«LES JEUNES DU REGROUPEMENT DES DIPLOMES SANS EMPLOI SONT PRESSES…»
BIRAME FAYE, DIRECTEUR DE L’ANEJ

Le Directeur de l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anej), Birame Faye, réagit à la sortie du Regroupement des diplômés sans emploi (Rdse) qui demande la suppression des structures pour l’emploi des jeunes pour «inutilité». Dans cet entretien, M. Faye prend le contrepied de Babacar Ndour et compagnie qu’il considère comme «très pressés», et soutient que l’Anej fait son travail comme il se doit.
L’As : Le Regroupement des diplômés sans emploi demande la suppression de structures comme le Fnpj, l’Ajeb et l’Anej qui sont, à ses yeux, inutiles. Qu’en pensez-vous?
Birame Faye : Ces jeunes sont très pressés. D’abord, il ne peut pas y avoir de suppression de l’Anej. Dans tous les pays, on a besoin de structures pour l’emploi des jeunes. Il y a aussi d’autres raisons qui font qu’on ne peut pas parler de suppression. Il y a une association africaine des cellules d’emplois publics à laquelle appartient l’Anej qui est également membre de l’association mondiale des cellules d’emplois publics. L’Anej est le seul service public d’emploi sénégalais à être membre de ces deux réseaux auxquels appartiennent les Etats Unis, la Suisse, le Maroc, la Suède, la Tunisie, Le Mali, le Benin. Donc, on ne peut pas parler de suppression. Je suis d’accord quand on parle de rationalisation des structures et le président de la République l’a évoqué lors de son discours du 3 avril dernier. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
Qu’est-ce que vous avez fait concrètement depuis votre arrivée à la tête de l’Anej pour diminuer le chômage des jeunes?
Il faut des profils dégagés, des compétences requises parce que les entreprises cherchent des gains, des profits et des intérêts. Il faut dépolitiser le secteur, développer le partenariat et continuer à gagner la confiance des entreprises. Même au plan international, on a commencé à placer des jeunes. Il y a le cas de l’Arabie Saoudite où on a noué un partenariat avec une société de transport, Al Sahif. Les responsables de cette société viennent à Dakar tous les trois mois pour recruter des chauffeurs, des mécaniciens, des électriciens et des techniciens de bus. Il y a un premier groupe de 20 jeunes qui est déjà parti et tous les trois mois, le responsable Saoudien vient recruter au Sénégal. On est en train de redynamiser aussi la coopération espagnole et la coopération française. Là, on doit aussi placer des jeunes. Même aux Etats Unis, on doit envoyer des jeunes dans le cadre de la coiffure. On est en train de signer des conventions avec des garanties parce que le Pds nous a laissé un héritage très lourd.
Quelles sont les difficultés que vous avez trouvées à l’Anej ?
Les structures réservées à l’emploi des jeunes n’avaient pas de budget quand on est arrivé au pouvoir. L’Anej avait une dette sociale qui tournait autour de 100 millions et une dette fiscale qui s’élevait à 200 millions. Le budget de l’Anej ne pouvait pas couvrir la masse salariale. A notre arrivée, on ne pouvait pas parler des projets d’investissement en faveur des jeunes.
Maintenant, on suppose que vous disposez d’un budget conséquent pour prendre en charge la question des l’emploi des jeunes.
On a réglé toutes les questions qu’on avait trouvées sur place. La question de la dette fiscale, la dette aux fournisseurs…. Au plan interne, on a doté l’Anej d’un règlement intérieur, d’un manuel de procédure, d’un contrat de performance, d’un plan stratégique et d’organigramme. Ce qui n’était pas le cas à notre arrivée. On a une nouvelle génération de projets et de programmes spécifiques et structurants conçus et réalisés pour la jeunesse du Sénégal. On a fait la typologie des catégories des différents demandeurs d’emploi et pour chaque catégorie, on a un programme spécifique. Il y a les diplômés sans emploi et sans expérience, les jeunes qui sont dans le secteur informel et les jeunes qui n’ont pas la chance d’être instruits. Ce sont les trois catégories de demandeurs d’emploi qu’on a. On a fait aussi le diagnostic de la situation socioéconomique nationale et pour chaque localité on a une idée précise de la situation. Maintenant, en fonction des réalités et des ressources du terroir, nous sommes en train de faire des projets, en tenant en compte des niches d’emploi et des créneaux porteurs dans toutes les localités du Sénégal. On a un programme qui prend en compte les différentes catégories des demandeurs d’emploi des différentes régions du Sénégal. Nous avons aussi signé des conventions avec les structures privées, publiques et parapubliques du Sénégal et nous sommes en train de placer les jeunes en stage. Nous leur avons aussi trouvé des Contrats à durée déterminée (Cdd) et des contrats à durée indéterminée (Cdi) que ce soit au plan interne qu’international.
C’est dans le cadre de l’entreprenariat privé que c’est un peu lent parce que le régime sortant nous a laissé un gap de 5 milliards dans le secteur. C’est de l’argent qui a été distribué à de jeunes politiciens sur des bases subjectives. Parce qu’il y a un certains nombre de critères à respecter pour accéder à un financement. Il faut avoir 35 ans, être Sénégalais, avoir la capacité de gérer le projet ou accepter de suivre une formation particulière et ne pas avoir un emploi salarié. Ces critères n’ont pas été respectés par le régime de Wade dans le cadre de la mise à disposition des fonds aux jeunes. Ces derniers n’ont pas remboursé et les mutuelles créées ont encaissé l’argent du contribuable et ont fermé boutique. Nous, on reçoit les jeunes, on les encadre pour les projets, mais parallèlement on prend les dispositions bancaires nécessaires pour qu’il ne puisse pas y avoir de rupture par rapport au financement révolving.
Mais certains jeunes disent toujours qu’ils ne voient pas la rupture dans le financement des projets car ce sont les jeunes des partis au pouvoir qui sont favorisés…
Ce n’est pas vrai. Je connais bien les jeunes du Regroupement des diplômés sans emploi dirigé par Babacar Ndour. Ils sont des partenaires de l’Anej. On les a reçus et on leur accorde une subvention mensuelle de 50.000 à 100.000 francs pour leur siège, car ils n’en possèdent pas encore. Nous leur avons dit que nous sommes prêts pour leur faire des projets et leur trouver un financement dans le cadre de l’assistance juridique par exemple. Nous sommes prêts à les accompagner pour une ouverture des métiers fermés comme le corps des huissiers, des notaires, des commissaires priseurs, le barreau. Nous sommes d’accord sur cela et nous avons aussi un programme spécifique pour eux. Le problème, c’est qu’on ne peut pas danser plus vite que la musique et on ne peut pas être plus royaliste que le roi. On a un programme ambitieux dans lequel il y a un dispositif de création massive d’emplois. Le président de la République a déjà augmenté notre budget en le multipliant par trois, mais on doit faire plus.
A combien s’élève actuellement le budget de l’Anej?
Pour des raisons professionnelles, je ne peux pas parler du budget dans la presse. En tout cas, le président de la République a multiplié par trois le budget en l’espace d’une année. Je suis d’accord qu’il faudra consentir plus d’efforts parce que la demande est très forte. Je suis d’accord qu’il faudra décentraliser et territorialiser nos services. On peut demander à améliorer les services par l’augmentation du budget, la rationalisation, mais on ne peut pas parler de suppression. L’utilité de l’Anej est là, elle est visible, le bilan est là et les perspectives sont là.
Le Président Macky Sall avait promis de créer 500.000 emplois au cours de son mandat. Mais ses collaborateurs disent que ce ne sera plus possible...
(Il coupe) On n’a pas dit que ce ne sera plus possible. C’est encore possible, on peut faire plus même. On avait promis de créer 500.000 emplois au cours du septennat. Nous avons pris l’engagement dans l’entre deux tours de ramener le mandat de 7 à 5 ans pour une question d’éthique. Maintenant pour être logique et cohérent, il ne sera plus possible de créer les 500.000 emplois, ce sera moins. Mais avec le financement de 30.000 projets par an avec le Fongip et d’autres financements on peut régler un certain nombre de problèmes au profit des jeunes et pourquoi pas faire plus de 500.000 emplois.