LE SEUL CENTRE PUBLIC AU CHEVET DES ENFANTS DÉFICIENTS INTELLECTUELS
À la découverte du CEFDI
Le Centre d'éducation et de formation des enfants déficients intellectuels (CEFDI), niché au niveau du centre Talibou Dabo de Grand Yoff, fonctionne depuis 1997. Il accueille des enfants souffrant de trisomie, des psychotiques, des infirmes moteurs cérébraux, des épileptiques, des autistes, entre autres. Depuis plus de 18 ans, il a formé 359 enfants. Aujourd'hui, laissé à lui-même, le centre est au bord de l'asphyxie financière. La rentrée scolaire est différée, faute de moyens.
Le Centre d'éducation et de formation des enfants déficients intellectuels (CEFDI), créé en 1997, est aujourd'hui niché au niveau du centre des handicapés de Talibou Dabo de Grand-Yoff. Il reçoit des déficients intellectuels. En ce début de semaine, sous un chaud soleil, y accéder relève d'un véritable parcours de combattants.
De prime abord, le centre ne paie pas de mine. Et ce n'est pas l'enclos de chevaux ni le dépotoir d'ordures devant la porte du centre qui rassurent le visiteur. Sans compter qu'il n'est pas clôturé. L'étendue de sable à côté sert de terrain de football aux riverains. Pour dire qu'aucune des normes sécuritaires édictées par les autorités scolaires pour abriter une école de ce genre n'est respectée. Le centre est composé de 6 salles de classes et compte 12 enseignants (tous des fonctionnaires).
Le directeur Dominique Ndecky confie qu'il a pour mission de s'occuper des enfants déficients intellectuels, âgés de 4 ans à plus de 22 ans, sans distinction de sexe, d'ethnie et ou de race. On y rencontre des trisomiques, des psychotiques, des infirmes moteurs cérébraux, des épileptiques, des autistes, des microcéphales, hydrocéphales, des enfants avec des séquelles de convulsions retards, des traumatismes crâniens et de causes inconnues.
Selon toujours M. Ndecky, l'institut qu'il dirige est le premier du genre qui est public au Sénégal. Il a été mis en place avec l'aide de l'ambassade des Pays Bas, à la suite de démarches de parents dont les enfants souffrent des pathologies citées. Ils avaient, à l'époque, convaincu le ministre de l'éducation, André Sonko, d'insérer dans le système éducatif, les personnes vivant avec un handicap mental.
"On lutte contre les préjugés sociaux"
L'expérience a débuté au niveau du centre verbo tonal, avant un transfert dans ses actuels locaux. "Il s'agit pour nous de contribuer à la promotion et à l'intégration sociale des enfants déficients intellectuels, grâce à une prise en charge spécialisée et adaptée à leur état mental et intellectuel.
Cela se fait à travers des activités telles que : la socialisation, l'apprentissage des bonnes habitudes, la propreté et l'autonomie, le langage et la communication, les exercices de correction orthophonique et langagière, le corps, la cognition et les activités logico mathématiques, le graphisme, la guidance parentale et le suivi médical", liste M. Ndécky.
Selon l'éducateur spécialisé, le CEFDI est le quatrième centre handicap à être créé, après ceux des sourds de verbo tonal, des aveugles à Thiés et des handicapés moteurs à Tally Bou Dabo.
"Ici, quand l'enfant arrive, on le diagnostique d'abord, pour savoir les causes avec l'aide d'un psychologue. Après, il commence d'abord par le programme préscolaire. Et là, s'il est trop performant, on l'oriente vers une école primaire. C'est là, la fin du processus, car ici, il n'y a pas d'ateliers pour pouvoir continuer à les prendre en charge. C'est le coefficient intellectuel qui détermine le niveau de l'élève. L'an passé, on avait des enfants âgés de 3 ans et 22 ans. On lutte contre les préjugés sociaux. On veut que l'enfant sache d'abord qu'il est un être humain. Il nous arrive de recevoir ici, des enfants difficiles, mais on prend notre temps. Il y a des enfants dont le volet socialisation peut durer entre 2 ans et 6 ans. On prend notre temps, jusqu'à ce qu'ils obéissent aux consignes", explique celui qui a été jusqu'ici le seul directeur du CEFDI, depuis sa création.
"Depuis 1997, nous courrons derrière une subvention de l'Etat"
Les enfants qui fréquentent le centre viennent de partout, dés fois même de la sous-région. "Tous les parents, qui ont des enfants qui vivent cette situation, viennent nous voir, vu qu'il est public. Les parents ne payent qu'une inscription de 5000 F, car les moyens ne suivent pas. Nous avons 164 élèves. Le niveau scolaire s'arrête au niveau de CI. Et souvent, on y trouve des enfants âgés d'une vingtaine d'années", renseigne-t-il.
Toutefois, M. Ndecky s'offusque du fait que, dans la plupart du temps, ces enfants se retrouvent mendiants. En effet, quand l'enfant parvient à réussir sa socialisation, le centre appelle ses parents qui, malheureusement, souvent décident de les amener dans des centres où ils sont incompris.
D'ailleurs, comme il faut s'y attendre, le CEFDI rencontre d'énormes difficultés qui ont pour noms : absence de subventions, inaccessibilité, entre autres. "Le préalable pour la création du centre n'a pas été respecté, car l'espace n'est pas adéquat. Les locaux ne respectent pas les normes internationales. L'accès du centre pose problème. Les enfants ont des difficultés pour entrer dans le centre. Le seul accès que nous avons pour venir ici est envahi par les chevaux", se désole M. Ndecky.
Les ressources qui leur permettent de prendre en charge les dépenses du centre leur proviennent uniquement des bonnes volontés. "Le centre n'a pas encore de subventions venant de la part des autorités. Depuis 1997, nous courrons derrière cette subvention. C'est à cause de cela, qu'on oblige les parents à cotiser à hauteur de 5 000F CFA, pour acheter le matériel scolaire qui est différent de celui trouvé dans les autres écoles".
Rentrée scolaire différée, faute de moyens
Au chapitre des dépenses, le directeur renseigne que les 3 cars assurant quotidiennement le transport des enfants leur coûtent 1,2 million FCFA par mois, soit 9,6 millions, l'année. Le centre dépense 112 000F CFA par semaine, pour la nourriture, soit 3,58 millions, par an. "Vous voyez que ça tourne autour de 13 millions par an. C'est à cause de cela que nous demandons souvent des dons en nature". Dominique Ndecky compte sur le soutien de l'ensemble des bonnes volontés. "A cause du manque de moyens, on est obligé de retarder l'ouverture. L'ouverture effective est prévue en fin octobre voire début novembre", dit-il.
Alors qu'il part à la retraite, à la fin de cette année scolaire 2015-2016, le directeur émet le vœu de voir ses pensionnaires devenir productifs, après leur passage au centre. "Mon ambition est de voir ces enfants handicapés autonomes, car ils sont des citoyens. Je veux qu'ils soient productifs. Ils ne peuvent pas avoir des diplômes, à cause de leur handicap, mais ils peuvent être productifs, s'ils parviennent à être bien formés. Qu'on nous amène ce genre d'enfants et très tôt", lance-t-il.