VIDEO"J'AI FRÔLÉ LA MORT…"
Moustapha Diop alias Alex, danseur professionnel
Il marche en dansant ? Ou il danse en marchant ? Des interrogations posées quand on croise sa silhouette dans les rues de Dakar. Les écouteurs bien scotchés aux oreilles, il savoure pleinement le son musical de sa tablette dont le volume est toujours au maximum de sa puissance. C’est de cette manière qu’il trouve l’inspiration pour articuler ses chorégraphies en imitant les pas des inconnus sur son chemin auxquels il ajoute une touche artistique pour en faire une phase de danse. Lui, c’est Moustapha Diop alias Alex, Sénégalais d’origine congolaise. Danseur et chorégraphe, il a fait de la danse sa loi. «Danse mea lex» (Ndrl : la danse est ma loi) est sa philosophie. Il est l’un des meilleurs danseurs de ce pays et se singularise par son style. Un mélange de Break-dance, de mbalakh, de couper et décaler entre autres. Dans cet entretien accordé à Grand-Place, l’homme au «dabalex» a fêté son premier anniversaire, «The Lexshow», ce samedi, à la maison de la culture Douta Seck. Alex parle de ses débuts, son expulsion de la maison familiale à l’époque, de son agression, l’épisode le plus douloureux de sa carrière…
Grand-Place: Vous avez fêté votre anniversaire le 30 mai dernier à Douta Seck. Etes-vous satisfait de cette célébration ?
Alex: C’est mon premier birthday. C’est une première au Sénégal d’avoir un spectacle de danse avec 20 crews (groupes) qui se sont relayés sur la scène. Pour ma part, j’ai fait 2 solos, 2 duos et 4 passages avec mon crew. Beaucoup de rappeurs ont répondu à mon invitation. Cependant, je déplore l’absence de sponsors pour m’accompagner. Aucun sponsor n’est venu me soutenir. J’ai travaillé avec mes propres moyens. Dieu merci, cela s’est bien passé.
Comment êtes-vous devenu un danseur professionnel ?
La danse est un don de Dieu. Je ne l’ai appris nulle part. C’est en écoutant de la musique que je crée des pas de danse. Déjà à l’âge de 9 ans, j’avais commencé à faire des acrobaties. Je faisais des trucs un peu bizarres comme rouler par terre. Mais, c’est en 2009 que je suis entré à 100% dans la danse. J’ai accompagné Duggy-Tee, Pbs, Canabasse, Wally, Resk-P, Hip-hop feeling de Fata El president. J’ai fait beaucoup de clips. J’ai été à l’école mais je n’aimais pas les études. Je ne sais pas pourquoi, mais j’adorais le rap, bref la musique. «Mon papa ne voulait pas que je danse»
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées au cours de votre carrière?
Mon papa ne voulait pas que je danse. Quand je partais à des soirées, il fermait la porte de la maison. Il avait tout fait pour m’interdire de danser. Il m’avait même chassé de la maison. Il faut dire que je le comprends. C’est mon père et il voulait le meilleur pour moi. Une fois j’ai frôlé la mort à Thiaroye. Mes cicatrices sont le résultat d’une agression que j’avais subie à là-bas. (Ndrl : Il montre une cicatrice visible le long de sa joue droite et une autre au niveau de son coude droit). C’était vers 2003, je participais beaucoup à des Battles. Il y avait un grand concours de danse à Thiaroye exclusivement réservé aux grands initiés. J’y ai participé et j’ai remporté le grand prix. Les organisateurs m’avaient remis une importante somme d’argent. Je ne sais plus à combien s’élever le montant mais c’était une importante somme pour moi à l’époque. Et j’avais remis l’argent à mes copains pour ne pas qu’on me le pique. Mes amis avaient pris la porte de secours pour sécuriser le butin mais malheureusement pour moi 2 gaillards ivres morts, sortis de nulle part, m’ont agressé. Avec des tessons de bouteille, ils m’ont défiguré le visage. Je me suis évanoui sur le coup. C’est à l’hôpital que j’ai recouvré mes esprits. C’est l’épisode le plus douloureux de ma carrière. Et la rumeur disait que j’étais mort.
Et depuis quand votre père a-t-il accepté de vous laisser faire la danse ?
Depuis que ma maman a su que la danse était un don. Elle a fini par convaincre mon père de me laisser suivre mon destin. Ma passion. Chez nous, chacun s’occupe de ses activités. Mon premier prix est un téléphone de marque Samsung. Après cela, j’ai arrêté la Battle pour faire la danse business et je gagne bien ma vie. «Je ne suis pas bagarreur, je ne fume pas, je ne bois pas» Dans la rue, on a l’impression que vous dansez, les gens s’interrogent sur ton état d’esprit. Pourquoi une telle attitude ? Dans la rue, quand j’ai mes casques, je «voyage». Même quand on m’appelle, je ne ré- ponds pas parce que je mets ma musique à fond. C’est vrai que je marche en dansant ou danse en marchant comme mes amis aiment me le faire remarquer. Mais, la vérité est que c’est en ce moment que je m’inspire. Quand je suis dans la rue je trouve l’inspiration à travers tout ce qui se passe autour de moi. Même les pas des inconnus que je croise m’inspirent. Que mes fans se rassurent car je ne suis pas bagarreur, je ne fume pas, je ne bois pas. En plus, vous avez un style assez particulier... C’est vrai, mon style m’est particulier. Cette coiffure s’appelle «dabalex» (Davala). En un moment donné, les danseurs avaient imité mon style de telle sorte que les gens avaient du mal à me reconnaitre, c’est pourquoi j’ai fait cette crête.
Quelles sont les conditions à remplir pour intégrer votre groupe ?
Pour intégrer mon groupe, il faut donner 10 000 fcfa si tu sais déjà danser. Mais, si c’est un dé- butant, il doit donner 25000 fcfa ou même 50000 fcfa parfois plus en fonction de ses aptitudes. Vous êtes maintenant une star chouchoutée par les filles. Quels rapports entretenez-vous avec elles? Les filles ont tendance à suivre les artistes. Moi, je suis gangster sur ce coté. J’ai une seule petite amie mais beaucoup de copines. C’est la manière dont je suis abordé que je vis avec les filles. Parfois je les éconduis gentiment mais il m’arrive de les accepter. Certains pensent que vous êtes un étranger. Que vous ne donnez pas l’air d’un Sénégalais… (Il coupe). Je m’appelle Moustapha Diop. Je suis bien un Sénégalais. C’est vrai que je donne l’impression d’une personne qui n’est pas de ce pays. Mais, c’est juste que ma mère est Congolaise et je suis né là-bas. Cela peut s’expliquer ainsi.