LE LAC TANMA, DE L'ABONDANCE À L'ASSÈCHEMENT
Impact des changements climatiques au Sénégal
Les changements climatiques ont négativement impacté sur le Sénégal qui est un pays émaillé de cours d'eau avec de nombreux lacs célèbres. Le lac Tanma fait partie de ce patrimoine hydrographique tari. Jadis navigable et très poissonneux, il constituait un régulateur économique, social et environnemental aujourd'hui regretté des populations locales et des chercheurs. C'est le cas de Doudou Diop, secrétaire général de l'Association des agriculteurs du Diender et président de la Fédération nationale des producteurs agro-écologiques. Mais aussi de Seydou Diémé, responsable de l'Ong Adt-Gert, ancien technicien agro-forestier.
Avec sa forme en aigle, qui aurait inspiré son nom Wolof, le lac Tanma, situé entre les latitudes 14°49 et 15°00 Nord et les longitudes 17°00 et 17°06 Ouest, a connu des périodes fastes et d'abondance. Les témoins d'hier regrettent aujourd'hui les nombreux avantages qu'il procurait aux populations des villages qui l'entourent. Il couvrait, en effet, trois communautés rurales (qui sont aujourd'hui devenues des communes en la faveur de l'Acte III de la décentralisation) que sont Diender, Notto Gouye Diama et Mont Rolland et polarisait quelques villages de la communauté rurale de Keur Moussa.
Navigable en toutes saisons et très poissonneux, il permettait aux habitants de la contrée de s'adonner au maraichage. Interrogé à l'intérieur même du lit (tari) du lac Tanma, Doudou Diop, secrétaire général de l'Association des agriculteurs du Diender, se rappelle: "jadis, c'était un lac abondant. Il y avait suffisamment d'eau et toutes sortes de reptiles. Il y avait tous les poissons dont on avait besoin. Mais avec les sécheresses des années 70, le lac a diminué de volume jusqu'à tarir. Il y a aussi la salinisation des terres", a-t-il signalé.
54 hectares de terres récupérés
"Les populations des villages situés aux alentours du lac émigraient rarement vers la ville à la recherche de travail parce que les terres nourrissaient l'homme. Mais, les changements climatiques ont changé la donne. Comme le lac était salé, quand il s'est tari, les vents ont emporté la couche salée vers les terres de maraichage. Au fil des ans, on s'apercevait que les champs des agriculteurs n'étaient plus productifs", renseigne Matar Ndoye, président de la Fédération des agro-pasteurs du Djender.
Selon lui, "c'est la raison du reboisement de cette bande d'arbres de 34 hectares sur 8 kilomètres effectué depuis 2001 par la Fédération des agro-pasteurs pour aider à la régénération de l'écosystème et à la récupération des terres cultivables". Le résultat obtenu est probant car, après les cinq premières années, "l'herbe avait commencé à pousser". Dès lors, il fallait utiliser des tracteurs pour retourner la terre dans le but d'avoir l'engrais vert. "Ceci nous permettait de cultiver des céréales comme le maïs. On est ainsi arrivé à récupérer 54 ha de terres. Nous avons ensuite observé que des jeunes qui étaient partis à Dakar ont commencé à revenir pour travailler la terre", déclare M. Ndoye.
Maraichage et arboriculture pour contrer la sécheresse
Selon les témoignages recueillis auprès des agriculteurs du Diender, un long processus a conduit à l'adoption du maraichage comme principale activité. Auparavant, la pêche et l'agriculture étaient les activités phares, avec la culture des céréales. Mais un phénomène extraordinaire sera noté par les populations au fur et à mesure que le volume d'eau du lac diminuait. "Au fur et à mesure que le lac tarissait, les poissons étaient plus nombreux au point qu'on pouvait même les pécher à la main".
Avec l'installation de la sécheresse, les gens avaient commencé à faire de l'arboriculture. Les populations ont commencé à cultiver des mangues et à s'adonner au maraichage. "Jadis, la population ne travaillait que pour se nourrir. C'est avec l'avènement de la sécheresse qu'elle s'est convertie dans le maraichage et l'arboriculture", relève Doudou Diop. Les problèmes ne manquent pas tout de même pour cette reconversion.
Une des causes des inondations à Dakar
Mais le lac Tanma ne s'est pas seulement limité à polluer les terres cultivables des villages qui l'entourent. Comme une maladie contagieuse, il affecte également la vie des populations de la région de Dakar, avec une nette influence dans les inondations enregistrées chaque année. Du moins, c'est la conviction du technicien agro-forestier, Seydou Diémé, que nous avons joint au téléphone.
Pour lui, le lac Tanma est l'une des principales causes des inondations à Dakar. Bouché par l'ensablement des dunes et l'action de l'homme, le lac ne peut plus jouer son rôle de régulateur, permettant à l'eau de se frayer un passage pour se déverser en mer. "Le lac Tanma permettait de naviguer de Thiaye à Thiangaye. Et, par le Mbaawaane, cours d'eau situé entre Bayakh et Kayar, le lac Tanma voguait le long des Niayes jusqu'au jardin botanique à Dakar (Technopole) pour se déverser en mer dans la baie de Hann", explique-t-il.
Sur les 180 kilomètres de la bande des Niayes, qui séparent Dakar de Saint-Louis, s'échelonnent le long du littoral plusieurs lacs comme Warouwaye, Retba (lac Rose), Mbeubeuss, Mbaawaane et Tanma. Ils sont tous aujourd'hui menacés du fait de l'effet des changements climatiques.