DE LA BANLIEUE DAKAROISE INONDEE AU BASSIN ARACHIDIER DU SINE SALOUM
Nous avons tous été interloqués de voir un président se rendre sur la «zone de guerre» qu’était devenue Keur Massar plus d’une semaine après le début des hostilités
Nous avons tous été interloqués de voir un président se rendre sur la «zone de guerre» qu’était devenue Keur Massar plus d’une semaine après le début des hostilités. Je pense en effet que les images des zones inondées ressemblaient à un champ de bataille et que l’intervention dès les premières heures de la branche génie de l’Armée ainsi que la protection civile pour assister les populations aurait été pertinente. Le chef de guerre est apparu tiré à quatre épingles et on se demande s’il a été bien briefé sur la situation qui l’attendait à sa destination. On a vu un homme seul, debout sur une estrade, entouré de son service de sécurité et de quelques militants laudateurs, entrain de parler à des familles, qu’on a soigneusement éloignées de la scène et qui se demandent si dieu leur était tombé sur la tête vue l’ampleur des inondations qu’elles vivent. De fait, il n’avait pas l’air d’être au diapason des sentiments de désespoir et d’angoisse que vivaient les populations.
L’indécence d’une campagne électorale festive
On n’a pas vu un président faire montre d’empathie à défaut de solutions logistiques et financières à la mesure des besoins des victimes. L’imprécision des dates de prochaines élections et le brouillard qui entoure le message d’une certaine opposition enferrée dans un dialogue avec elle-même ne sont sans doute pas étranger à tout cela. Nous l’avons encore été plus devant le spectacle du cortège du même président, deux jours plus tard, composé d’une quarantaine de 4x4 rutilants, dont le prix moyen tourne autour de 50 millions, traverser le bassin arachidier pour se féliciter du succès de sa stratégie agricole ; le tout étant accompagné d’ovations, de chants des militants mais aussi d’esquisses de pas de danse de son excellence. Il était heureux et très à l’aise dans ces bains de foules acheminées par les ministres et directeurs de la région. Au fait, le covid19 sanitaire et économique ont-ils été décrétés définitivement vaincus au Sénégal ?
On pourrait penser que les arguments sur les échéances électorales et l’image que donne cette même opposition sont là aussi valables. Au delà de l’indécence de ces scènes de campagne électorale festive face aux nombreuses contrées sinistrées qui attendent les effets du plan ORSEC et les chiffres effrayants de l’Ansd qui décrivent l’effondrement de l’économie et ses conséquences sur les ménages, on peut se demander ce qui est advenu à la personne qui avait convaincu des millions de citoyens, qu’il était allé rencontrer dans les villages les plus reculés du pays, qu’il comprenait leur vécu et allait se donner corps et âme pour améliorer leurs indices de développement humain.
La réponse est à trouver dans l’analyse de l’énigme de l’humain dès lors qu’il se trouve dans une position dite privilégiée. Alors que, souvent, l’empathie, la collaboration, l’ouverture d’esprit, l’impartialité et le partage, qui font progresser les autres, sont les piliers sur lesquels s’adosse l’homme pour gravir les échelons et gagner le pouvoir, ces actions et caractères tendent à s’estomper au fur et à mesure que le sentiment d’occuper une position privilégiée se dissémine dans son subconscient. de fait il atteint ses objectifs en s’appuyant sur ces qualités mais que des changements peuvent s’opérer, souvent et quelque fois très rapidement, au fur et mesure qu’il s’élève.
Ainsi, devenu puissant, l’homme devient susceptible de développer des comportements grossiers, égoïstes voire immoraux. Le choix de n’écouter que les informations qui confortent nos idées et de s’entourer de courtisans à la place de collaborateurs compétents et qui ne sont pas ses obligés fabriquent un personnage pétri de certitudes et fier de ses performances jamais évaluées.
Cela interpelle toute personne qui commence à jouer un rôle de premier plan. Il semblerait que l’antidote soit dans la réflexion et la bienveillance. Occuper le devant rime avec surcroît d’activités et de visibilité exacerbée par les réseaux sociaux. Cela met l’individu dans un état de frénésie et d’euphorie ; il pourrait facilement flatter l’ego d’un esprit faible.
Arrive vite le sentiment de surpuissance et d’immunité contre le risque. Il convient de se poser et de méditer sur ce qui est important et de se remémorer les valeurs essentielles qui ont été le moteur de son engagement et qui ont déclenché l’adhésion à sa cause de millions de personnes qui ignorent tout du prétendant. Il semble aussi que la capacité d’auto analyse critique des conséquences de ses décisions sur ses collaborateurs ou mandants permet de ne pas laisser notre côté obscure transformer le leader en un monstre ou un robot avec des apparences humaines. Souvenons-nous : collaboration, ouverture d’esprit, impartialité ; capacité d’auto critique et surtout l’empathie sont des attributs indispensables pour ne pas sombrer dans l’exercice désastreux et solitaire du pouvoir.