CRÉPUSCULE D’UN TYRAN
Quand il veut quelque chose, il l’obtient de gré ou de force. Il se fout des règles de bienséance de la société. Il tue enfants et vieux. Il viole la Constitution. La police et la gendarmerie sont à ses pieds
Il se susurre dans les lambris dorés du palais de Roume que le tyran veut prolonger son règne. Il se dit qu’il a déjà commencé à déménager valises et cartons dans ce doux royaume chérifien où il a ses habitudes. Il se dit qu’il est un talibé cheikh et qu’il aimerait aller souvent prier à Fès, ville calme et où vivre fait revivre.
Avec cet homme, le peindre nécessite des précautions. Avec cet homme, parler de lui nécessite des pincettes. Parce que simplement il est un cas clinique. Un cas rare dans sa spécialité. Il est clivant et il désarçonne. Il a cet art de dévisser son auditoire. Un art de réveiller un mort parce que le mensonge est son fonds de commerce.
En plein chaos, il s’est permis de se faire interviewer par une chaîne de télévision étrangère. Etrange tout de même. Ceci est du théâtre et qu’il sait bien jouer d’abord. Le tyran n’est pas un cabotin. Le tyran n’est pas un guignol. Il sait jouer de la tragi-comédie. Il maîtrise son personnage et le personnage est lui-même. Il l’épouse et le joue pleinement devant le peuple sonné tel un rat de campagne.
En effet, pour lui, le pouvoir est ce qu’il incarne. Depuis qu’il a mis son gros derrière sur le trône, tout sujet du royaume doit manger dans sa main. Il use et use encore, se moquant des qu’en-dira-t-on. Il se moque du peuple. « Plutôt crever que de donner mon pouvoir aux civils », dit-il en substance. Ceci serait sa dernière chanson qu’il nous sert. Il est dans la menace permanente. Il déteste la paix et la paix le hait. Il se nourrit de conflits permanents et le peuple le lui rend assez bien.
Etrange personnage de théâtre. Il aime l’enfer et ses Cerbères. Il déteste le paradis. Mais il aimerait s’y retrouver seul avec sa famille qu’il chérit le plus au monde. Et surtout sa douce moitié. Femme dévouée et mère de ses trois gros moutards.
Etrange crépuscule d’un tyran à l’aune de ses forfaits et de ses forfaitures immaculés du sang des martyrs de la révolution. Quand il veut quelque chose, il l’obtient de gré ou de force. Il se fout des règles de bienséance de la société. Il tue enfants et vieux. Il viole la Constitution. La police et la gendarmerie sont à ses pieds dodus.
Son jeu favori au crépuscule de son règne, servir aux forces de défense et de sécurité (Fds) le peuple comme de la chair à canon. « Tirez sur ces gens agaçants, il ne vous arrivera que nenni ».
Pour lui, le verbe mentir fait et refait ce monde où nous vivons. Et il en fait un usage très excessif. En effet, il nous a toujours menti. Un sacerdoce. L’art de tromper son peuple ayant bon dos et qui plie sans jamais rompre. Il est un artiste dans son monde mais a une peur bleue de terminer sa vie en prison. Il n’a pas encore fini avec nous.
Il essaiera davantage de nous mener dans l’inconnu. Un plongeon dans le vide, poings et pieds liés. Il est un artiste des mauvaises surprises. Parce que pour lui, purement et simplement, il est la Constitution, l’assurance-vie de nos vies dans un pays qui se réveille comme un malentendu. En tous les cas, l’issue de cette bataille à mort ne dépend que du peuple.
Les jours qui viennent et où le droit sera dit par le Conseil constitutionnel, seront très décisifs. Le tyran a pour compagnon d’infortune le temps mais faisons-le lui comprendre autrement et avec subterfuges. Du fond de sa bulle, faisons cet adage le nôtre ; à force de bassines d’eau de lessive, le rat finira toujours par sortir de son trou. Notre prière à lui, vu sa jeunesse et une santé chancelante, il peut encore endurer d’une belle souffrance les rigueurs carcérales. De Charybde en Scylla, tel est le destin de l’homme qui se voyait empereur à vie dans ce Sénégal-là.