LE PROCES DES IMPERIALISTES
C'est un secret de Polichinelle qu'Hissène Habré ne sera pas condamné à moins de 30 ans de réclusion ferme. Sidiki Kaba et "son" procureur Mbacké Fall ont déjà prononcé la sentence

Depuis quelques jours, on assiste à l'Acte II de la mise en scène burlesque orchestrée par les Chambres extraordinaires africaines (CAE) pour permettre aux impérialistes français et américains, au potentat Idriss Deby, au pseudo militant des droits de l'homme Reed Brody et ses valets locaux tapis au sein de Ligue sénégalaise des droits de l'homme, d'Amnesty international et de la Raddho, de se débarrasser du libérateur du Tchad, Hissène Habré. On pensait que les 45 jours de report du procès allait permettre aux juges de la Chambre africaine extraordinaire d'Assise (CAEA) d'infléchir leur comportement antinomique à une justice équitable. Que nenni.
Lundi 7 septembre, jour la reprise du procès, c'est un Habré rétif à comparaitre devant une juridiction aux ordres qui a été violenté, humilié et trainé de force devant les juges sur ordre du président de la CAE. Pendant ce temps, les avocats commis d'office stipendiés assistent sans moufter aux brimades de celui qu'ils sont supposés défendre.
Ces images choquantes d'Habré se débattant dans les mains des Éléments pénitentiaires d'intervention (EPI) qui tournent en bouclent sur les télévisions et sur la toile jettent encore le discrédit sur la justice sénégalaise déjà mal en point avec l'affaire Karim Wade. Mais il faut diffuser pour les parrains de cette parodie qui ont financé ce procès dont le verdict est prononcé par le ministre de la Justice depuis longtemps.
C'est un secret de Polichinelle qu'Hissène Habré ne sera pas condamné à moins de 30 ans de réclusion ferme. Sidiki Kaba et "son" procureur Mbacké Fall ont déjà prononcé la sentence.
La règle "non bis in idem" violée
Toutefois, on ne se lassera jamais de dénoncer que ce procès n'est pas celui de l'Afrique mais celui des impérialistes occidentaux qui, non contents d'avoir organisé le coup d'Etat qui a fait partir Hissène Habré du Tchad, le 10 décembre 1990, s'échinent aujourd'hui à lui donner le coup de grâce. Jamais ce procès n'aurait dû avoir lieu si l'on avait, compte de la non-rétroactivité de la loi et de la règle "non bis in idem" qui est un principe classique de la procédure pénale, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois à raison des mêmes faits.
En effet le 15 août 2008, Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture, a été condamné à mort par contumace par la Cour criminelle de Ndjamena. Donc c'est une aberration juridique de voir le Sénégal modifier illégalement sa Constitution aux fins d'y insérer des dispositions qui lui permettent de juger le libérateur du Tchad des années 80. Même si la décision de la Cour criminelle du Tchad de condamner à mort Hissène Habré (HH) est fortement contestable, cette affaire a acquis l'autorité de la chose jugée. Or l'autorité de la chose jugée au pénal interdit toute nouvelle poursuite contre la même personne, pour les mêmes faits.
D'ailleurs le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en son article 14, paragraphe 7 consacre le principe de cette règle de droit, laquelle interdit la double incrimination répondant avant tout à un souci de protection des libertés individuelles de la personne poursuivie : "Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays".
Aujourd'hui les CAE sont les premiers transgresseurs des lois qu'elles se sont dotées pour juger Habré. En effet, l'article 19 de ces CAE aux alinéas 1 et 3 disent expressément : "Nul ne peut être jugé par les Chambres africaines extraordinaires pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elles" et que "quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 5 (crimes de génocide), 6 (crimes contre l'humanité), 7 (crimes de guerre) ou 8 (tortures) ne peut être jugé par les Chambres africaines extraordinaires".
Pourtant le héros tchadien des années 80 a été déjà condamné par la Cour criminelle du Tchad pour les mêmes crimes. Maintenant ne supportant qu'Habré vit tranquillement avec sa famille à Dakar, nonobstant sa condamnation par contumace, Reed Brody, Idriss Deby, sinistre patron de la Direction de la documentation et de la sécurité (police politique de Habré) et leurs suppôts occidentaux bravent et violent la règle du "non bis in idem" pour contraindre les autorités sénégalaises à s'appuyer sur la Constitution modifiée illégalement afin de juger le "lion du désert".
Un fonds de commerce pour Wade
En février 2007, Abdoulaye Wade a modifié la Loi fondamentale, le code pénal et le code de procédure pénale pour y inscrire le crime de génocide, le crime de guerre et le crime contre l'humanité et permettre aux juridictions sénégalaises d'utiliser la notion de compétence universelle avant de demander 18 milliards de francs CFA pour l'organisation du procès Habré. Ainsi, le Sénégal a notamment inscrit à l'article 9 de sa Constitution que rien ne s'oppose "à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d'après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre". Et d'ajouter à l'article 431(6) du code pénal que "nonobstant les dispositions de l'article 4 (Ndlr : Nul crime, nul délit, nulle contravention ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prévues par la loi ou le règlement avant qu'ils fussent commis) du présent code, tout individu peut être jugé ou condamné en raison d'actes ou d'omissions visés au présent chapitre et à l'article 295-1 du code pénal, qui au moment et au lieu étaient tenus pour une infraction pénale d'après les principes généraux de droit reconnu par l'ensemble des nations, qu'ils aient ou non constitué une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu".
Ainsi la Cour de justice de la CEDEAO par l'arrêt N°: ECW/CCJ/JUD/06/10 du 18 novembre 2010 a condamné ce tripatouillage des textes avant d'ordonner le Sénégal de respecter le principe absolu de non-rétroactivité. S'appuyant sur la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ladite Cour a déclaré qu'au-delà de la justification de la mise en conformité de sa législation avec ses engagements internationaux, l'État du Sénégal a gravement méconnu les dispositions de l'article 7, alinéa 2 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui stipule : "Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n'a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise". Aussi, poursuit la CEDEAO, le Sénégal a violé l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui interdit la rétroactivité d'une disposition d'ordre pénal en ces termes : "Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis."
L'adage ne dit-il pas : nullum crimen, nulla poena sine lege (il n'y a pas de crime, il n'y a pas de peine sans une loi qui les prévoie). Fort de tout cela, Hissène Habré, qui a libéré son pays du joug libyen et de la mainmise de la France colonialiste, ne devait pas être jugé par une cour illégale, de surcroit soumise et entretenue par ses parrains occidentaux et Deby, le Torquemada de la DDS. Mais c'est le procès de la Belgique, des États-Unis et de la France dont les médias publics comme privés, subjectifs, peignent Habré comme le Pinochet africain.
Justice à géométrie variable
Du principe de la légalité des crimes et des peines découle le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. On ne peut pas poursuivre une personne pour des actes qu'aucun texte ne condamne lors de leur commission. Aujourd'hui on poursuit Habré pour des faits de guerre qui n'étaient pas prévus par la loi pénale. Sinon comment comprendre que Mengistu Haïlé Mariam qui a régné d'une main de fer en Éthiopie de septembre 1977 à mai 1991 vit tranquillement au Zimbabwe malgré sa condamnation à mort par la Cour suprême d'Addis-Abeba ? Le Négus rouge, sous prétexte de combattre les mouvements rebelles, a utilisé la famine comme arme de guerre, bombardé des villages au napalm et organisé un déplacement de populations qui a coûté la vie à pas moins de 100 000 personnes. Jamais son cas n'a été la préoccupation des juges belges, des organisations de droits humains, des Américains et des Français.
Pourquoi, malgré la Commission Vérité et Réconciliation de l'Afrique du Sud, on ne mettrait pas sur pied un tribunal international pour juger les crimes de l'Apartheid ? Et que dire de Georges Bush qui a déstabilisé l'Irak en 2003 et plongé le monde dans le cycle infernal d'un terrorisme incontrôlable ? Sarkozy ne doit-il pas être poursuivi pour avoir tué Kadhafi et avoir fait le lit du terrorisme de Boko Haram dont sont victimes des milliers de Nigérians, de Camerounais et de Tchadiens ? La justice internationale à deux vitesses a de beaux jours devant elle.