LE DÉDOUBLEMENT FONCTIONNEL DE SONKO
Sur le fond, curieusement tout le monde semble être d’accord sur les vérités qu’il a dites. Le oui mais, de leurs propos en attestent. Chacun à sa façon de voir midi à sa porte. La démocratie c’est aussi cela ; que chacun s’exprime en toute responsabilité
Certains de nos compatriotes situés à des segments et à des niveaux bien identifiés de la société ont exprimé un bruyant désaccord vis-à-vis des propos tenus par M. Ousmane Sonko, lors de sa rencontre avec les jeunes de son parti le 09 juin 2024. Je précise d’emblée que je ne suis ni de « Pastef », ni de la coalition « Diomaye Président », mais je garde mon indépendance d’analyse.
Il semble que l’amplitude donnée à certaines parties de son discours par les médias, heureusement pas tous, renseigne au moins sur plusieurs aspects.
D’abord, pour l’essentiel on s’est focalisé sur la forme. A ce titre, on a volontairement fait le pari de déconnecter les propos de leur contexte, ce qui me semble à tous points de vue assez suspect. C’est comme si on reproche à Ousmane Sonko, président du Parti Pastef, premier ministre de son état, installé à peine il y a deux mois, de réunir les jeunes de son parti et de les remobiliser autour du « Projet », mais surtout de leur tenir un discours qu’ils attendaient, sentant les manœuvres hostiles qui prenaient de l’ampleur. C’est de cela dont -il s’agit, et de rien d’autre à mon humble avis.
C’est vrai, le traumatisme est très profond après les péripéties de la fin du mandat de Macky Sall. Et la rupture et le changement ont ceci de particulier qu’ils inquiètent. C’est donc à Ousmane Sonko de rassurer d’abord sa jeunesse, qui a été à la pointe du combat, mais également tous ceux qui, moins jeunes, ont un soif de rupture par rapport au modèle Jacobin centralisateur et massivement écrasant, aujourd’hui dépassé, auquel s’arc boutent certains caciques.
Oui, on nous a bassiné avec aplomb une semaine avant, que le 1er ministre ne doit pas recevoir les ambassadeurs. Quelle incongruité ! Merci M. Abdou Aziz Tall d’avoir porté notre parole à nous tous qui pensions le contraire, et savions d’expertise que ce n’était qu’une escapade politicienne de non-initiés.
Il me semble que l’ancien système dont parle Sonko est beaucoup plus ancré qu’on ne pense et que le duo Bassirou Diomaye Faye- Sonko a du boulot. Le référentiel de tous ceux qui, de quelque bord ou ils se situent, se sont offusqués de la prise de parole de Ousmane Sonko, renvoie aux pratiques politico-administratives sous Senghor, Diouf, Wade, et à l’extrême sous Macky Sall. Ils oublient simplement de dire à qui s’adressait le président de Pastef. Non seulement, il s’adressait à ses jeunes dont l’écrasante majorité n’avaient connu, ni Senghor, ni Diouf, un peu moins Wade et qui étaient dans une opposition frontale avec Macky Sall, en payant un lourd tribut en morts en désolation dans leur famille.
A entendre Sonko parler, il est quasi évident qu’il avait senti le besoin de répondre aux questions, voire aux interpellations que bon nombre d’entre eux se posaient au nom desquelles, il y avait bien sur la reddition des comptes, le sort des morts et blessés de cet épisode douloureux et de la loi d’amnistie entre autres, sans oublier le coût de la vie.
L’exercice était clair, il fallait leur donner des réponses à leurs questions existentielles. Sonko a choisi le langage que ces jeunes comprennent, et les mots justes dans un timing qui lui a permis de capter totalement toute l’attention des militants. Pour le reste, les experts en tous genre et en tout, ainsi que les tenants de « l’establishment » et autres moralisateurs, n’ont qu’à revoir leurs grilles d’analyse. C’est comme s’ils avaient un prêt à penser pour le leader de Pastef, sans se demander pourquoi la furie des urnes les a chassés du pouvoir. En vérité, si on veut analyser froidement sans passion son discours, il faut admettre qu’Ousmane Sonko ne s’adressait pas à eux. Ils n’étaient pas sa cible.
Un agenda clair avec le Jub Jubbal Ak Jubanti
Il était avec ses camarades militants de son parti, vouloir lui imposer code langagier en cette circonstance est totalement absurde. Ousmane Sonko est dans son registre. Il a déroulé comme il sait le faire. Il aurait opté pour une autre communication, il courait le risque d’aller à un flop magistral, et de susciter un doute parmi ses rangs.
Je reste convaincu que si demain c’était à refaire il referait la même chose, car il est convaincu que le politiquement correcte qu’on veut lui imposer n’emportera jamais l’adhésion de ses partisans au sein comme en dehors de Pastef. Son agenda est clair avec le Jub Jubbal Ak Jubbanti, il sait bien qu’il est attendu et que ses adversaires ne lui feront aucun cadeau. De ce point de vue, il a sollicité et obtenu soutien et l’engagement renouvelé de ses camarades. Cet objectif il l’a atteint, car il le sait mieux que quiconque, que l’impatience commençait à gagner ses rangs. Vouloir l’enfermer dans son poste de 1er ministre pour le priver du contact avec ses militants, serait lui scier la branche sur laquelle il est assis. Ce serait un non-sens d’abandonner l’animation son parti pour uniquement des tâches gouvernementales. Ceux qui l’ont fait l’ont appris à leurs dépens, et l’histoire en foisonne. C’est bien là ou son duo avec le Président Diomaye Faye est stratégique vu de l’extérieur.
Il reste entendu que, lorsqu’il faut aborder des sujets d’actualité, je suis d’avis qu’il faut sortir du générique, pour être plus précis et ainsi éviter les polémiques que certains ont cherché à entretenir vis-à-vis des magistrats et des médias. Tout le monde sait qu’il ne s’agit ni d’une corporation ni de métiers, mais des hommes qui les pratiquent et qui quelque part ont joué un rôle à un moment donné de l’histoire politique du pays.
Sur le fond, curieusement tout le monde semble être d’accord sur les vérités qu’il a dites. Le oui mais, de leurs propos en attestent. Chacun à sa façon de voir midi à sa porte. La démocratie c’est aussi cela ; que chacun s’exprime en toute responsabilité. N’est-ce pas le nouveau challenge que doivent aussi intégrer les tenants du pouvoir en place, car « rien ne sera plus comme avant »