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24 avril 2025
MBAYE NIANG A TROUVÉ UN ACCORD AVEC L’AJ AUXERRE
Selon L’Equipe, bien que l’AJA négocie actuellement l’arrivée de l’amiénois Aliou Badji, il se pourrait que M’Baye Niang retrouve les deux anciens bordelais que sont Benoit Costil et Théo Pellenard.
Comme rapporté précédemment, l’international sénégalais, M’Baye Niang, a l’intérêt de deux clubs de Ligue 1 Ajaccio et l’AJ Auxerre. Il semblerait que celui qui soit sous contrat jusqu’en 2024 avec les Girondins de Bordeaux soit proche du club de Jean-Marc Furlan.
Selon L’Equipe, bien que l’AJA négocie actuellement l’arrivée de l’amiénois Aliou Badji, il se pourrait que M’Baye Niang retrouve les deux anciens bordelais que sont Benoit Costil et Théo Pellenard. « L’AJA s’est mise sur la piste du Bordelais M’Baye Niang.
Intéressé par le projet, l’international sénégalais (27 ans) a trouvé un accord autour d’un contrat de deux ans. Bordeaux et l’AJ Auxerre ont négocié les conditions d’un départ (basées uniquement sur des bonus) ». Une manière pour les Girondins de Bordeaux de se séparer d’un joueur à gros salaire, tout en s’assurant, peut-être un jour, une petite rentrée d’argent. Mbaye Niang est arrivé libre du Stade Rennais, consentant vraisemblablement des efforts sur son salaire. Mbaye Niang a signé tardivement en Gironde et a mis plusieurs semaines/mois à revenir physiquement.
A l’arrivée de David Guion, ce dernier comptait sur lui afin d’aider le club au scapulaire à se maintenir. Il y eut de bonnes rencontres, mais surtout un discours étrange, M’Baye étant sûr que les Girondins allaient se maintenir… On connait la suite. Et puis, il y eut cet épisode du Futsal où avec Yacine Adli, Abdel Medioub et Mehdi Zerkane, il se mit à la faute. Il fera, comme ses coéquipiers du terrain indoor, comme ceux de Ligue 1, toujours partie de ceux qui ont fait descendre le FCGB en Ligue 2. Et heureusement, uniquement en Ligue 2…
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FIN D'EPISODE DE L'AFFAIRE GOUDIABY ET LA CAMPAGNE ELECTORALE A LA UNE DE LA REVUE DE PRESSE DE L'APS CE JEUDI
LA Décision finale de la justice dans l'affaire Goudiaby et d'autre sujets politiques relatifs à la compagne électorale pour les législatives du 31 juillet prochain font les choux gras de la presse ce jeudi 28 juillet 2022.
LA Décision finale de la justice dans l'affaire Goudiaby et d'autre sujets politiques relatifs à la compagne électorale pour les législatives du 31 juillet prochain font les choux gras de la presse ce jeudi 28 juillet 2022. Ecoutez le résumé de l'actualité présenté par Fabrice Nguéma sur les ondes de la Zik Fm.
91 MILLIONS D’AFRICAINS INFECTÉS PAR L'HÉPATITE
L’Organisation mondiale de la santé (Oms) a renseigné hier, mercredi 27 juillet 2022, en prélude à la Journée mondiale de lutte contre l’hépatite, que plus de 91 millions d’Africains vivent avec l’hépatite B ou l’hépatite C
L’Organisation mondiale de la santé (Oms) a renseigné hier, mercredi 27 juillet 2022, en prélude à la Journée mondiale de lutte contre l’hépatite, que plus de 91 millions d’Africains vivent avec l’hépatite B ou l’hépatite C, qui sont les souches les plus mortelles du virus.
Concernant, le tableau de bord 2021 sur l’hépatite virale qui examine les données de la Région africaine en mettant l’accent sur les hépatites B et C, qui sont à l’origine de cas de cirrhose et de cancer du foie, l’Oms note que plus de 8% de la population totale de 19 pays sont infectés par le virus de l’hépatite B, pendant que la prévalence de l’hépatite C est supérieure à 1% dans 18 pays. En 2020, la Région africaine représentait 26% de la charge mondiale de morbidité due aux hépatites B et C, avec 125.000 décès associés. «Environ 70% des cas d’hépatite B dans le monde sont concentrés en Afrique.
Les symptômes de la maladie apparaissant plusieurs décennies après l’infection par le virus ; cela est particulièrement inquiétant pour l’avenir car la Région compte 70% de tous les cas d’hépatite B recensés dans le monde chez les moins de cinq (5) ans ; soit 4,5 millions d’enfants africains infectés. Actuellement, 33 pays enregistrent une prévalence de l'hépatite B supérieure à 1% chez les enfants de moins de 5 ans, ce qui représente une légère amélioration par rapport aux 40 pays recensés en 2019», a renseigné l’Oms dans son message de lutte contre la maladie.
Face à ce constat, la Dre Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique a soutenu que «l’hépatite a été qualifiée d’épidémie silencieuse, mais ce tableau de bord vient tirer la sonnette d’alarme pour la Région et le reste du monde. Nous devons faire mieux et empêcher que cette maladie vole l’avenir de nos enfants. Il existe un vaccin sûr et efficace qui offre une protection estimée à près de 100% contre l’hépatite B, l’une des souches les plus mortelles du virus. Nous devons nous assurer que tous les enfants africains sont vaccinés dans les 24 heures suivant leur naissance et que par la suite ils reçoivent au moins deux doses supplémentaires du vaccin.»
Selon le tableau de bord, la couverture de la vaccination systématique des enfants contre l’hépatite B, actuellement estimée à 72% dans la Région, est bien en deçà de la cible mondiale de 90%, niveau auquel le virus ne constituera plus une menace pour la santé publique. «Le nombre de pays ayant une couverture supérieure à 90% a augmenté, passant de 23 en 2019 à 27 en 2021. De plus, bien que la vaccination à la naissance ne soit administrée que dans 14 pays africains, avec une couverture globale de 10%, il s'agit d'une hausse par rapport aux 11 pays de 2019» a-t-elle estimé. L’hépatite peut se transmettre par des produits sanguins contaminés, d’où la nécessité de faire des progrès supplémentaires afin de garantir la sûreté du sang. Or, dans la Région africaine, seuls 80% des dons de sang font l’objet d’un dépistage avec une assurance qualité, tandis que 5% des seringues sont réutilisées.
Les usagers de drogues injectables reçoivent, quant à eux, seulement six (6) seringues chacun ; alors que l’objectif mondial annuel est de 200 seringues par individu. Les taux de diagnostic et de traitement sont eux aussi particulièrement peu élevés, comme le montre le tableau de bord. Selon l’Oms, en 2021, seulement 2% des personnes infectées par le virus de l’hépatite B ont été diagnostiquées et à peine 0,1% d’entre elles ont été traitées.
S’agissant de l’hépatite C, on estime que 5% des personnes infectées ont été diagnostiquées et que près de 0% ont été traitées. «Pour inverser la tendance, les services de prise en charge de l’hépatite doivent être transférés des cliniques spécialisées pour être redéployés dans les établissements décentralisés et intégrés, où la plupart des Africains continuent de se faire soigner. Il faudrait former davantage des agents de soins de santé primaires au diagnostic et au traitement du virus», a souligné la Dre Moeti. L’hépatite demeure, pour les acteurs de la santé, une menace importante pour la santé publique en Afrique.
Pour l’Oms, les progrès en matière de prévention, de diagnostic et de traitement ont été entravés, entre 2019 et 2021, en raison de la mise en œuvre insuffisante des interventions relatives à l'hépatite dans les pays. Pour faire la différence et accélérer l’atteinte des objectifs d’élimination, l’Oms a préconisé que les pays devraient ériger en priorité la menace que pose l’hépatite et mettre le traitement de cette maladie à la portée des communautés.
Pour ce faire, elle a estimé qu’«il est nécessaire : d’accroître le financement national consacré à l’élimination du VIH, de la tuberculose, des infections sexuellement transmissibles et de l’hépatite, de mettre en place une plateforme pour fournir des services intégrés comme l’approche prenant en compte toutes les étapes de la vie, la santé génésique et la santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, la vaccination, d’investir dans l'information et la surveillance pour mieux agir».
PLAIDOYER DES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LES HÉPATITES B OU C
Plus de moyens, disponibilité et accessibilité des médicaments, dépistage précoce, l’association «Safara Hépatite» demande plus de soutien au Chef de l’Etat pour la prise en charge de ladite maladie
La Journée mondiale de lutte contre les hépatites est célébrée ce jeudi 28 juillet par la communauté internationale. En prélude à la rencontre, le Sénégal, par le biais de l’association «Safara Hépatite» a tenu un point de presse hier, mercredi 27 juillet 2022, pour demander plus de soutien au Chef de l’Etat, pour la prise en charge de ladite maladie, tout en appelant à un dépistage précoce de la maladie.
Le taux de prévalence de l’hépatite est en baisse depuis quelques années au Sénégal. Vers les années 1990, si ce taux était à 17%, aujourd’hui, il est entre 09% et 08%. Docteur Yacine Fall, du Programme de lutte contre les hépatites au Sénégal, renseigne que pour cette journée et dans le cadre du Sénégal, ce sont les hépatites B et C qui sont concernées. Une inflammation du foie qui peut conduire à la cirrhose ou à d’autres complications qui peuvent être mortelles pour la personne.
Selon Dr Fall, les causes peuvent être toxiques, peuvent survenir de la consommation excessive de l’alcool, entre autres. «Il n’y a pas de cause génétique. Même la contamination mère-enfant se fait lors de l’accouchement. Il y a encore la contamination interfamiliale. Et c’est quand des membres d’une famille entrent en contact avec le sang infecté d’une personne atteinte de la maladie, par le biais des lames ou autres objets tranchants».
Pour Docteur Yacine Fall, 80% des personnes atteintes d’hépatite développent la forme asymptomatique et éliminent la maladie au bout de six (6) mois et 90% des porteurs ne développent pas la maladie. Dans le cadre de la sensibilisation, la professionnelle de la maladie appelle les Sénégalais à diminuer la consommation de graisse dans leur régime alimentaire, mais surtout à aller se faire vacciner pour faire reculer d’avantage la maladie dans le pays. L’association «Safara Hépatite», pilotée par Fatou Guirane, a lancé un appel au Chef de l’Etat et au ministère de la Santé et de l’Action sociale pour plus de moyens mais aussi pour la disponibilité et l’accessibilité des médicaments. Elle a, en outre, appelé à un dépistage précoce de la maladie. Et de rappeler, pour cette édition, que «le Sénégal va célébrer la journée sous le thème : ‘’Je ne peux pas attendre’’. Un thème qui touche le malade, le médecin mais aussi la famille».
LE FONCIER, UN NID DE CORRUPTION
La corruption dans le foncier est favorisée par plusieurs facteurs dont les lois qui sont dépassées par l’évolution sociale, des réformes qui ne sont jamais appliquées et des sanctions pénales faibles non dissuasives
La corruption dans le foncier est favorisée par plusieurs facteurs dont les lois qui sont dépassées par l’évolution sociale, des réformes qui ne sont jamais appliquées et des sanctions pénales faibles non dissuasives. L’analyse ressort d’une étude menée par l’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le cabinet Consortium pour la recherche économique et sociale sur la corruption dans le secteur foncier. Elle a été présentée hier, mercredi 27 juillet.
Une étude de l’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le cabinet Consortium pour la recherche économique et sociale est revenue sur les risques de corruption dans le secteur foncier. Dans celle-ci, présentée hier, mercredi 27 juillet, ses réalisateurs à la tête desquels, le professeur Abdoulaye Dièye, ont trouvé que parmi les facteurs qui favorisent la corruption dans le domaine du foncier, il y a l’environnement juridique qui est inadéquat parce qu’il contient beaucoup d’anatomismes, des «choses dépassées». Comme exemple indique-t-il, « la loi sur le domaine national de 1964 a été adoptée dans un contexte bien déterminé et qui a complétement changé en atteste dit-il, les méthodes culturales, les statistiques de développement et la taille de la population qui ont évolué».
Sur ce, le professeur Abdoulaye Dieye soutient que «quand on met en place un régime juridique dans un contexte bien déterminé et qui a complétement changé, il y a rien d’étonnant de voir dans le système juridique des choses qui sont dépassées». S’agissant de la loi de 1976 sur le domaine de l’Etat et qui a été instituée à quelques années de l’acte 1 sur la décentralisation, il trouve aussi qu’elle n’est plus applicable. Cette loi de 1976, souligne le professeur Abdoulaye Dieye «c’est quand il n’y avait pratiquement que la commune comme collectivité locale». Et depuis lors, fait-il noter, « une évolution a eu lieu avec l’érection de nouvelles régions et d’autres qui ont été supprimées ». Il conclut ainsi « qu’il est regrettable que depuis lors une évolution n’ait pas eu lieu. Actuellement, tout le domaine public appartient encore à l’Etat. Ce qui explique beaucoup d’anatomismes notés dans le domaine public». Tout en favorisant une corruption dans le secteur, la croissance démographique, a fait naitre une anarchie comme le non-respect de plans directeurs d’urbanisme.
LES REFORMES SANS LENDEMAINS, UN MAL QUI FAVORISE L’IMPUNITE
«Le fait que les gens pensent qu’il n’y aura pas de suite aux réformes encourage la corruption dans le domaine», alerte le professeur Abdoulaye Dieye. Pis ajoute-t-il, «de 1990 à nos jours, il y a toujours eu des initiatives de réformes qui n’ont pas abouti et ça crée une illusion qu’on peut se permettre de faire ce que l’on veut sans qu’il y ait de conséquences». L’équipe du professeur Abdoulaye Dieye a aussi décelé des lenteurs dans la gestion du domaine privé de l’Etat. La présidente de l’Ofnac Seynabou Ndiaye Diakhaté a estimé, quant à elle, que, «la volonté et les nombreuses initiatives des autorités de l’État du Sénégal de faire de la sécurisation foncière un objectif prioritaire de développement sont à encourager». Elle est d’avis que «sans la sécurité et la gestion transparente du foncier, aucun développement ne saurait être durable. De ce fait, les conditions équitables d'accès à la terre, la prise en compte des exigences nationales s'avèrent nécessaires pour conduire l’émergence du pays». L’équipe de recherche sur la corruption dans le foncier a fait plusieurs recommandations allant de l’érection des villages comme structure administrative de base à la décentralisation de la commission domaniale qui siège à Dakar et qui doit superviser des actes dans les zones éloignées. Elle a aussi plaidé pour le renforcement des peines infligées aux délinquants fonciers qui s’en sortent souvent avec des peines assorties d’un sursis. L’étude de l’Ofnac a été menée dans les régions de Dakar et Thiés. Son extension en dehors de la capitale a été motivée dit le professeur Abdoulaye Dieye par le fait «qu’il était d’une nécessité de toucher cette région parce qu’elle est caractérisée par l’existence d’une réserve foncière encore importante. Elle abrite aussi de grands projets structurants ce qui renforce son attractivité».
883 PLAINTES ET DENONCIATIONS REÇUES ENTRE 2014 ET 2017
Faire une étude sur la réforme foncière est motivée par le fait que les plaintes et dénonciations enregistrées par l’Ofnac portent, pour la plupart, sur le foncier. De 2014 à 2017, sur 883 plaintes et dénonciations reçues, 111 concernaient le secteur foncier. Par ailleurs, les enjeux liés à l’émergence de certains centres urbains et au développement de nouveaux espaces de vie et pôles économiques créent des niches de nouveaux domaines de vulnérabilité surtout en matière de spéculation foncière.
MAURICE SOUDIECK DIONE ÉVALUE LES HUIT LISTES EN LICE POUR LES LÉGISLATIVES
Dans cet entretien exclusif accordé à de Sud quotidien, l’enseignant chercheur en Science politique décortique les offres programmatiques des différentes listes de coalitions et leurs limites
Professeur agrégé en Science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Maurice Soudieck Dione dresse le bilan de la campagne électorale à trois jours des législatives du 31 juillet prochain. Dans cet entretien exclusif accordé à de Sud quotidien, l’enseignant chercheur en Science politique décortique les offres programmatiques des différentes listes de coalitions et leurs limites tout en revenant sur les enjeux politiques de la demande de Ousmane Sonko à débattre avec Aminata Touré «Mimi» et les raisons qui peuvent expliquer le refus de cette dernière à travers les conditions préalables.
Quel bilan tirez-vous de cette campagne du point de vue de la forme ?
Il y a eu une première semaine de campagne marquée par une certaine léthargie due certainement au fait que nous sortions de la fête de la Tabaski. Par la suite, de plus en plus, il y a eu de l’effervescence et beaucoup d’animation à travers les caravanes des diverses coalitions en compétition. Il faut noter également que l’essentiel de la communication politique semble se faire sur Internet, à travers les réseaux sociaux, où il n’y a pas de restrictions de temps d’antenne et de jeux d’équilibre légaux à préserver. Les différentes coalitions rivalisent donc de zèle pour faire passer leurs messages par ces canaux. Ce phénomène semble avoir été accentué par l’invalidation de la composante des titulaires de la liste de Yewwi Askan Wi.
Comment appréciez-vous l’offre programmatique des huit listes engagées dans cette campagne ?
Pour les huit coalitions, il y a globalement 3 tendances qui se dégagent. La première est incarnée par la coalition Benno Bokk Yaakar qui est constituée par la majorité au pouvoir, dont la campagne porte essentiellement sur la défense et l’illustration du bilan du Président Macky Sall, avec pour objectif de convaincre les électeurs de reconduire cette majorité afin de continuer à exécuter le programme en cours. Ensuite, concernant l’opposition, elle met en évidence les difficultés vécues par les Sénégalais, notamment le renchérissement exponentiel des denrées de consommation courante, le chômage des jeunes, la pauvreté, la gestion des ressources naturelles, du foncier, des services publics, notamment la santé, l’éducation, la justice etc. Enfin, il y a également l’argument de la lutte contre une probable troisième candidature du Président Sall, illégale au regard de la Constitution. Mais à titre illustratif, on peut s’arrêter sur le programme de la coalition Aar Sénégal qui semble avoir le plus formalisé son offre politique à travers un contrat de législature, le 14/14. Quatorze réformes majeures pour une quatorzième législature de rupture : par rapport au fonctionnement, à l’efficacité, à la redevabilité et à la rationalité parlementaires, au patriotisme économique, au système éducatif, aux Doomu Daara, aux personnes à mobilité réduite, à la gouvernance foncière, à la souveraineté alimentaire, à la régulation, à la citoyenneté, à la diaspora, et au développement durable. Mais le problème qui se pose c’est la faisabilité du programme, car, on ne peut utiliser l’Assemblée nationale dans le processus de matérialisation de politiques publiques, que si on y détient la majorité. C’est pourquoi on note dans le contrat de législature de Aar Sénégal, ce leitmotiv qui accompagne toutes les 14 propositions : «Nos députés s’engagent à proposer des lois dans les domaines ci-dessous, dans la limite des prérogatives dévolues à l’Assemblée nationale».
Avec une telle formule, s’acquitter de l’engagement n’est pas une obligation de résultat, mais une obligation de moyen dont la réalisation est assujettie à une condition suspensive, l’occurrence d’un événement futur, hypothétique et incertain : l’obtention de la majorité. Ce qui revient à dire, au-delà des précautions de rhétorique et des arguties juridiques, qu’on ne s’engage à rien. Parce que les prérogatives de l’Assemblée nationale sont très limitées dans la configuration actuelle du système politique. D’abord, les propositions de lois doivent respecter l’équilibre des finances publiques. En effet, l’article 82 alinéa 2 de la Constitution dispose : «Les propositions et amendements formulés par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins que ces propositions ou amendements ne soient assortis de propositions de recettes compensatrices.» Ensuite, les propositions de lois n’ont aucune chance de passer dès lors qu’on n’a pas la majorité à l’Assemblée nationale. Donc, l’enjeu crucial pour ces élections que ce soit pour le pouvoir tout comme pour l’opposition, c’est l’obtention d’une majorité au pouvoir, sans laquelle aucune force politique ne peut actionner les leviers de la gouvernance.
Quelle lecture faites-vous de la demande de Sonko à débattre avec Mimi et la réponse de cette dernière qui a posé ses conditions?
Les débats programmatiques sont essentiels en démocratie. Cela permet de sublimer la violence qu’elle soit physique et/ou verbale, en lui substituant une confrontation d’idées. Dans cette perspective, la demande d’Ousmane Sonko de débattre avec Madame Aminata Touré est tout à fait compréhensible. Mais, il y a plusieurs problèmes à ce niveau. D’abord, au plan strictement juridique, la composante des titulaires de la liste Yewwi Askan Wi a été invalidée, donc les investis sur ce registre ne sont plus candidats. Il convient cependant de réaffirmer, à toutes fins utiles, le caractère illégal et illogique d’une telle décision, en raison du principe de l’unicité de la liste électorale. Ensuite, on ne peut pas comprendre qu’il puisse y avoir des suppléants sans titulaires, tout comme on ne saurait comprendre que le Conseil constitutionnel investisse de fait des suppléants pour en faire des titulaires, en se substituant à la coalition, alors qu’il n’a pas ce pouvoir. Mais, quoi qu’il en soit cette décision est devenue définitive. Dès lors, pour qu’un débat puisse être organisé entre deux protagonistes dans une campagne électorale, il faut qu’ils soient tous les deux des candidats légalement reconnus. Je crois que Madame Aminata Touré aurait pu opposer une fin de non-recevoir sur la base de ce motif.
A votre avis pourquoi, elle ne l’a pas fait ?
Cela risquerait de relancer le débat sur les décisions très controversées du Conseil constitutionnel alors que la période du dépôt et de la recevabilité juridique des listes est dépassée. Il y a également un autre problème politique. C’est qu’Ousmane Sonko a des ambitions présidentielles clairement affichées et défendues, ce qui n’est pas le cas de Madame Aminata Touré, tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar, certes ; mais la question de la candidature en 2024 au sein de cette coalition est encore une question taboue à laquelle le principal concerné a répondu de manière équivoque «ni oui, ni non», alors même que l’article 27 de la Constitution qui l’exclut du jeu est clair comme de l’eau de roche : «Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs». Le Président Sall a eu un premier mandat de 2012 à 2019 et il exerce un second et dernier mandat depuis 2019 et qui se termine en 2024 ; et les deux mandats sont consécutifs, c’està-dire qu’ils entretiennent un rapport de succession immédiate. Le pronom impersonnel utilisé dans la rédaction de l’article est valable pour tout le monde. Donc, Madame Aminata Touré pourrait commettre une faute politique si elle acceptait en perspective des élections législatives prochaines de participer à un débat avec un leader de l’opposition qui se positionne pour la Présidentielle de 2024, alors que le Président Sall peut envisager de briguer une troisième candidature en violation de la Constitution.
A vous entendre parler, on a l’impression que vous n’êtes pas convaincu par les conditions de Mme Touré
Les arguments que donne Madame Aminata Touré ne semblent pas pertinents. Sur l’argument de la violence, il y a que c’est la violence d’État qui suscite une violence contre l’État. Il y a que le fait de renvoyer à Ousmane Sonko la crise casamançaise et les insinuations de rébellion ramènent à des considérations relatives au communautarisme d’exclusion, ce qui doit être absolument banni par tous les acteurs, de quel que bord politique qu’ils peuvent se situer, pouvoir comme opposition. Enfin, poser comme condition qu’Ousmane Sonko tranche lui-même un contentieux judiciaire dans lequel il est impliqué, n’est pas judicieux, puisque ce dernier ne peut pas être juge et partie. C’est dire que la réalisation des conditions qu’elle exige est impossible ; et dès lors cette forme de communication peut être interprétée comme un rejet du débat.
Par ailleurs, comment appréciez-vous les accusations de Sonko contre les autres listes qui seraient parrainées par le chef de l’Etat ?
Je pense que ce sont des accusations dont il aurait pu faire l’économie, afin de concentrer le combat démocratique en direction des tenants du pouvoir. Donc s’attaquer à tout le reste de l’opposition crée de la diversion et de la division inutile. Ousmane Sonko lui-même avait appelé les leaders de Yewwi Askan Wi qui étaient frustrés après les investitures, à ne pas s’attaquer à la coalition. Au demeurant, il est fort probable qu’un front pluriel et divers de l’opposition soit constitué pour mener ensemble des batailles politiques pour renforcer la démocratie sénégalaise, notamment contre une troisième candidature du Président Sall en violation de la Constitution. Ensuite, au niveau de l’Assemblée nationale, il est possible que l’opposition se regroupe ; d’où l’intérêt à éviter des divergences artificiellement créées. Il peut y avoir de la stratégie politique derrière ces propos pour tout ramener à Yewwi Askan Wi dont la campagne s’est bonifiée avec l’entrée en jeu d’Ousmane Sonko et des autres leaders de la coalition : si Ousmane Sonko parle de et pour sa coalition et que tout le monde parle de lui ; il cristallise dès lors toutes les attentions de la campagne. Mais, il faut jouer sur cette fibre avec prudence, car au-delà des considérations électoralistes, il y a l’idée et l’image que les citoyens-électeurs se font d’un leader, qui a un capital de confiance et de crédibilité à gérer, et qui dépasse le simple cadre de la situation et de la conjoncture politique du moment. En effet, les affirmations et accusations gratuites érodent avec le temps la crédibilité d’un leader. Or, la confiance est difficile à acquérir et lorsqu’elle est perdue on la regagne difficilement, pour ne pas dire qu’elle est perdue définitivement. Pour une meilleure stratégie de communication politique, il aurait pu être plus nuancé. Du coup aucune coalition ne voudrait réagir pour se réapproprier les propos ; tout en présentant la coalition Yewwi Askan Wi comme résolument ancrée dans l’opposition. Il obtiendrait alors le même résultat, pratiquement, sans cristalliser les ripostes légitimes des autres coalitions, avec des écarts de langage. Toutes choses qui peuvent compromettre ou gêner de futures retrouvailles politiques dans l’opposition.
La coalition Yewwi entend faire voter une loi contre la discrimination des candidatures. Si on estime qu’elle pourrait empêcher d’écarter des candidats, ne risquerait-elle pas aussi de déboucher sur l’impunité?
Si à l’issue du vote du 31 j u i l l e t 2022 la coalition Y e w w i askan wi obtient la majorité à l’Assemblée nationale, elle peut faire voter une loi contre la discrimination des candidatures. Cet acte législatif peut être une occasion pour revoir le parrainage qui a été imposé par le Président Sall en 2019 sans aucune concertation. Or, depuis le Code consensuel de 1992, il y a une doctrine du consensualisme qui s’est dégagée en tout ce qui concerne l’élaboration des règles de la compétition au pouvoir, et qui est gage de stabilité politique en permettant d’éviter les tensions et violences autour des élections. Le Président Sall s’est fait réélire facilement en 2019 grâce au parrainage qu’il a imposé et qui est illégal du point de vue de la Constitution. Car, avec la réforme constitutionnelle référendaire n°2016-10 du 05 avril 2016, l’article 103 de la Charte fondamentale dispose en son alinéa 7 : « La forme républicaine de l’État, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision». Donc, avec le parrainage, le mode d’élection du président de la République a été révisé en violation de la Constitution.
En plus, le parrainage a complètement faussé la Présidentielle de 2019. Censée être appliquée à tous les types d’élection, on s’est rendu compte qu’il n’était pas pertinent pour les élections locales ; ce qui révèle encore une fois que le procédé a été imposé sans discussion et sans réflexion approfondie, de manière circonstancielle et personnelle pour les besoins de la réélection du Président Sall en 2019. Le contrôle des signatures si tant est que cela soit possible n’a pas été fait par le Conseil constitutionnel. Les candidats écartés de la candidature n’avaient pas le fichier sur la base duquel ils ont été évalués ; donc ont été éliminés sans comprendre pourquoi ni comment. On a pu constater toutes les contradictions que le parrainage a suscité pour les Législatives du 31 juillet prochain, en excluant des c o a l i - t i o n s comme Gëm Sa Bopp de Bougane Guèye Dany qui a obtenu des résultats appréciables lors des élections locales du 23 janvier 2022. Comble de l’absurdité, au sens strict de ce qui est contraire à la raison, le parrainage sous sa forme actuelle aurait pu aboutir à l’élimination de forces politiques encore plus significatives. Ce qui est dangereux pour la paix et la stabilité nationale et pour la légitimité et la crédibilité des institutions. Benno Bokk Yaakar qui a eu un excédent d’un parrain aurait pu être éliminé, parce qu’ayant déposé 55 328 parrains au lieu de 55 327, le maximum autorisé par la loi. Ce qui aurait été scandaleux sachant que c’est la coalition qui détient la majorité présidentielle et la majorité parlementaire ; et qui donc n’a pas de garantie de représentativité à prouver. Cela aurait été tout aussi scandaleux si de grandes coalitions de l’opposition étaient écartées comme Yewwi Askan Wi qui a gagné les départements de Keur Massar, Rufisque, Mbacké, Bignona, Oussouye, Ziguinchor et des Villes comme Dakar, Rufisque, Guédiawaye et Thiès, lors des dernières élections locales.
Donc, cette coalition également n’a pas de garantie de représentativité à prouver. C’est aussi le cas de la coalition Wallu Sénégal constituée autour du PDS qui est la première force de l’opposition à l’Assemblée nationale, parti créé en 1974 qui a fait 26 ans d’opposition, 12 ans de pouvoir, auxquels s’ajoutent encore 10 ans d’opposition. Tout cela montre les problèmes ardus apportés par le parrainage. C’est pourquoi la Cour de justice de la CEDEAO en son Arrêt du 28 avril 2021 a rejeté le procédé comme portant atteinte à la liberté de candidature en ces termes : «Dit (…) que le code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi n° 2018- 22 du 04 février 2018 viole le droit de libre participation aux élections ; Ordonne en conséquence à l’État du Sénégal de lever tous les obstacles à une libre participation aux élections consécutifs à cette modification par la suppression du système de parrainage électoral ; Lui impartit un délai de six (6) mois à compter de la notification qui lui en sera faite pour soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution de la présente décision». Mais jusqu’à présent, l’État du Sénégal n’a pas encore appliqué cette décision et viole ainsi de manière flagrante le droit communautaire. Par ailleurs, je ne pense pas que cette loi débouche sur l’impunité. En effet, des personnalités politiques ont été écartées du jeu à travers des affaires politico-judiciaires : la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite) pour Karim Wade et la caisse d’avance de la mairie de Dakar pour Khalifa Ababacar Sall. Pour redynamiser la démocratie sénégalaise, il faut ouvrir le jeu. Car, la démocratie selon des auteurs comme Robert Dahl repose sur l’élargissement de la compétition politique et l’élargissement de la participation politique. La véritable impunité est relative au pillage et au gaspillage des ressources publiques dans le cadre d’un système clientéliste, sans que les corps de contrôle de l’État ne fassent leur travail ; ou que les rapports - lorsqu’ils sont produits - soient mis sous le coude et ne soient point déférés à la justice.
À votre avis, entre quelles coalitions vont se jouer les législatives ?
Nous sommes dans le cadre d’élections très disputées. Elles sont également incertaines quant aux résultats ; ce qui est un gage de vitalité démocratique. Toutes les coalitions jouent leurs chances, travaillent sur le terrain et sont juridiquement d’égale dignité. Mais, il semble que certaines émergent plus que d’autres : il s’agit de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakar ; dans l’opposition, il s’agit de la coalition Yewwi Askan Wi et de la coalition Wallu Sénégal qui ont scellé un pacte au niveau des départements à travers l’inter-coalition Yewwi-Wallu ; ensuite il y a la coalition Bokk Gis Gis Liggeey, dirigée par le Président Pape Diop, et la coalition Aar Sénégal. Cependant, on n’est pas à l’abri de surprises pour les autres coalitions de l’opposition : Bount Bi, Natangué Askan Wi, les Serviteurs.
CONJURER LA VIOLENCE POLITIQUE ET SOCIALE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - En politique, la responsabilité, c’est de construire patiemment et dans l’endurance, un rapport de force favorable à l’expression citoyenne pacifique pour des issues démocratiques populaires (Partie 1/2)
« La répression détruit les États, la tolérance construit les nations », Nelson Mandela.
Le Sénégal vit une crise économique et sociale profonde, fort complexe, aggravée par la pandémie du Covid 19 et par les premières répercussions de la guerre récente en Ukraine. Cette dernière révèle au grand jour l’inadmissible dépendance alimentaire du pays et renforce les sentiments d’incertitude et d’angoisse des populations quant à leur niveau de vie en dégradation continue. Les retombées sociales des investissements massifs du Plan Sénégal Émergent PSE dans de grands projets phares de modernisation des infrastructures et l’injection de plusieurs milliards dans la solidarité en faveur des jeunes, dans l’agriculture pour soutenir, diversifier et booster la production paysanne, l’appui aux populations déshéritées et groupes vulnérables n’ont pu atteindre leurs objectifs de résorber sensiblement le chômage et d’amortir l’effet accéléré de paupérisation. La raison en est que le modèle de développement extraverti et dépendant, même s’il enregistre un taux de croissance en élévation, secrète, indépendamment de la volonté des Gouvernements et de manière implacable, les inégalités et injustices sociales, faisant perdurer la crise sociale.
Une crise sociale persistante
La crise sociale est entretenue de fait par les fractures économique, sociale, territoriale et culturelle de la période coloniale qui défigurent encore le pays, de même que le fléau de la corruption et son corollaire l’impunité. La tragédie humaine et morale qui se déroule quotidiennement sous nos yeux depuis plus de 20 ans, poussent des jeunes par milliers à la migration clandestine vers l’Europe, vers la mort certaine dans l’océan et le désert, certains capturés et réduits en esclaves en cours de route. Ce vaste drame existentiel vécu au Sénégal et dans la sous-région, témoigne de l’ampleur et de la profondeur de la crise économique et l’échec du modèle de développement colonial capitaliste qui structure encore le pays depuis son indépendance en 1960. La profonde crise morale qui affecte la société en est certainement la dimension la plus grave avec le règne du mensonge, du chantage et de la délation, des fake news et de la manipulation, le développement du trafic de drogue et du commerce illicite de toutes sortes, de la cybercriminalité, des viols, de la pédophilie, des crimes crapuleux. Cette décadence des mœurs sur la longue durée a fini par déboucher sur une crise sociétale, une crise existentielle des valeurs et des repères, mais aussi sur une crise de confiance et de légitimité politique à l’égard des dirigeants jugés responsables de l’état fracturé dans lequel se trouve le pays.
La confiscation effective de notre souveraineté politique nationale, la dépendance conceptuelle séculaire ainsi que la soumission monétaire et financière à l’égard des États occidentaux et de leurs agences internationales expliquent le faible recours à l’expertise nationale, le soutien insuffisant aux entreprises privées nationales, le manque de patriotisme dans la gestion des ressources naturelles, mais également la non-mobilisation des fortes capacités de la jeunesse et du génie créateur des communautés. Tout ceci faisant structurellement défaut, la crise a conduit à l’effondrement consécutif des classes moyennes et la pauvreté accrue des populations. L’habitat urbain encore précaire et insalubre touchant de nombreux quartiers et le vécu dramatique des inondations à chaque hivernage en dépit des milliards engloutis, amènent la population à douter de la compétence et du sérieux des responsables des services de l’administration et des hommes politiques qui interviennent. Cette situation déplorable prouve, malgré le bilan des réalisations sectorielles positives, un échec des politiques de développement sur le plan de la vision stratégique, des choix des hommes et des priorités, des innovations impérieuses attendues. Le pays reste encore assis sur la natte des autres sans un développement endogène pourtant possible, vu ses atouts considérables en ressources naturelles et humaines et la riche diversité de ses cultures et traditions. (Ki-Zerbo 1993)[i].
Un contexte politique trouble
Globalement en désaccord avec le système de parrainage, l’opposition a néanmoins décidé de participer aux élections législatives de ce 31 juillet, malgré l’invalidation de sa liste de titulaires. Cependant l’idée en l’air d’une candidature du Président Sall à un troisième mandat jugée anticonstitutionnelle dans l’opinion générale complique davantage la situation déjà très préoccupante. Désormais, il semble que l’aspect principal de la contradiction dans les rapports de classe dans le pays est celui opposant de plus en plus frontalement le groupe dirigeant au sommet de l’État et la société globale. La personnalisation excessive du pouvoir présidentiel dont la suppression du Poste de Premier ministre en est un signe évident, l’activisme clientéliste animé par la philosophie ambiante du neddo ko bandam[ii], l’absence d’une idéologie politique ou d’un corps d’idées fédératrices et mobilisatrices, sont certainement à l’origine d’une communication gouvernementale minimale défaillante, mais également des solutions politiques inadéquates. Telle nous semble l’origine de la non-tenue effective d’un dialogue national sincère et inclusif, toujours évoqué dans les discours, mais jamais effectif. Un tel état de fait sur plusieurs années durant, crée nécessairement une cristallisation politique extrême, un durcissement de part et d’autre, surtout si les élections à venir risquent de sceller définitivement le sort politique des uns et des autres et plus sérieusement, le destin du pays.
Les violentes manifestations du mois de mars 2021 et celles toutes récentes font partie d’un cycle répétitif qui secoue le pays dès les premières années d’indépendance. L’aggravation de ce processus de violences a atteint un seuil critique et l’on redoute à présent le basculement au pire. Le groupe dirigeant semble déterminé à conserver le pouvoir coûte que coûte et l’opposition et le peuple à résister vaille que vaille. De nombreux signes avant-coureurs de confrontation sont perceptibles avec l’interdiction et la répression des marches de protestation et des manifestations multiformes de l’opposition. La tournure de plus en plus violente prise ces derniers jours sur le terrain dans la campagne électorale en cours, renforce naturellement les inquiétudes.
I. La violence d’État, une tradition
Le président Senghor avait l’intelligence, face à la complexité de la société sénégalaise et au dynamisme de l’opposition nationaliste et marxiste radical, de fonder la gestion de l’hégémonie politique de la classe dominante sur « la politique du dialogue »[iii]. Celle-ci permettait de neutraliser les sources de tension et les potentiels conflits sociaux grâce à un dispositif opérationnel de soupapes de sûreté. Il s’agissait parmi d’autres, de laisser libre la contestation dirigée contre l’État pour la désamorcer ensuite par des méthodes de consensus conduisant à la fusion et à l’intégration de l’opposition dans les structures et appareils dominants. Ceci a permis de nombreuses fois à l’État de sortir des crises, à chaque fois, maître de la situation. Telle était l’originalité et « l’étonnante singularité du fait politique sénégalais » dans un environnement régional d’alors, marqué surtout par des régimes de Parti unique, de dictatures civiles et militaires. L’originalité du système imprimé par Senghor contribuait considérablement au rayonnement culturel et à l’influence diplomatique internationale du pays de la Téranga, surtout qu’il évoquait toujours la philosophie du « commun vouloir de vie commune », fondement de la diversité culturelle et de l’unité nationale.
Cependant cette facette enjolivée du jeu démocratique institutionnel et de la tolérance évoquée cachait mal une politique réfléchie et programmée de neutralisation et répression souvent féroce des adversaires politiques résolus, le Président Senghor restant en effet intraitable sur la protection des intérêts étrangers dans le pays, notamment français. Cette tradition du jeu démocratique très expérimenté a prévalu sous le régime succédant de Abdou Diouf, mais ensuite rangée dans les oubliettes par le Président Wade, après seulement quelques années au pouvoir. Quant au mode de gouvernance de l’actuel Président Sall, il nous paraît reposer sur une concentration restrictive personnelle du pouvoir, sur un jeu d’alliance partisane élargi et sur le phénomène appelé transhumance. Dans le langage politique local, la transhumance renvoie au bétail à la recherche des vertes prairies, y brouter l’herbe fraîche. Politiquement, il stigmatise l’opportunisme politique de certains et leur manque de loyauté dans l’engagement politique.
Ce phénomène décrié est en fait une opération de recyclage politique des segments du personnel des anciens régimes dans le nouveau pour renforcer la base du parti et l’efficacité des actions gouvernementales. Il a existé dans les régimes précédents, mais a pris des proportions inégalées aujourd’hui. La loyauté des transhumants est d’autant plus assurée que certains d’entre eux traîneraient des dossiers sensibles liés à leur gestion antérieure de structures publiques ou parapubliques. La transhumance explique en partie la longévité observable des générations d’hommes dans le pouvoir et par conséquent, le conservatisme politique de l’État. En effet, cette longévité permet l’accumulation individuelle des richesses, les privilèges dans le positionnement dans les stations de pouvoir, le cumul avantageux des fonctions, la constitution de patrimoines individuels dont la protection est garantie au plus haut niveau, dans un système étatique partisan de continuité stable. La transhumance renforce également les réseaux clientélistes d’accaparement, leurs ramifications au sein de l’Etat et dans les divers milieux sociaux et régions du pays. Mais ce phénomène a par ailleurs contribué au discrédit de certains responsables politiques impliqués et la perte de confiance des populations en leur égard. Ainsi le système de gouvernance politique dominé par un parti-Etat fortement présidentialiste s’est transmis dans ses traits essentiels du président Senghor au président Macky, dans une remarquable continuité des méthodes et des pratiques, préservant les multiples intérêts nationaux et étrangers liés aux alliances stratégiques de l’État sénégalais.
Sous le président Senghor
Mamadou Dia,[iv] Premier ministre emprisonné injustement avec ses compagnons pendant 11 longues années parle de «caractère ploutocratique et répressif» du régime politique sénégalais sous Senghor, caractérisé selon lui par –« le présidentialisme, une personnalisation du pouvoir, - la soumission de l’Assemblée nationale à l’Exécutif, réduite à une chambre d’enregistrement, - les scissions orchestrées au niveau du mouvement syndical, leur affaiblissement et intégration comme composante du parti dominant,- la militarisation de certains corps de l’État comme la Douane, désormais interdits de Droits politiques et syndicaux,- la mise au pas de l’Université par la suppression des Franchises universitaires, l’instauration d’un régime provisoire qui écarte de la composition de l’Assemblée de l’université, les enseignants et les étudiants ». La répression dont les arrestations et tortures, les sanctions administratives diverses, s’est abattue de manière impitoyable sur les différents partis d’opposition et leurs dirigeants. Les étudiants contestataires, les syndicalistes de refus, les paysans pauvres dans l’impossibilité de payer leurs dettes de semences, d’intrants et de matériels à l’État ont tous été victimes du régime dit socialiste et démocratique. « Agir sans cruauté inutile, mais sans faiblesse coupable », insistait Senghor. De même nombreux intellectuels comme le savant panafricaniste Cheikh Anta Diop, le cinéaste Sembene Ousmane et tant d’autres cadres et personnalités d’envergure, ont été brimés dans leur carrière et dans leur vie pour s’être opposés au régime policier de Senghor. Omar Diop Blondin, jeune contestataire radical est emprisonné et assassiné dans des conditions non encore élucidées dans sa cellule à Gorée. Les syndicats d’étudiants comptent aussi de nombreux martyrs parmi eux dont ils commémorent encore leur disparition brutale.
Sous le président Abdou Diouf
Le président Diouf a lui-même reconnu dans une de ses interviews, « avoir gouverné le Sénégal dans la douleur » en mettant sous ajustement structurel l’économie sénégalaise.[v] Ces programmes de soumission drastique aux exigences d’adaptation aux lois d’airain du capitalisme financier international ont fait péricliter des centaines d’entreprises industrielles et des milliers dans les secteurs des manufactures et de l’artisanat de production. Ils ont mis au chômage des milliers de travailleurs et considérablement détérioré la vie de millions de sénégalais. Le phénomène massif du déclassement social fit que de nombreux ménages et familles tombèrent dans la pauvreté structurelle, transmise de manière intergénérationnelle, fait nouveau. La vulnérabilité accentuée des communautés et la féminisation marquée de la pauvreté ont conduit aux fameux programmes successifs de lutte, de réduction et d’éradication de la pauvreté qui de toute évidence, n’ont pu venir à bout du phénomène récurrent, structurel, obstiné. Le Président Diouf a radié 6.265.000 policiers en 1987 de leur profession pour avoir fait un mouvement d’humeur, plongeant ainsi des familles entières dans une détresse indicible. Ils ne seront indemnisés que près de 32 ans après par l’actuel Président Sall. Le Parti de l’Union Progressiste sénégalaise, UPS, crée par Senghor, devenu Parti socialiste, a régné en main de maître dans le pays pendant 40 ans avant de céder le pouvoir, sous le déferlement du mouvement populaire Sopi, le changement, du Parti démocratique Sénégalais de maître Abdoulaye Wade. Ce puissant mouvement populaire porté par les jeunes mobilisés ainsi que les larges composantes politiques et citoyennes ont permis la première alternance politique du pays en l’an 2000, la première respiration politique du pays.
Sous le président Abdoulaye Wade
La crise multiforme de gouvernance du président Abdoulaye Wade, particulièrement durant son second mandat, a entraîné des manifestations populaires contre le tripatouillage de la Constitution pour se faire succéder par son fils, Karim. Ces manifestations durement réprimées ont fait plusieurs morts, des blessés graves, des dégâts et pertes matériels considérables. Ainsi naquit le mouvement populaire de résistance le 23 juin 2011, le M23, contre le projet de modification de la Constitution par un vote de l’Assemblée nationale. Dans la mouvance, le Front Siggil Senegaal (Sénégal debout !) prit l’initiative patriotique de refondation et de reconstruction du Sénégal. Dans un sursaut collectif inédit dans l’histoire du pays, partis politiques, syndicats, mouvements associatifs divers, ONG, experts et personnalités de toutes disciplines, femmes et jeunes se sont mobilisés pour organiser les Assises nationales du Sénégal. Au total 140 acteurs volontaires se sont réunis pour faire le diagnostic de la situation préoccupante du pays, ont dégagé des orientations et des stratégies et des mesures de ruptures et de refondation. Mais le Président Wade, pourtant appelé « le Pape du Sopi », du changement, a boudé les Assises nationales pour la refondation du pays. Il a fini par abriter un clan de « Faucons » autour de lui, adeptes du durcissement et des agressions contre des opposants et certains organes de presse, ce qui de toute évidence annonçait la fin proche de son pouvoir.
Sous le président Macky Sall
Le président Sall a écarté lui aussi l’application des recommandations des Assises nationales et celle de la Commission nationale de réformes des institutions dont pour la seconde, il avait encouragé la mise en place et les travaux. La situation reste marquée encore aujourd’hui par l’absence effective de dialogue, de concertation et de consensus sur le fonctionnement des institutions, les libertés garanties par la Constitution, l’organisation du processus électoral, les engagements économiques et financiers internationaux et la gestion des ressources naturelles. Cela d’autant que l’espoir d’un changement de ruptures promis par le Président Sall réélu pour un second mandat de 5 ans en février 2019 ne semble guère être au rendez-vous, après une dizaine d’années d’exercice du pouvoir marquée par le conservatisme politique, les scandales financiers, l’impunité et la violence répressive. Le durcissement politique observé depuis avec les procès et emprisonnements de leaders de l’opposition, de jeunes activistes, l’organisation interdite ou réprimée des marches citoyennes dans un contexte de cherté de la vie et de sous-emploi, ne sont certainement pas pour faciliter le dialogue national sur les questions majeures de la paix et de la stabilité du pays.
Plus grave, on a assisté à des tentatives de manipulations ethniques et confessionnelles de milieux obscurs proches du pouvoir ou dans certains rangs marginaux de l’opposition ou encore de la part d’éléments infiltrés ou même de simples illuminés. Ceux-ci ont voulu donner à la crise sociale de telles connotations pour la dévoyer de sa nature politique. La stratégie est de soulever une partie du peuple contre une autre, une communauté contre les autres, une région contre les autres. Le but ultime de ces manœuvres de tenants extrémistes et pro-impérialistes est de chercher à désorganiser le profond processus d’aspiration au changement perceptible dans la contestation sociale de plus en plus ample. Mais selon nous, plusieurs raisons vouent à l’échec de telles manipulations de réveil ethniciste et régionaliste. La principale réside dans l’histoire commune d’une intégration pluriséculaire des sociétés par le bas, communautés diverses et apparentées, maillons articulés en chaînes, respirant une tradition vivante de domestication de la violence et de culture de la paix. D’ailleurs, l’échec de genèse et d’histoire de la rébellion armée en Casamance est relatif à une inadaptation du mouvement à ces profondes réalités anthropologiques et historiques du terrain et bien sûr, à une extrême faiblesse idéologique et théorique de ses dirigeants. Les constructions et montages idéologiques d’une région ou d’une communauté qui fait peur sont donc sans fondement et publiquement irresponsables. En politique, la responsabilité, c’est de construire patiemment et dans l’endurance, un rapport de force favorable à l’expression citoyenne pacifique pour des issues démocratiques populaires. Au Sénégal, c’est au niveau de l’Etat que se passent les secousses et convulsions, les déchirements du fait qu’il n’est pas à l’image des communautés pacifiques qu’il est censé représenter et protéger, encore moins l’expression politique officielle de la société civile qu’il devrait incarner. Dans ce cas l’existence d’une l’opposition est toujours gênante et le projet des gouvernants, à défaut de l’éliminer, est de la réduire à sa plus simple expression.
À suivre jeudi 28 juillet...
Youssoupha Mbargane Guissé est Docteur en Philosophie et Docteur d’État en Sociologie. Outre ses nombreux travaux en philosophie, il s'est intéressé à l'étude du changement social au Sénégal, au contexte de la mondialisation et aux constructions identitaires qui travaillent la société sénégalaise dans ses différentes composantes. Il a fait toute sa carrière à l'IFAN Cheikh Anta Diop avec des fonctions de chef du laboratoire des études sociales et de chef du Département des Sciences humaines et sociales. Youssoupha Mbargane Guissé est actuellement chercheur à l'Institut Panafricain de Stratégies à Dakar.
[i] Joseph Ki- Zerbo (1993). La matte des autres. Pour le développement endogène de l’Afrique. France, éditions Karthala
[ii]Neddo ko Bandam signifie en Pular, L’homme, c’est sa parenté. Autrement dit, ce sont les appartenances ethnique, linguistique, communautaire qui définissent l’individu et établissent le lien sacré de solidarité primordiale à l’égard des siens. Ce lien de dépendance personnelle de l’individu à l’égard des membres de sa famille, de son ethnie et de sa communauté est tout à fait naturel et a constitué la base sociale et affective de la cohésion sociale des communautés africaines dans la longue histoire. Cependant ce lien est instrumentalisé dans le nouveau système des États sous domination et sert de trame à un clientélisme politique de privilèges et corruption multiforme.
[iii] Pierre Fougeyrollas (1970). Où va le Sénégal ? Analyse spectrale d’une nation africaine. Pairs : éd. Anthropos.
[iv] Mamadou Dia (1992). Lettres d’un vieux militant. Contribution à la Révolution Démocratique. Dakar éd. GIA, pp.86-87.
PAR Jean Pierre Corréa
CHRONIQUE DES TEMPS RÉVOLUS
Comment redonner envie aux Sénégalais d’être dans le « temps du monde » et dans la véritable action politique qui libère et n’asservit point ? Doit-on se résoudre à penser que ces temps dont révolus ?
Tant de vanités politiques sont navrantes et désespérantes pour le futur de notre Sénégal, embourbé dans un brouhaha verbal qui n’arrive pas à masquer le vide sidéral des propositions de nos hommes politiques, confortablement avachis dans le confort des injures, des mensonges, des manipulations et des argumentaires populistes qui les confortent dans le monde virtuel des réseaux sociaux où ils étalent avec une indécente fierté, toutes leurs carences.
Nombreux sont les Sénégalais qui sont restés abasourdis et médusés par le triste et cocasse épisode des listes erronées, confectionnées autant par BBY que par YAW, qui signalait le niveau d’amateurisme et le manque de concentration nécessaire pour briguer les suffrages des citoyens et leur demander de leur confier « les clés du camion ». Nous qui pensions qu’ils étaient concentrés, tendus comme des arcs, vers les problèmes qui assaillent les Sénégalais, qui ont noms chômage des jeunes, immigration des mêmes, vie chère, inondations, situation géopolitique hasardeuse, valorisation de nos richesses minières en gestation, et que nous nous attendions qu’ils se fassent des cheveux blancs, et bien, pas du tout, notre classe politique n’était au travail que pour se faire des croc-en – jambes et aiguiser les couteaux de la traîtrise, et finir penauds devant la triste réalité de leur manque absolu de vision et d’objectifs populaires. Cette campagne électorale pour nos législatives, malgré les enjeux déterminants pour l’avenir politique, économique et institutionnel de notre pays, commençait dans la légèreté, avant d’aller chercher les seuls arguments dans la violence électorale, que nous savons si bien étaler avec une vulgaire gourmandise à la Une de nos journaux en manque de clairvoyance.
C’est au milieu de cette apathie qui nous détournait des agissements irresponsables de notre personnel politique, que jaillit, comme un électrochoc pour moi, la lettre de démission de Serigne Mansour Sy (SMS) Djamil de la coalition YAW, adressée à Khalifa Sall, et qui symbolisait dans son propos, la légèreté avec laquelle l’avenir et l’importance d’un nouveau parlement avaient été envisagés.
Grande histoire politique au Sénégal et choisir les petites histoires
La stature incontestable de Serigne Mansour Sy Djamil, certes interpelle et nous convoque vers l’évidence que décidemment l’on ne sait plus de quoi on parle, mais nous commande de reconnaître que l’homme a participé à l’écriture de notre grande histoire politique du Sénégal, du Pai, à la FEANF jusqu’à sa vice-présidence à l’Assemblée Nationale, en passant par son rôle dans ce qui constitue le « Graal » de notre vision politique récente, j’ai nommé « Les Assises nationales ». Précipiter un tel homme dans « les petites histoires » de notre marigot fangeux de notre classe politique, relevait de la faute de goût, et signait un changement d’époque, marquant l’absence de vision des hommes qui se piquent de nous gouverner.
SMS y avait pourtant cru, du haut de son bagage politique, et il l’assène avec clarté et sans fioritures : « Tel était notre défi. Et, à ce propos la fameuse réflexion de Jean Jaurès est d’une extraordinaire actualité : « Partir du réel pour aller à son idéal ». Mais, ce que le réel nous révèle tristement est le nombre astronomique des candidats de Yewwi Askan Wi qui traduit le désir de chaque parti ou mouvement de la coalition d’avoir le maximum de députés. Devant un tel agenda, il serait illusoire de faire appel à un don de soi, d’oubli de soi et d’abnégation. On peut faire appel à ces concepts, la main sur le cœur par pure charité. Les prochaines élections législatives n’auront de sens que lorsqu’elles seront des jalons dans l’exercice d’un pouvoir accompli pour des millions de personnes. Leur but devient le mouvement populaire lui-même. Ce mouvement sortira-t-il plus instruit, plus puissant ? Pourra-t-il investir les lieux de décisions en redéfinissant le mandat de l’élu devant chaque problème ? » Dans le brouhaha politique d’aujourd’hui, répondre à ces questionnements cruciaux devient « mission impossible et charabia pour nombre d’entre eux ».
Pointant la disqualification de la liste nationale du fait de l’amateurisme des personnes chargées de l’établissement des listes des candidats de la coalition YAW, compte tenu de cette situation qui relève d’une injustice gratuite à l’endroit de ses militants, situation condamnée par de nombreux Sénégalais, Serigne Mansour Sy Djamil a décidé de démissionner de la coalition Yéwi Askan Wi, et de continuer la réflexion pour jouer pleinement le rôle que le peuple sénégalais, préoccupé d’avenir et de solutions pérennes, attend de lui et d’authentiques hommes politiques.
La philosophie des Assises nationales chevillée à ses engagements politiques
Déjà en 2008, répondant à l’appel des millions de Sénégalais, il avait adhéré à cette enthousiasmante mission populaire. Il avait appelé à « organiser à l’échelle du pays, un débat franc, ouvert et constructif sur les grands choix qui président à notre destin, débat sur les orientations stratégiques de notre développement, débat sur les Lois et règlements dont devrait se doter le Pays, débat sur la société dans laquelle nous vivons, comment la transformer conformément aux conditions objectives du Sénégal et compte tenu du caractère de notre époque ? Pour quel objectif ? Qui doit s’unir à qui et comment ? Quelle part de responsabilité revient aux forces du progrès ? Sur quelles valeurs, cette société doit-elle reposer ? »
Il précise aujourd’hui : « un régime est à l’agonie – dirait Montesquieu dans l’Esprit des Lois – quand on n’y entend plus le bruit d’aucun conflit, sinon celui pitoyable des petites ambitions et des grands appétits. »
Il appelait le pouvoir d’alors à une participation plus sereine, plus argumentée, plus assumée et plus consciente de son rôle de pouvoir public et de l’avantage qu’il peut tirer d’un échange fructueux avec des personnalités respectables et respectée, qui n’ont rien à prouver et dont le seul souci est, en participant aux Assises nationales, d’être encore une fois, utiles à leur pays. SMS questionnait et s’inquiétait alors en écrivant : « C’est la seule réponse qui convient à une situation où le sol de notre pays tremble et s’affaisse ; et ce qui commence à s’effondrer n’est rien moins que notre identité de sénégalais. Cette incertaine et fuyante identité d’une Nation qui se construit et qui hante notre désarroi devant l’insouciance d’une génération vidée d’intériorité, de dignité, dépourvue d’éthique, au cœur presque inhabité, engloutie corps et âme dans cette étrange descente aux abîmes qu’il convient de conjurer maintenant plus que jamais ».
Où est l’esprit du 23 Juin 2011 ?
Le 23 juin 2011 a marqué l’histoire de notre Sénégal, rebattu les cartes que les hommes et femmes politiques avaient habitude de manipuler et de distribuer, et bouleversé le sentiment et les engagements citoyens de nos compatriotes, leur faisant brutalement prendre conscience de leur si important pouvoir. Nous avons collectivement découvert que la démocratie était populaire, ce qui tout compte fait, a les allures rafraîchissantes d’un pléonasme. Les Sénégalais ont partagé la certitude que ce pays avait en son tréfonds des formidables capacités d’endurance, et avait encore envie d’espérer et de croire au combat du bien-être et du développement…et de la dignité. Les discours incantatoires, les propos populistes d’une opposition « y’a qu’à…faut qu’on » et la communication en 3D ne suffisent pas. Ce que le peuple a exigé le 23 juin n’a pas disparu. Il sait ce qu’il veut, le peuple. Les « Trains futuristes », les « projets hollywoodiens de Diamniadio en 3D », tout ça, il connaît, il sait que c’est possible, il le voit partout dans le monde à travers les tablettes et smartphones connectés. Il n’en rêve même plus. Le peuple, ce qu’il veut voir, c’est si ses épidermiques exigences de 2011, et qui s’appelaient rupture, dignité retrouvée, respect, humilité, combat pour éradiquer la pauvreté, besoins d’éducation, de formation et de rêves à vivre. L’Esprit est encore vivace et déterminé et il se tient encore incandescent au cœur des préoccupations des sénégalais qui souhaitent toujours que ces préoccupations soient aussi celles des hommes politiques que le 23 juin avait projetés, voire catapultés au sommet du pouvoir et dans les attelages brinquebalants d’opposants qui vrombissent à hue et à dia sur d’improbables comptes YouTube.
Où sont passés les hommes politiques de convictions et empathiques ?
Il arrive que l’on pense à des situations que les « moins de 40 ans ne peuvent pas connaître », et qui faisaient la part belle à un campus universitaire bouillonnant d’idées et d’énergies, avec des Bathily, des Savané, des Djibo Kâ, qui avaient un sens prométhéen de leurs engagements. Et c’est encore sous la plume de Serigne Mansour Sy Djamil que nous rencontrons des hommes qui ont donné à la politique sénégalaise ses lettres de noblesse et d’exemplarité à travers toute l’Afrique. Qui pourrait-être le « Sémou Pathé Guèye » de 2022 ? On croit rêver en lisant ces lignes sorties du témoignage posthume rendu à Sémou Pathé par SMS : « J’étais émerveillé par tant de grâce et subjugué par tant d’allure. C’est la première chose dont je me souviens, quand je l’ai rencontré et que nous sommes devenus amis, il y a 38 ans. Il était étincelant, il me donnait l’air de savoir tout sur tout, avait beaucoup lu et peut être beaucoup lu très tôt. Mais il avait en plus cette allure, ce panache, cette façon de ne croire les choses vraies, justes et belles que lorsqu’elles sont dites avec style, un attachement presque religieux à la syntaxe et au bien dire. Il détestait la bêtise et la médiocrité, mais adorait, par-dessus tout l’argument bien construit et bien présenté auquel il n’hésitait pas à adhérer. Pourtant il y avait de la colère chez Sémou. Il y avait de la révolte chez Sémou. Colère et révolte contre un Sénégal qui se couche, un Sénégal qui bégaie, où la parole, oublieuse d’elle-même, ment et ne reflète plus la réalité. Un Sénégal transformé en supermarché où tout s’achète et tout se vend, un Sénégal marqué par la transhumance des intellectuels, des politiques et des religieux, le Sénégal du mensonge, de la ’’déconnexion entre politique et éthique’’, comme il disait. Cependant, sa vie est l’illustration la plus éloquente de la résistance à la vénalité de certains Sénégalais et à l’idéologie de l’ascension sociale à n’importe quel prix. » On croit rêver… Un ange passe…
Bien des patriotes incarnent les mêmes valeurs. Et les plus illustres d’entre eux ne sont autres que Cheikh Anta Diop, Babacar Niang, Mamadou Dia, Charles Guéye, Moctar Diack, Abdoulaye Bathily, Dialo Diop Blondin, Ahmadou Moctar Mbow et bien d’autres. Je me reconnais à travers les valeurs de cette mouvance, son histoire, ses combats. Oui Serigne Mansour Sy Djamil assume cette histoire, sans avoir à faire un tri sélectif intellectuellement confortable mais moralement discutable. La jeunesse sénégalaise gagnerait, à une époque où éthique et politique semblent de plus en plus antinomiques, à revisiter cette histoire et ces valeurs et méditer l’exemple d’un homme – monument comme Sémou Pathé Guéye.
Comment redonner envie aux Sénégalais d’être dans le « temps du monde » et dans la véritable action politique qui libère et n’asservit point ? Doit-on se résoudre à penser que ces temps dont révolus ?
L’idée d’écarter Serigne Mansour Sy Djamil avec toute cette désinvolture, des pistes de réflexion qui feraient émerger le Sénégal, relève de l’étourderie et de l’absence de sens politique.