VIDEOMULTIPLE PHOTOSFORT MINABLE
La dernière Une de "Charlie Hebdo" renvoie aux circonstances atroces de la mort du père de Stromae, découpé en morceaux lors du Génocide rwandais de 1994
Charlie Hebdo a encore frappé. Un crayon qui croque hors des limites du politiquement correct. Un dessin qui choque, donc. Une désinvolture assumée. Et une vive polémique. Du classique. Sauf que cette fois, l’hebdomadaire satirique français ne s’est pas payé la tête du prophète de l’islam, Mohamed (Mahomet pour certains), son modèle favori. Plutôt il a fixé sur la planche Stromae. Prophète dans son domaine et, surtout, prophète en son pays, la Belgique, et au-delà.
Fous du chanteur d’origine rwandaise, les Belges n’ont pas tardé à lancer la riposte. Une vague d’indignations et une parodie de la Une polémique à la sauce "attentats du 7 février" (voir illustrations), au cours desquels 8 membres de la rédaction du journal ont péri. Répondre à la bêtise par la bêtise, est une attitude à proscrire, même face aux pires salauds, mais Charlie Hebdo l’aura bien cherché. Encore une fois.
Dans son édition disponible en kiosques ce mercredi, l’hebdomadaire consacre sa Une aux attentats de Bruxelles, qui ont fait 35 morts et des centaines de blessés. Et pour accrocher les lecteurs, attirer le chaland, le journal choisit un dessin de Riss, son directeur de publication, représentant Stromae entouré de restes d’un corps en lambeaux. À la question du chanteur "Papa où t’es ?" (en référence à son tube "Papaoutai"), un bras et une jambe répondent : "Ici" tandis qu’un œil lance : "Là", et un autre bras : "Et là aussi".
Pour les victimes, familles de victimes et témoins d’attentats, ce dessin mortifère est la promesse d’un lourd traumatisme. Pour Stromae, crayonné à la première page, c’est une autre affaire. Encore plus douloureuse. Plus violente. Son père, un Tutsi, est mort dans le génocide rwandais de 1994 dans des circonstances atroces : son corps a été réduit en morceaux.
Selon le quotidien français Le Figaro la famille du chanteur a exprimé son émoi au journal belge Het Nieuwsblad, en se demandant si les dessinateurs de Charlie Hebdo savaient que le père de Stromae a été "découpé en morceaux".
Si c’est le cas, ils auront, une fois de plus, sous le couvert d’une liberté d’expression débridée, emprunté la voie de la facilité, l’humour bête et méchant, avec l’espoir de truster sans frais dans le hit-parade de la transgression. Sinon, ils auront péché par manque de culture. Une faute impardonnable lorsque l’on a la prétention de rire de tout avec tout le monde, mais compréhensible pour des gens imbus de leurs certitudes, rétifs à la remise en cause.
Nos amis de Charlie Hebdo sont des artistes formidables. Il faut l’admettre. Mais force est de reconnaître aussi qu’ils excellent également dans l’art de se montrer fort minables.