MANAR SALL, CEO DE POWEX ENERGY, NOUS LIVRE SES VERITES SUR LE SCANDALE DU "DIRTY DIESEL", LES FAILLES DU SYSTEME DE DISTRIBUTION DES PRODUITS PETROLIERS EN AFRIQUE....
Manar Sall, un nom mais surtout une compétence dont l'expertise est reconnue dans le monde des hydrocarbures. L'homme a, en effet, un parcours riche et impressionnant dans le secteur du pétrole.
Du monde de l'informatique, Manar Sall a fait ses gammes entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe. En 20 ans, il a fait ses preuves chez les majors comme Exxon, Mobil entre autres, avant de contribuer à la success story du fleuron national Elton.
Manar Sall n'est pas très enchanté pour parler aux médias, mais a cru devoir faire une fleur à Dakaractu en lui accordant un entretien exclusif.
Dans ce premier jet, l'expert évoque le rôle et la responsabilité des Etats africains dans leur quête d'indépendance énergétique. Il analyse aussi la question délicate des distributeurs de carburant indépendants dont l'éthique est souvent suspectée.
Rôle des états africains dans notre indépendance énergétique.
« Quelle doit être la vision des Gouvernants africains pour nous garantir l’indépendance énergétique » ?
Manar Sall : « Si nos états africains, disons la plupart parce qu’il y en a certains qui sont producteurs de pétrole, sont conscients de l’importance de ce produit et de son impact sur l’économie de leurs pays, ils doivent maîtriser et gérer ce secteur-là. Toute la réglementation du secteur doit être maîtrisée par l’état, et c’est ce que font la plupart des états en Afrique, où on a des structures de prix. Au Sénégal, l’état fixe le prix plafond auquel on peut vendre le produit, même si dans une économie libérale, on devrait laisser le marché fixer le prix. L’état dit : « Je veux maîtriser et je fixe une réglementation ». On ne peut pas se lever un beau matin et s’improviser distributeur de produits pétroliers, il y a un certain nombre de paramètres à respecter et à réunir pour obtenir l’agrément de distributeur de produits pétroliers.
L’état a compris qu’on a besoin de règlement et de régulation de ce secteur vital pour notre économie. Si vous observez le « Top 10 » des entreprises mondiales, tous secteurs d’activités confondus, il y aura au moins 5 sociétés pétrolières, dont au moins une aura un bénéfice supérieur au PIB du Sénégal. C’est dire l’importance de ce secteur dans l’économie mondiale ».
Positionnement des Majors et des Indépendants
« Quelle est aujourd’hui la place des compagnies indépendantes dans la distribution, leur profusion n’a-t-elle pas ouvert la brèche dans laquelle se sont engouffrés opportunément les traders ? »
Manar Sall : « En ce qui concerne l’histoire des Majors en Afrique, jusqu’en 2004, si vous regardez une carte de l’Afrique, les majors étaient présentes partout. Je travaillais à l‘époque à Exxon Mobil, ils étaient présents dans 33 pays sur 54. Dans ce début des années 2000, ces majors se rendent compte qu’il existe des difficultés récurrentes et on constate le retrait progressif des sociétés anglo-saxonnes, Exxon Mobil étant la première qui a décidé de quitter le continent africain, pour des raisons qu’on peut comprendre. Voilà un groupe qui va faire 40 milliards de dollars de résultats à l’époque, là où toute l’Afrique ne fait pas 100 millions de dollars. Ajoutez à cela, les contrôles, les pertes en vies humaines majoritaires en Afrique, dues aux routes sinueuses et accidentées sur des longues distances, avec des accidents qui y sont liés, les majors se retrouvent sur un continent où nombreux sont les problèmes avec un résultat minime. Le retrait des majors s’explique et se justifie.
La nature ayant horreur du vide, quand ces majors décident de partir, on voit l’émergence de sociétés nationales, mais aussi de traders, qui viennent occuper l’espace, créant des « indépendants » qui vont profiter de l’aubaine et qui se considèrent aptes à remplacer ces majors là. Comment ça s’est passé ? Naturellement… Est-ce que cela a été bien fait ? Je me pose la question… mais la nature ayant donc horreur du vide, il fallait que des gens remplacent les majors qui avaient pris la décision de partir. A compter de ce moment, les traders se rendent compte que les majors quittent l’Afrique, que les indépendants ne sont pas assez puissants pour les remplacer valablement, et ils saisissent alors l’opportunité de rajouter à l’acheminement des produits qui leur était dévolu, la distribution des produits pétroliers. Et c’est cela qui leur a permis d’avoir des stations services et des clients industriels comme les usines. Ces traders intègrent donc la distribution, et je ne vois pas comment empêcher quelqu’un qui a des velléités de servir un marché de le faire. Comment le faire ? Là est la question.