LA FRANCE DEGAGE ET LE FRANÇAIS FOUT LE CAMP
La théorie du retrait de la zone Cfa n’est certes plus à l’ordre du jour, mais la présence française devient de plus en plus insupportable : pensez donc, un pays souverain qui tolère la présence d’une armée étrangère, en est-il vraiment un ?
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Je dois avouer de mauvaise foi que le régime «Sonko môy Diomaye» ne finit pas de m’épater… Après les injures à l’orthodoxie langagière du Président, les coups en bas de la syntaxe de son Premier ministre, les hérésies grammaticales du «gros calibre» qui nous sert de patronne de la Diplomatie, voilà que le ministre des Finances, Cheikh Diba, s’invite d’autorité sur la liste des Vip qui foulent aux pieds les principes élémentaires de la langue du colonisateur -ce saligaud de vampire qui nous suce le sang depuis des siècles !
Devant des députés amorphes, la voix tremblotante, l’inquiétant ministre des Finances dont l’une des missions principales est d’inspirer confiance, affirme que ses patrons, le duo «Sonko môy Diomaye», ne seront pas plus à cheval sur les principes et le sens de l’honneur. On ne les «prendra pas à défaut», tonne-t-il…
Pourquoi cette saillie qui prend en défaut l’orthodoxie langagière ?
Ça n’est guère rassurant de savoir que le président de la République, le Premier ministre, le gros calibre des Affaires étrangères et le ministre des Finances présentent de singulières lacunes dans notre langue de travail officielle.
La question n’est pas d’assimiler les intonations de l’argot parisien, mais de ne pas prendre des engagements internationaux dans une langue dont les subtilités échappent à nos décideurs. Une virgule mal placée, parfois vous fait dire ce que vous ne pensez pas…
Par exemple, «prendre en défaut» qui signifie dénicher une faute, est différent de «prendre à défaut», qui signifie n’avoir pas de meilleur choix…
Imaginez, un peu, ce genre de confusion, à l’échelle d’une Nation, les dégâts que ça peut générer.
Le Sénégal, c’est vrai, prouve sa fierté depuis quelque temps en arborant ses inclinations souverainistes dont la singularité réside dans cette volonté affichée de couper le lien ombilical et se séparer de l’ancienne puissance coloniale.
Le Président Diomaye Faye, après deux séjours bien trop rapprochés en France, annule le troisième à la dernière minute après que son Premier ministre, «le meilleur de tous les temps», canarde la France, son Président et tout ce qui y touche de près ou de loin.
La théorie du retrait de la zone Cfa n’est certes plus à l’ordre du jour, mais la présence française devient de plus en plus insupportable : pensez donc, un pays souverain qui tolère la présence d’une armée étrangère, en est-il vraiment un ?
On a sa fierté quand même !
C’est vrai, si demain les djihadistes sahéliens ont la mauvaise idée de frapper à nos portes, tout souverains que nous sommes, il nous faudra bien acheter chez d’autres pays des armes et leurs munitions pour faire face à l’agresseur…
Passons sur la farine de blé qui compose le pain devenu un incontournable de nos repas, le riz «brisé, parfumé» de Thaïlande sans lequel un authentique thièb’ou dieune serait plagiaire, les véhicules, les motos et même les vélos qui sillonnent nos routes dont aucun n’est estampillé «made in Sénégal».
Ne parlons pas des médicaments qui remplissent les pharmacies, le matériel médical qui sauve des vies, le papier sur lequel les décisions administratives sont consignées…
Bref, se questionner indéfiniment sur notre rapport avec la France, quand bien même il est de bon ton dans la sous-région d’y aller de sa foucade, ne nous sortira pas de l’ornière. D’abord parce que le Sénégal, s’il a des racines dans les royaumes locaux, depuis le Walo jusqu’au Boundou, en dépit de sa taille et sa démographie modestes, est surtout un grand pays francophone
Faut-il le rappeler ? La lubie senghorienne de faire d’une communauté linguistique et culturelle un lieu d’échanges est à l’origine de la Francophonie. Dans l’imaginaire du poète-Président, ce serait sans doute une pierre angulaire du rendez-vous du donner et du recevoir universels.
Certes, à notre si obscurantiste époque, s’en référer à Léopold Sédar Senghor, chantre de l’organisation et la méthode, latiniste, helléniste, icône absolue du savoir-vivre, relève du complexe du colonisé, une maladie honteuse incurable
Chercher à donner au Sénégal une autre identité que celle d’un géant francophone, un singulier pays en Afrique, qui ménage ses voisins, que les Africains regardent comme les suppôts du colonialisme, c’est devoir renoncer à notre histoire et tout refondre, jusqu’à notre nom, qui nous vient de la France…
A soixante-cinq ans, on ne se refait pas.
Tout ceci ne nous fera pas oublier la tragédie de cet étudiant que l’on retrouve pendu dans sa chambre, énième victime de la cruelle indifférence sociale, quand ce n’est pas l’implacable obscurantisme. Matar Diagne rejoint la liste encore ouverte de tous nos enfants qui sautent dans des embarcations de fortune pour trouver des terres plus prospères, même si elles ne sont pas hospitalières. Le sentiment de ne pas exister, c’est la rançon que la société sénégalaise exige des plus démunis, qui sont généralement jeunes, d’origine modeste et de sexe masculin. Les filles, elles, pourront toujours marchander le droit de cuissage normal qui leur est enseigné dès le berceau.
Jimi Mbaye est mort alors que «Birima», le tube qui relate la saga des tièdos, dont l’inoubliable intro porte sa signature, passe en salle. Paix à son âme. Il aura bien vécu : être de la fantastique aventure humaine du Super Etoile depuis plusieurs décennies avec, entre autres, Habib Faye, Mbaye Dièye Faye, Ibou Cissé et Youssou Ndour, avoir côtoyé le drôle de zèbre qu’est Mara Dieng, ça vous remplit joliment la vie…