ENCORE NON BACHIR, LE SÉNÉGAL N’EST PAS NÉ LE 24 MARS 2024
On nous rebat les oreilles avec les supposés écarts du nouveau pouvoir. Mais que dire des dérapages présidentiels depuis mars 1963 ? Que dire surtout de ces vingt-trois dernières années ?
Dans ma contribution publiée le 30 janvier dernier, j’annonçais qu’elle serait suivie d’une seconde, peut-être d’une troisième, pour administrer la preuve à Bachir Fofana, à Papa Malick Ndour comme à de nombreux autres du même acabit qui pensent comme eux que nous sommes loin, très loin d’être amnésiques et que personne ne peut nous faire croire, une seule seconde, que le Sénégal est né le 24 mars 2024. « Un président ne doit pas dire ça », « Un président ne doit pas faire ça », répétait-il souvent dans son « lundi » publié après la Conférence des Administrateurs et des Managers publics (CAMP) du 20 janvier 2025. Même si Bachir Fofana ne le sait pas, ou feint de ne pas le savoir, fermant hermétiquement les yeux et se bouchant les oreilles sur tout ce qui s’est passé depuis le 7 mars 1963 et, en particulier, depuis ce fameux 1er avril 2000, nous connaissons des présidents, en tout cas au moins deux présidents qui ont dit plus, qui ont dit pire ; qui ont fait plus, qui ont fait pire.
En conclusion de ma première contribution, je promettais aux lecteurs qui en avaient déjà une idée, avec les déclarations sur les Perrons de l’Élysée du vieux président-politicien, lors de son premier voyage en France, après le 1er avril 2000, qu’ils en auront bien d’autres après avoir lu la seconde contribution, c’est-à-dire celle-ci. Je commencerai par l’ancien président-politicien avant de revenir sur son prédécesseur et sosie. Combien de fois, pendant douze ans, a-t-il dit ce qu’un président de la République ne doit pas dire, et fait ce qu’il ne doit pas faire. Premier ministre déjà, il votait sans carte d’identité à Fatick.
Je pourrais me contenter d’une seule de ses déclarations, que pratiquement tout le monde se rappelle d’ailleurs et qu’aucun président d’un pays sérieux n’ose faire, celle-ci : « Si je n’avais pas mis mon coude sur les dossiers que j’ai sur mon bureau, beaucoup de gens iraient en prison ». Naturellement, dès le lendemain, les commentaires sont allés bon train et dont bon nombre ne le ménageaient pas. Il comprenait alors qu’il avait commis une bévue et a voulu se corriger mais en en commettant une plus grosse encore. « Je ne parlais pas de tous les dossiers mais de celui Sindiély Wade seulement car, je ne peux pas envoyer en prison en même temps le frère et la sœur ». Donc, c’est lui qui décide de l’envoi ou non des gens en prison. Comme Bachir Fofana nous prend pour ce que nous ne sommes, je rappelle qu’il s’agissait du lourd dossier du FESMAN où Sindiély était gravement mise en cause. Le lendemain d’ailleurs ou le surlendemain, j’ai publié une contribution qui avait pour titre « Et s’il est établi que le frère et la sœur sont tous les deux des voleurs ! », Sud quotidien du 12 février 2014.
Bachir, un président peut-il dire ça, un président vraiment digne de la fonction ? Où étiez-vous, vous et les autres qui pensent comme vous ? Le président Bassirou Diomaye Faye a vraiment bon dos. Des bêtises – je ne peux les appeler qu’ainsi –, l’ancien président-politicien en a dit bien d’autres ? Je rappelle seulement, en campagne électorale pour le référendum de mars 2016, au grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, il a dit, en direction de la pauvre opposition : « Que cela vous plaise ou non, vous supporterez ma politique ! ». Un président de la République peut-il se permettre de dire ça, et sans état d’âme ? Oubliait-il qu’il tirait son pouvoir de gouverner de la constitution, comme l’opposition celui de s’opposer ? Vous a-t-on entendu ou lu à l’époque, vous comme les autres qui prennent plaisir à tirer à boulets rouges sur le président Diomaye et son Premier ministre ?
Dans son même « lundi », Bachir Fofana répète qu’« un président ne doit pas faire ça », mettant naturellement en cause le président Diomaye Faye dans son introduction de la CAMP. Bachir n’a d’yeux et d’oreilles que pour lui et son Premier ministre. Pourtant, des présidents, plus exactement l’ancien président-politicien et son prédécesseur et sosie ont fait pire, si toutefois Diomaye a fait
Des « hauts faits d’armes » du premier, je retiendrai seulement quelques-uns. On se rappelle le comportement inacceptable de l’ancien ministre Moustapha Diop envers les magistrats de la Cour des Comptes. Le président de la Commission des Comptes et de Contrôle des Entreprises et ses collègues se sont rendus au siège du Fonds de Promotion d’Entreprenariat féminin « pour rencontrer le staff et lui présenter le programme de travail de la vérification conformément à leur mission ». Informé de la présence des enquêteurs, Moustapha Diop, alors Ministre délégué auprès du ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, chargé de la Microfinance et de l’Économie solidaire, s’invite à la réunion. Le Président de la commission lui fait alors remarquer que sa présence ne s’imposait pas du fait que ce n’était qu’une réunion de prise de contact.
Le ministre délégué, qui n’a certainement pas apprécié les mots du président de la Commission, entre dans une colère noire et s’adresse alors à ses « invités » en ces termes vigoureux : « Vous êtes de petits magistrats de rien du tout, payés pour me déstabiliser ». Et il ne s’arrête pas en si bon chemin, selon le journal Léral net du mardi 15 juin 2015 qui rend compte de l’événement. « Vous ne faites pas partie des magistrats de la Cour des comptes, mais de la Cour de règlement de comptes », leur lança-t-il, avant de les mettre dehors sans autre forme de procès.
Le président de la Commission et ses collègues naturellement très en colère, s’en ouvrent au président de la République et exigent une sanction sévère contre le ministre délégué ? Pour toute réponse, l’ancien Président-politicien leur présente publiquement les excuses de son ministre. Monsieur Bachir Fofana, un président de la République digne de la fonction doit-il vraiment faire ça ? Où étiez-vous à l’époque, vous et les autres qui pensent comme vous ? Vous a-t-on alors entendus ou lus ?
Ce n’est pas tout Monsieur Fofana. Pendant qu’il était le Directeur général du COUD, Cheikh Oumar Hane a fait l’objet d’une enquête par l’Ofnac, vérification qui a abouti à un lourd dossier. Le 31 décembre 2018, si mes souvenirs sont exacts, après son message à la Nation, l’ancien président-politicien répondant à des journalistes, a pris publiquement sa défense alors que son dossier était entre les mains du Procureur de la République. Il est allé plus loin en reprochant à l’OFNAC d’avoir outrepassé ses prérogatives. Ce n’est pas tout. L’OFNAC fait en général des recommandations dans ses rapports d’activités. Dans celui de l’année 2014-2015, sa première recommandation était celle-ci ; « Relever de ses fonctions le Directeur du Coud pour entrave à l’exécution normale d’une mission de vérification et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organisme public. »
Que s’était-il passé ? Les enquêteurs, après avoir bouclé leur mission, se sont rendu compte que ce qui se passait au Coud en matière de gestion scandaleuse, était encore bien plus grave que ce que dénonçait la plainte qui justifiait cette première mission. Un second ordre de mission chargea alors de nouveaux enquêteurs de poursuivre le travail. Cheikh Oumar sachant que ce qui l’attendait était plus grave encore, s’opposa catégoriquement à l’exécution de cette nouvelle vérification, en allant jusqu’à menacer le premier responsable des enquêteurs et à accabler la présidente de l’OFNAC d’alors de tous les péchés d’Israël.
Bachir, et vous tous et vous toutes qui pensez comme lui, imaginez-vous ce qui allait se passer malgré son lourd dossier qui dormait d’un sommeil profond sur la table du Procureur de la République et cette recommandation de l’OFNAC qui l’accablait ? Trois à quatre mois plus tard, Cheikh Oumar Hane est nommé, contre toute attente, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Bachir, un président sérieux doit-il faire ça ? Vous êtes-vous fait entendre à l’époque, vous comme les autres ? Bachir, nous n’accepterons jamais qu’on fasse table rase de tout ce qui s’est passé pendant vingt-quatre longues années de nauséabonde gouvernance et nous enfermer dans les neuf mois des nouveaux gouvernants.
Et ces quelques exemples que j’ai pris sur l’ancien président-politicien ne sont que des peccadilles, comparés aux mille scandales qui ont jalonné sa nébuleuse gouvernance. Il en sera ainsi des exemples que je prendrai sur son prédécesseur et sosie, dans la prochaine contribution, celle-ci étant déjà longue ? En attendant, je rassure Bachir Fofana : ce n’est point sa personne qui m’intéresse, mais ce qu’il dit et écrit sur la gouvernance en cours depuis le 2 avril 2000. Des amis m’ont fait cas d’injures dont je serais la cible depuis la parution de ma première contribution. Heureusement que je ne lis pas de tels commentaires. Mais l’un de mes amis m’a fait parvenir par WhatsApp une vidéo où Bachir Fofana s’en prend sévèrement à ma personne. J’ai fait quand même les efforts nécessaires pour l’écouter. Voici ce qu’il dit de moi en walaf « Boo nekke ci deukk, te yaw xamoó sa bopp, tekki woó dara, Senegaal lifiy problèmes lepp, Senegaal lifiy problèmes lepp, mu man cee waxtaan, loola lepp mu teg kofa, ne ci bachir Fofana mu amul solo mii rek, lay wax. » Traduit en français, son discours donne : « Si tu vis dans un pays, en ignorant qui tu es vraiment, un pays où tu ne signifies rien, au lieu de te préoccuper du Sénégal qui en a tant besoin, tu fais de Bachir Fofana ta cible ». Il me remercie pour avoir publié une longue contribution avec pour titre : « Qui est ce Bachir Fofana ? » Il devait vraiment être hors de lui ; il ne retient même pas le titre de ma contribution qui est celui-ci : « Pour qui nous prend-il vraiment, ce Bachir Fofana ? » Deux titres totalement différents. Encore une fois, ce n’est pas sa personne qui m’intéresse.
L’animatrice de l’émission entre en jeu et dit : « Mody yaw la ame temps yi de ». Depuis ces temps derniers, tu es la cible de Mody, dit-elle. Certainement, elle n’a même pas lu la contribution. Un autre, un de ces « chroniqueurs » d’une télévision que je ne nomme pas, se fait entendre en posant une question : « C’est Mody qui a été condamné avec Papa Alé ? Oui, s’empresse de répondre Bachir : pour diffamation. Ils parlaient effectivement de la plainte de Cheikh Oumar contre Papa Alé et moi, Pape pour avoir publié un livre basé sur son lourd dossier de l’Ofnac moi, pour avoir préfacé le livre et y avoir qualifié sa gestion de scandaleuse ? Nous avons été effectivement condamnés en première instance et nos avocats avaient naturellement interjeté appel. L’audience s’est tenue il y a moins de deux mois et nous attendons la délibération. Comme Bachir Fofana et ses co-animateurs ignorent presque tout de la plainte, je leur apprends qu’elle date de février 2020 ?
Je précise bien en février 2020. Le 16 mars 2018, donc deux ans avant la plainte, j’ai publié une contribution à deux quotidiens : Walfadjri et La Cloche. Elle avait pour titre : « Communiqué de presse du Directeur général du Coud : un tissu de contrevérités ». C’était pour démentir catégoriquement la totalité d’un communiqué qu’il avait publié deux jours auparavant. La contribution est longue de cinq (5) pages où je mets en évidence tous les scandales qui ont jalonné sa gestion du Coud. Je supplie Bachir de faire l’effort de lire la contribution. Il comprendra, s’il est honnête, que je n’ai diffamé personne et devrait se poser aussi la question de savoir pourquoi ce M. Hane a attendu deux longues années pour porter plaine contre moi, parce que simplement j’avais préfacé un livre et traité sa gestion de scandaleuse ? Enfin je rappelle à Bachir que j’ai travaillé sur le dossier M. Hane, en ma qualité de Conseiller spécial de la présidente de l’Ofnac d’alors, Mme Nafy Ngom Kéïta, chargé de la lutte contre la corruption dans le système éducatif sénégalais. Je n’avais pas encore démissionné.
Bachir, j’arrête cette contribution ici. La troisième vous causera sûrement plus de soucis mais, dans tout ce que j’écrirai, vous ne lirez pas un seul mot qui fera penser à une injure. Moi, j’ai horreur des injures et préfère de loin les arguments.