UNE DAME DE CŒUR
Rose Wardini Hachem
Depuis une bonne dizaine d’années, rose Wardini se signale dans des actions humanitaires, notamment les caravanes médicales gratuites organisées par sa structure Medisol.
Il y a des gens comme ça. Des gens qui ne s’épanouissent que quand ils réussissent par un geste, aussi minime soitil, à arracher un sourire à l’orphelin éploré, à donner du baume au cœur à un malade désespéré, à redonner espoir au chef de famille tenaillé par la dépense quotidienne. Des gens comme ça, le monde en a connu et continue à en connaître.
Le Prix Nobel de la Paix, le Pakistanais Mouhamad Yunus, appelé aussi ‘’le banquier des pauvres », Abbé Pierre, fondateur d’Emmaüs, une structure pour le logement des défavorisés, Coluche, avec ‘’Les restos du cœur’’ ou encore la religieuse catholique albanaise, de nationalité indienne, Mère Térésa, avec son association les ‘’Missionnaires de la Charité’’ en font partie. On les appelle les bons samaritains, en référence à ce personnage biblique incarnant les valeurs de la charité.
Au Sénégal, ces gens au grand cœur, toujours prompt à venir en aide à autrui, on en a aussi, à l’image de Rose Wardini Hachem. Cette dame de cœur, depuis plus de dix ans, se signale, avec sa structure Médecine pour la solidarité (Medisol), dans des actions humanitaires à travers notamment ses fameuses caravanes médicales gratuites qui sillonnent le Sénégal de l’ouest à l’est, du nord au sud.
MÈRE SÉNÉGALAISE, PÈRE LIBANAIS
L’engagement de Rose Wardini tient d’un serment fait à sa mère : celui de toujours œuvrer en faveur des démunis. Une promesse qu’elle s’évertue à respecter depuis qu’elle est devenue médecin au début des années 1990.
« L’humanitaire est innée en moi parce que j’avais une mère qui faisait beaucoup d’actions de bienfaisance. Elle m’a toujours poussée à réussir dans la médecine pour aider mes proches. J’ai grandi avec cette idée-là. C’est une source de motivation qui ne m’a jamais quittée. C’est cette volonté de ma mère que j’essaie de traduire en acte », confie-t-elle dans son salon où elle reçoit.
Dans l’accomplissement de cet engagement, Rose Wardini s’est donnée pour objectif d’assurer une meilleure couverture sanitaire des populations. D’où l’organisation, depuis 2003, des caravanes médicales de santé au profit des populations et personnes démunies. « Nous avons développé, grâce à ces caravanes, plusieurs volets dont celui de la prévention du Vih, avec la pratique de la circoncision dans toutes les villes et villages du Sénégal. Nous avons également développé le volet dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus à travers nos campagnes de dépistage de masse », confie-t-elle.
Cette option d’investir l’intérieur du pays part d’un constat : 90 % des ressources matérielles et financières dans le domaine de la santé sont concentrées à Dakar. « Le reste des régions est dépourvue de médecins, de plateau technique relevé pour répondre à la demande des populations. Nous avons jugé plus opportun de concentrer nos efforts sur les populations de l’intérieur en allant les trouver chez elles ».
C’est au milieu des années 1960 que Rose Wardini Hachem a vu le jour à Kaolack. De taille moyenne, elle doit son teint clair à son papa d’origine libanaise. Un père qu’elle a connu à peine, car décédé alors que Rose n’avait que deux ou trois ans. C’est donc sous l’aile protectrice de sa maman sénégalaise qu’elle et ses dix frères et sœurs ont grandi. Un cocon familial profondément baigné dans la culture et les mœurs sénégalaises. Une mère, malgré son analphabétisme, s’est donné les moyens de faire en sorte que sa progéniture réussisse dans les études et dans la vie.
Cette maman, Rose ne cessera jamais de lui rendre hommage. « Notre maman était une femme brave et dynamique. Elle nous a formés dans la réussite et je lui dois une profonde reconnaissance pour avoir fait de toute sa famille, en tant qu’illettrée, des bacheliers et des personnalités qui ont aujourd’hui réussi », confie-t-elle, avec un brin d’émotion dans la voix.
Rose Wardini compte, parmi ses frères et sœurs, le Colonel d’Armée Antoine Wardini, ancien Commandant de la zone militaire 1 de Dakar et Soham El Wardini, première adjointe au maire de la ville de Dakar. « Nous sommes une famille de onze enfants dont huit garçons et trois filles. Je suis la plus jeune des filles », précise la gynécologue-obstétricienne.
Après une scolarité brillante sanctionnée par un baccalauréat série scientifique au lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack, Rose Wardini débarque à l’université de Dakar. Ses études de médecines à peine entamées, elle dut rejoindre son mari en Côte d’Ivoire en 1984. Cette obligation conjugale ne l’empêche pas de poursuivre ses études dans ce pays. Le Doctorat en poche, Rose Wardini revient à Dakar pour démarrer sa spécialisation qu’elle termine en 1992.
Devenue gynécologue obstétricienne, elle répète ses gammes avec son maître, l’éminent professeur Fadel Diadhiou à la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec. Depuis 1995, la présidente de Medisol s’est installée dans le privé. Toutefois, elle assure n’avoir pas coupé le lien (ombilical ?) avec cet hôpital.
Très engagée dans le mouvement associatif, Rose Wardini se voit confier la présidence, pendant dix ans, de l’Association des gynécologues-obstétriciens du Sénégal (Asgo). Dans cette même dynamique, elle fut présidente de la Société africaine des gynécologues-obstétriciens et vice-présidente de l’Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens.
A ces différents postes, l’un des événements qui l’ont le plus marquée, c’est l’obtention, en 2002, de l’organisation, à Dakar, d’un congrès de l’Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens. Une première en terre africaine dont elle se sent fière.
Parmi les nombreuses casquettes de Rose Wardini, il y aussi la vice-présidence de l’Association libano-sénégalaise des professionnels de la santé. « Cette association est une volonté de l’Ambassade du Liban de favoriser une meilleure intégration des libano-sénégalais », dit-elle. Et c’est quand elle a été portée à la tête de l’Asgo que l’engagement humanitaire de Rose Wardini a connu un coup d’accélérateur notamment au retour d’un voyage au Maroc où les campagnes de consultations médicales gratuites sont une expérience réussie.
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE AVANT L’HEURE
Aujourd’hui, il ne se passe pas un mois sans que Rose Wardini et son équipe n’organisent, soit une campagne de dépistage gratuite du cancer pour les femmes, soit des consultations médicales gratuites. « Il nous arrive de recevoir jusqu’à 1.500 personnes en consultation, toutes spécialités confondues. Et avec les dépistages du cancer, chaque sortie, nous pouvons voir jusqu’à deux cents à trois cents femmes », dit-elle.
L’objectif de Medisol est de se rendre dans toutes les zones enclavées où la demande est très forte afin d’appuyer les efforts déployés par les autorités pour une meilleure couverture sanitaire. A propos de Couverture de maladie universelle, Rose Wardini aime à rappeler que lui et son équipe l’appliquent à leur manière depuis une bonne dizaine d’années maintenant.
« Ce concept, nous l’appliquons sur le terrain depuis 2003. C’est ce qui explique nos sorties dans toutes les régions du Sénégal en réponse à la forte demande des populations. La Cmu est une initiative à encourager, il faut bien la mener pour qu’elle soit effective partout sur le terrain », souligne Rose Wardini.
La débauche d’énergie de Rose Wardini pour la défense de la cause des plus démunies ne lui laisse presque plus une vie de famille, elle qui est maman de quatre enfants. « C’est le revers de la médaille », admet-elle, mais elle « essaie de jongler » entre vie de famille et humanitaire. Mais, à ce jeu équilibriste, il semblerait bien que c’est sa famille qui est sacrifiée sur l’autel des actions humanitaires.
C’est difficile de concilier les deux mais il faut se dire qu’il arrive un moment où l’on ne s’appartient plus, on appartient à la population. Et là, on a un devoir citoyen qu’il faut continuer à faire », estime-t-elle avec philosophie. Rose Wardini n’est pas seule dans ce travail, elle est accompagnée d’une équipe qualifiée constituée de bonnes volontés. « Elles prennent de leur temps et de leurs compétences pour nous accompagner. C’est le lieu de les remercier car elles ont fait du chemin avec moi en apportant beaucoup aux populations », reconnait-elle.
Les actions humanitaires de Rose Wardini ne s’arrêtent pas seulement au médical, elles concernent aussi le social. C’est ce qui explique les convois humanitaires durant le mois de Ramadan, les appuis dans la mise en place de cases de santé et de postes de santé, l’action ‘’Cœur de Kaolack’’ en soutien aux victimes des inondations. « Nous intervenons dans l’environnement, l’éducation, le reboisement et l’agriculture », ajoute t-elle.
Son engagement humanitaire lui a fait franchir le rubicond politique. Aujourd’hui, Rose Wardini est à la tête d’un mouvement citoyen qui s’est présenté aux dernières élections locales et lui a permis de décrocher un poste de Conseiller municipal. Sa plongée dans le marigot politique s’explique par une ambition qui est celle d’« instaurer, avec mes amis, une nouvelle forme de politique, la politique du développement », martèle , la passionnée.
Une passion qui, selon elle, est son principal défaut : « J’ai tellement le cœur dans l’humanitaire que je veux tout changer en bien. Quand on me fait visiter une école, un centre de santé délabré, tout de suite je veux y apporter une solution. Je m’engage trop vite, je suis très improviste, très passionnée à aider les pauvres ». Finalement, tout s’explique.