"LA RÉHABILITATION DE LA DÉCHARGE DE MBEUBEUSS EST URGENTE"
IBRAHIMA DIAGNE, COORDONNATEUR PROGRAMME NATIONAL DE GESTION DES DÉCHETS (PNGD)
La décharge de Mbeubeuss, la plus grande du pays, qui accueille tous les déchets de la région de Dakar, va être reconvertie. C’est l’une des principales recommandations issues de la conférence nationale sur le développement durable qui se tient du 22 au 24 juillet dans la capitale sénégalaise. En marche de la tenue de cette rencontre, le coordonnateur du Programme nationale de gestion des déchets, donne les détails de cette décision dans cette interview avec www.seneplus.com
Parmi les premières recommandations de cette conférence nationale sur le développement durable, figure la délocalisation de la décharge d’ordure de Mbeubeuss. Comment se fera la mise en œuvre de cette décision ?
Tout d’abord, je commencerai en faisant une correction sémantique. Il est vrai que dans la formulation de cette recommandation, il est écrit « délocaliser » mais je dirai plutôt qu’il s’agit de la «reconversion» de la décharge de Mbeubeuss. Une délocalisation de cette décharge n’est pas possible dans la mesure où ce site accueille les déchets de toute la région de Dakar depuis 1968. Ce qui fait qu’on a des millions et des millions de tonnes de déchets qui sont déjà sur le site et étalés sur 65 hectares. De ce fait, la question n’est pas de délocaliser le site mais plutôt de le «réhabiliter». L’objectif est de pouvoir réintégrer ce site dans son environnement. Nous avons des études techniques environnementales et sociales fiables qui sont faites qui montrent les impacts de cette décharge sur l’environnement.
Il est notamment constaté que cette décharge a des conséquences néfastes sur les eaux sous-terraines et les eaux profondes, sur la santé des populations environnantes. Elle a aussi des impacts sur l’air avec la pollution atmosphérique autour de la décharge. Par ailleurs, on retrouve des métaux lourds jusqu’à 50 m de cette décharge. Ce qui représente un risque pour les populations. Ainsi, il convient de dire que l’impact négatif de cette décharge sur l’environnement n’est plus à démontrer. Il y a aussi les ressources tirées par les récupérateurs qui travaillent et vivent de cette décharge. Cela fait qu’en plus d’une problématique sociale, on est aussi en face d’une problématique environnementale. Cette situation a motivé l’Etat du Sénégal à prendre ses responsabilités vis-à-vis de cette « bombe » écologique que représente la décharge de Mbeubeuss. Il faut trouver un mécanisme pour réhabiliter le site sans compromettre toutes les personnes qui vivent de cette ressource. C’est un processus lancé depuis 2009
Pendant la réhabilitation le site va-t-il continuer à accueillir les ordures ?
La problématique c’est que ce site est une alternative pour Dakar. Et c’est ce qui bloque le processus de réhabilitation de la décharge de Mbeubeuss. Si on ferme ce site, il faut avoir un autre site qui accueillera les 2000 tonnes de déchets que produit Dakar chaque jour.
Avez-vous déjà trouvez un site de remplacement ?
Aujourd’hui, on n’a pas encore un autre site qui pourra accueillir les déchets de Dakar. Le site qui était prévu, c’est le centre d’enfouissement technique de Sindia qui a été construit selon les règles de l’art. Mais, il y a toujours un problème d’acceptation qui se pose. Les populations de Sindia ne veulent pas que cette infrastructure soit exploitée dans l’optique d’accueillir les déchets de Dakar. C’est ce qui bloque le processus de réhabilitation de Mbeubeuss. Les autorités au haut niveau ont pris le dossier en main et prochainement, il y aura des rencontres qui définiront la feuille de route de la mise en œuvre de cette réhabilitation.
Avez-vous déjà établi un calendrier pour la réhabilitation en vue de Mbeubeuss ?
Vous savez, c’est une problématique majeure. Et le dossier est entre les mains des autorités qui vont analyser la situation pendant des séances de travail afin de décliner comment et la période où cette réhabilitation sera faite.
La résolution de cette question est tout de même urgente…
Tout y est. L’urgence y est de même que la difficulté. Donc ce n’est pas parce que c’est urgent qu’il faut se précipiter pour prendre des décisions qui pourraient avoir d’autres conséquences. On parle de durabilité alors il faut que la décision soit durable, c’est-à-dire basée sur des informations, des données et des analyses approfondies inscrites dans un processus participatif. Ces décisions sont très importantes et doivent engager toutes les parties prenantes dans un processus de partage, de réflexion de construction. Ce qui garantira la réussite du projet. Comme je l’ai dit, il y a plus de 1500 personnes qui vivent de la décharge et qui font vivre d’autres personnes. On ne peut pas venir d’un coup et dire qu’on arrête ces personnes sans avoir des mesures socio-économiques d’accompagnement. Avec l’impact de Mbeubeuss, la forme de la réhabilitation doit être importante. Il faut avoir des mesures techniquement viables et environnementalement prometteuse. Il faudra aussi arriver à convaincre les populations qui vont accueillir les nouvelles installations. C’est une problématique très complexe.