chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Dakar a mis l’affaire en délibéré pour jugement être rendu au 28 mai prochain.
Pour rappel, en détention préventive depuis le 17 décembre 2013, l’ex-sénatrice libérale Aïda Ndiongue, le président de la Fé- dération nationale des cadres libéraux(Fncl), Abdou Aziz Diop, l’agent comptable Amadou Ndiaye et Madou Sall sont poursuivis pour détournement de deniers publics d’un montant de 20 milliards de FCfa, complicité d’escroquerie sur des deniers publics, complicité de faux et usage de faux en écritures publiques et privées et exercice illégale du commerce par un fonctionnaire.
Les prévenus ont contesté les faits qui leur sont reprochés. L’Etat du Sé- négal a réclamé la somme de 25 milliards de FCfa pour toute cause et préjudice subis. Là où substitut du procureur a requis une peine d’emprisonnement de 10 ans ferme contre eux et une amende de 5 millions FCfa.