CENT JOURS, CENT FAILLES
Peu de réponses claires ont été apportées aux défis urgents du pays alors que la patience des citoyens s'amenuise, révélant les limites du discours populiste face aux exigences du pouvoir
On le sait, les vendeurs de rêve comme les vendeurs de sable sont destinés à la ruine au moindre coup de vent. Sonko et Diomaye viennent d'être rattrapés par la dure vérité, du fait des promesses mirobolantes qui se révèlent impossibles à l’épreuve des réalités du pouvoir. M. le Premier ministre disait, naguère, qu’il ne croyait pas à ces dernières.
Aujourd'hui, il s'y entremêle les pinceaux, et de fort triste manière. En rupture de banc institutionnelle, il se croit encore en campagne électorale pour masquer ses carences manifestes. Hélas pour lui, il se rend de plus en compte à quel point le divorce sera tragique avec ceux qui, alors, entonnaient le fameux « so ko lalé », Rien à faire. Il faut payer : « dige bor la » (la promesse est une dette). Dommage qu'il ne le comprenne qu'aujourd'hui car c'est la politique qui risque de s'exposer à une sévère disqualification, entraînant du coup des vagues de désaffiliation.
En cent jours, les Sénégalais vivent l'amère expérience d'une déroute précoce. pouvoir c'est.... pouvoir. Dans bien des démocraties au monde, il est convenu que lorsqu'un nouvel homme ou un nouveau gouvernement arrive aux affaires, les cents premiers jours doivent porter la marque d'une vision déclinée en stratégie claire pour être mise en œuvre au profit des populations.
Les bas ressorts dune partie du peuple ont été tellement instrumentalisés par un « projet » fictif qu'il y a à craindre un retour d'ascenseur détonnant. Quand de nouvelles équipes arrivent au pouvoir, il est de coutume que le peuple discerne le cap vers lequel tendent les premières décisions, souvent dites de rupture.
Le confort de l'opposition et du ministère de la parole avait fait dire à Monsieur Ousmane Sonko que quand on est au pouvoir, on n'a pas besoin d'état de grâce.
Et voilà qu'aujourd'hui il convoque le besoin d'une mise en route, et doit faire avec le diesel qui fait tourner le moteur des réalisations et des « Solutions », énumérées en long, en large et surtout à tort et à travers de ce livre, dont on peut se demander, après coup, s'il en était véritablement l’auteur.
Le démarrage est poussif. 100 jours ? Dieu que c'est passé vite ! Et pourtant... La gabegie de l'Etat ? Il nous avait été promis-juré que 25 ministres suffiraient à faire tourner le Sénégal... On constate que bientôt, il faudra tenir le Conseil des ministres à Dakar Arena, tant ministres conseillers, secrétaires d'État, commencent à être à l'étroit autour de la table du Conseil. Ils nous avaient promis-juré que dorénavant, ce serait « the right men at the right places », comme si, naguère, des ignorants faisaient marcher notre haute administration et nos directions institutionnelles.
Le renoncement aux appels à candidatures fut de mise et chaque mercredi est l'occasion de distribuer sucettes et récompenses aux contributeurs et diplômés du seul concours obtenu par certains, à savoir le " Concours de Circonstances », pour être passés par un gratifiant séjour en prison.
Toute honte bue, alors qu'il avait, emporté par la fougue électoraliste, assuré les Sénégalais que le pétrole et ses bénéfices étaient déjà partis, ce sont bien le Premier ministre Ousmane Sonko et notre président Diomaye Faye, qui en ont recueilli les premières gouttes.
En accord avec lui-même, il aurait pu nous dire « d'ailleurs, voyez ce qu'il en reste », cela aurait au moins fait rigoler. Qu'a-t-on vu en 100 jours de pouvoir ? Un tâtonnement sans précédent au sommet de l'Etat avec un gouvernement parallèle à la primature, pathétique tableau qui offre l'image d'un monstre à deux têtes, dont l'une fait des sourires aux présidents démocratiquement élus, comme le nôtre, et l'autre qui s'enorgueillit de flatter et d'encourager les putschistes, au grand dam des institutions politiques et économiques de notre sous-région. N'est pas Sankara ou Mandela qui veut...
Cent jours et les paysans Sénégalais ne savent toujours pas, alors que l'hivernage bat son plein, quelles sont les modalités de la campagne agricole 2024 qui vont leur assurer une bonne distribution des semences.
Qu'avaient prévu tous ces soi-disant cerveaux Sénégalais répartis à travers le monde et qui avaient fait du Projet, l'Alpha et l'Omega de la survenue, grâce à Pastef, du Sénégal, dans le « temps du monde » ? C'était un brouillon ?
L'homosexualité devait être criminalisée dès les premiers jours
? Il a été préféré l'accueil du souteneur fantasque et populiste Jean-Luc Mélenchon, le jour de la célébration mondiale des droits LGBT. Il est vrai que pour faire passer cette boulette, un conseil - que de faire construire une mosquée dans l'enceinte du Palais de notre République. Mis, M. Ousmane Sonko élargit le rang des chômeurs avec les renvois de jeunes élèves sénégalais de leur centre d'examen, alors qu'il avait décrété, comme de droit divin, la fin de la tentation des pirogues meurtrières.
En cent jours, la guerre contre la presse a été déclarée, avec fermeture de comptes et annulations de conventions, mais il a été mis en lumière le rôle des « lanceurs d'alertes », bombardés grâce à leurs smartphones et leur connectivité, nouvelles agences de presse patriotiques, seules dignes de confiance. Je suis loin du nihilisme en dépit de toutes ces failles. Le BRT a été mis en service. Mais c'est le fait de qui ? Messieurs les « patriotes », vous auriez au moins pu re connaître dans ce moyen de transport public la touche indélébile de vos prédécesseurs.
Monsieur le Premier ministre, les Sénégalais ont voté, ils ont élu Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il est temps de vous y faire. Vous n'êtes plus en campagne électorale, ceux que vous accabler encore de vos menaces et injures ont été sanctionnés et en ont pris acte... Apparemment, seul vous ne l'avez guère encore compris... Arrêtez cette diversion.
Embrayez Monsieur le Premier ministre avec plus de calme et de sérénité. Les Sénégalais sont fatigués. Cent jours déjà, que le temps passe vite, pour des Sénégalais qui s'impatientent de vous voir vous atteler aux urgences de l'heure, à prendre vos responsabilités et votre courage sur la question de la DPG et toutes autres attentes, qui vont des réformes électorales au processus de réconciliation nationale, en passant par l'apaisement de l'espace politique, et la recherche des solutions concrètes à la cherté de la vie.
Au-delà de ces cents jours, les Sénégalais peuvent être enclins à vous faire comprendre que l'arrogance est une étrange maladie, et qu'un de ses pires symptômes est la conviction de se sentir meilleur que les autres.
Une menace, une promesse, une insolence, une courtoisie : cette balance est celle des affaires. Pas celle du pouvoir, lequel exige une culture, que dis-je, une liturgie de la République. Il faut avoir baigné dedans...ça ne s'apprend pas dans les allées populistes à force de bravades et de colère permanente, Monsieur le président Ousmane Sonko... pardon, Monsieur le Premier ministre.
Abdou Mbow est député, président du groupe parlementaire BBY, porte-parole national adjoint de l'APR.