ELECTIONS LEGISLATIVES ANTICIPEES DU 17 NOVEMBRE 2024 : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall avaient tous les deux dissous l’Assemblée nationale quelques mois après leur arrivée au pouvoir. La dissolution opérée par le Président Bassirou Diomaye Faye entre donc dans l’ordre normal des choses
Les Sénégalais se rendront aux urnes le 17 novembre pour élire une nouvelle Assemblée nationale, suite à la dissolution de la 14ème Législature par le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye le 12 septembre 2024. Une dissolution qui était attendue, même si elle a été précipitée par le rejet par la majorité parlementaire sortante de projets de lois portant suppression du Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct) et du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dans toutes les démocraties, à l’exception notable des Etats-Unis d’Amérique, lorsqu’un nouveau régime arrive au pouvoir, il procède à la dissolution des institutions parlementaires pour demander aux citoyens une majorité qualifiée lui permettant de mettre en œuvre son programme, lorsque cette majorité ne lui est pas acquise.
Les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall avaient tous les deux dissous l’Assemblée nationale quelques mois après leur arrivée au pouvoir. La dissolution opérée par le Président Bassirou Diomaye Faye entre donc dans l’ordre normal des choses. Elle ne relève pas, comme le prétendent l’opposition et certains milieux politiques, d’une volonté de contrôler toutes les institutions de la République pour instaurer un soi-disant «Etat pastéfien».
Enjeux des élections législatives du 17 novembre
Pour le nouveau régime, dirigé par le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, il s’agit d’obtenir une majorité, de préférence les deux tiers des députés, pour pouvoir mettre en œuvre sans entrave le programme plébiscité par les Sénégalais le 24 mars 2024. Ce programme comprend des réformes majeures visant à transformer l’Etat néocolonial, entretenu et préservé par Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall au profit de l’ancienne puissance coloniale, en un Etat-Nation souverain et tourné vers la défense exclusive des intérêts du Peuple sénégalais. Une des réformes attendues concerne la Justice qui a été instrumentalisée par les différents régimes qui ont dirigé le pays depuis 1960 pour persécuter leur opposition et se maintenir aussi longtemps que possible au pouvoir. Il est attendu de la réforme qu’elle accoucha d’une Justice indépendante qui, comme le disait en 1994 Nelson Mandela aux membres nouvellement désignés de la commission chargée de rédiger la Constitution de l’Afrique du sud post-apartheid, protégera les citoyens même si Satan en personne était à la tête du pays. Il s’agit aussi de doter le pays d’une Haute Cour de justice, institution chargée de juger le président de la République et les ministres pour les infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions. Nous le savons tous, la gouvernance du Président Macky Sall et celle de ses prédécesseurs ont été caractérisées par les pillages des ressources publiques qui ont laissé le pays pauvre et très endetté. Les ressources foncières du pays, en milieux urbain et rural, ont fait l’objet d’un pillage en règle avec la complicité de fonctionnaires véreux. Et il n’est pas surprenant que les tenants de ces différents régimes, pour se protéger de la justice et pour poursuivre le pillage des ressources publiques, aient tu leurs divergences qui frisent parfois l’animosité, pour s’unir afin de reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2024. On y retrouve tous les partis politiques, mouvements et personnalités qui incarnent ce qu’il est convenu d’appeler le «système». Il y va des socialistes aux libéraux, en passant par les anciens communistes qui ont remplacé, depuis le milieu des années 90, la lutte des classes par la lutte des places.
Dans cette lutte sans merci visant à rogner les ailes au nouveau régime, il faut ajouter le bataillon des patrons de presse nourris par des politiciens corrompus et ceux qui doivent des milliards de dettes d’impôts à l’administration fiscale, dettes que le nouveau régime est déterminé à leur faire payer.
Pour contrôler l’Assemblée nationale, la victoire dans le département de Dakar, qui va envoyer sept (7) députés à l’Assemblée nationale, est cruciale. Rien de surprenant que l’opposition, outre les attaques physiques contre les cortèges du parti au pouvoir, ait ourdi de fausses accusations de corruption contre sa tête de liste, Abass Fall. Homme connu et estimé pour sa franchise et sa droiture, Abass Fall fait l’objet d’accusations infondées et diffamatoires. Comment une personne qui n’est ni ministre de tutelle de l’Aser, ni Pca, ni Directeur général, peut-elle être mêlée à de quelconques actes de corruption concernant cette agence ? Et d’ailleurs depuis quand un Directeur général qui a renégocié un contrat et obtenu des conditions plus avantageuses pour l’Etat peut-il être accusé de prévarication ? Comme dit l’adage : «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.» Sauf que la diffamation est une infraction dans tous les Etats du monde et que Abass Fall a décidé d’ester en Justice contre les calomniateurs. Et il est débile de considérer qu’un Etat où des citoyens diffamés cherchent à laver leur honneur est un Etat dictatorial. Un diffamateur et un calomniateur ne sont pas des lanceurs d’alerte et ils ne peuvent pas être protégés par la loi. Il est temps que ces attaques diffamatoires cessent et que le débat sur les programmes prime, pour que les Sénégalais et les Dakarois puissent choisir en connaissance de cause leurs élus.
Les sombres perspectives d’une victoire de l’opposition
En ce qui concerne les perspectives de ces élections, un des leaders de l’opposition a été on ne peut plus clair. Si les partis et coalitions du «système» gagnent, le président de la République devra choisir le Premier ministre dans leur camp sous peine de bloquer le pays, au point que même un aéronef ne pourrait plus y atterrir. En clair, une victoire de l’opposition le 17 novembre entraînera un blocage du pays pendant au moins deux ans, à moins que le Président ne se sépare de leur ennemi juré, le Premier ministre radical Ousmane Sonko, qui refuse toute compromission et à qui ils vouent une haine sans pareille. Il appartient donc à la jeunesse sénégalaise de se mobiliser pour protéger le projet prometteur de Pastef contre les coalitions des forces rétrogrades qui veulent restaurer le système de pillage et de prédation des ressources publiques que le Peuple a rejeté le 24 mars 2024 en élisant Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République. Cette mobilisation doit se faire maison par maison, ruelle par ruelle, quartier par quartier, dans tous les hameaux, villages et villes du pays. L’enjeu est trop gros : il s’agit de donner au nouveau régime les moyens de transformer le pays, de le mettre sur les rampes du développement économique et social, d’assurer progressivement à tous nos compatriotes, d’ici 2050, un niveau de vie décent par la gestion vertueuse des ressources provenant de l’exploitation minière, pétrolière et gazière, et une économie performante tournée vers les nouvelles technologies.
Kélépha SANE
Economiste du développement
Ottawa, Ontario, Canada
kelephasane@gmail.com