LA TRANSHUMANCE, C’EST MOCHE
Dans le domaine précis de la politique, la transhumance consiste pour des vaincus à quitter leur parti en ralliant le camp des nouveaux élus sitôt une alternative réussie
L’on évoque assez souvent l’image de bestiaux s’élançant vers des zones ou régions plus alléchantes, plus favorables à leur survie quand, dans leurs contrées, arrivent les périodes dures, arides.
Dans le domaine précis de la politique, la transhumance consiste pour des vaincus à quitter leur parti en ralliant le camp des nouveaux élus sitôt une alternative réussie.
Que n’a-t-on pas dit et écrit sur cette forme de métamorphose que certains acteurs politiques, toute honte bue, affectionnent si allégrement ?
Cette conception de la politique doit - elle être encouragée ?
Doit-elle être extirpée du champ politique ?
Est-ce même chose à offrir à notre jeunesse ?
Ne serait-on pas tenté de penser que ceux-là qui en sont acteurs ont deux âmes ?
Six mois à peine, après la mémorable débâcle de Benno Book Yakar, alors surtout que la campagne électorale pour les législatives bat son plein, de grosses vagues de transhumants déferlent vers les rives pastéfiens. Cela crève les yeux. Et ce n’est pas le menu fretin. Des personnages qui, naguère dans l’ancien régime, ont bénéficié de faveurs ou de positions pour le moins confortables sont sur la sellette.
Faut-il en rire ? Verser des larmes ? S’étriper la poitrine ?
Des raisons diverses sont avancées pour justifier cette odieuse attitude comportementale.
Séduisantes, farfelues, saugrenues, abjectes, éhontées et Dieu sait quoi encore !
Certains considèrent béatement qu’il sied de conférer une majorité confortable à la nouvelle équipe gouvernementale en sorte qu’elle puisse plus aisément dérouler son programme. Exécuter sa politique.
D’autres bonnes gens sans sourciller, avancent subitement un insupportable ostracisme dont ils sont victimes au sein de leur formation déchue et défaite.
Toutefois, pour nombre d’observateurs avertis, la transhumance, parce que dictée par une logique d’opportunisme, procède d’un souci de positionnement dans le futur sur l’échiquier politique quand elle ne participe pas d’un désir inavoué de se prémunir contre d’éventuelles poursuites judiciaires s’agissant de responsables conscients de leur gestion antérieure fort calamiteuse.
Cette pratique, quoi qu’on en puisse dire, doit être condamnée avec la dernière énergie. Elle ne doit point être encouragée si peu que ce soit.
C’est peu dire qu’elle est immorale procédant de reniement, participant d’une absence de conviction et de constance.
Dieu n’a-t-il pas dit dans le coran, Sourate 2, verset 153 Al -Baqara: << O vous qui croyez ! Cherchez secours dans l’endurance et dans la persévérance. En vérité, Allah est avec ceux qui sont constants>> ?
Elle ressortit en quelque sorte d’une boulimie.
Comme s’il n’était pas assez répu, notre acteur politique, dès la perte du pouvoir, ne se possède plus de désarroi. Il lui faut à tout prix se remplir encore le gosier en ingurgitant entre les mains de la nouvelle équipe.
Faut-il leur imputer l’entière responsabilité de cet état de fait ? Certainement pas.
Autant sont condamnables ceux-là qui, une fois la défaite advenue, accourent à grandes enjambées vers le nouveau pouvoir s’abreuvant à sa fontaine, autant les tenants du régime actuel ne sont pas exempts de reproches.
Ces derniers, dans les fourches caudines de l’opposition briguant le pouvoir, n’ont-ils pas brillé au travers de déclarations vouant aux gémonies la transhumance ?
Leurs propos d’antan bourdonnent encore dans nos oreilles :
<< Si le 24 mars vous trouve dans l’autre camp, restez-y
Nous, en ce qui nous concerne, la transhumance ne se fera pas chez nous...
Toute personne qui est maire dans l’opposition, Macky Sall la reçoit au Palais, lui donne quelque chose et l’invite à le rejoindre. Un pays doit avoir des lignes claires.
Il y’a des gens qui pensent que chaque fois qu’un régime arrive, ils peuvent faire des manigances et des entourloupettes jusqu’à intégrer ce régime.
Si Dieu nous confie le pouvoir, soyez sûr que nous n’accepterons aucun. Et je suis très catégorique dans ce que je dis… Il faut que chacun reste là où il est et qu’il continue à se battre là où il est >>
S’il est manifeste que le pouvoir tient à ces élections comme à la prunelle de ses yeux au point d’accueillir à bras ouverts, par contre la reddition des comptes si bruyamment claironnée ne devrait surtout point faire la part belle à ces vaillants transhumants.
La transhumance, quelle pratique abominable ! Ceux qui en font l’objet- c’est trivial de le dire- ne doivent sans doute pas être très fiers d’eux -mêmes.
Et, dans ce domaine, le plus insupportable, c’est de voir de grosses pointures de l’ancien régime, lesquels ont tout obtenu de l’alors Président vénéré, de les voir aujourd’hui le vitupérer ou, plus triste encore, réclamer son emprisonnement.
Ces personnes-là ne sauraient être des paradigmes, des références ou des modèles pour notre jeunesse. Demain, pour sûr, ils vont quitter encore les nouveaux décideurs dès que le navire commencera à tanguer ou que surviendra je ne sais quelle bérézina.
Non, la politique ne doit guère se résumer en des périodes séquentielles et récurrentes de trahison. Teyllarand ne disait-il pas que :<>
Il est à rappeler ici qu’au plus fort de la crise de Décembre 1962 , des députés , ayant juré fidélité au Président du conseil Mamadou Dia la veille se sont empressés le lendemain d’aller voter la motion de censure quand ils se sont aperçus que la tendance était favorable au Président Senghor.
Jean Collin, dans cette même période, n’a-t-il pas assené à Dia la phrase restée célèbre:<>
Aujourd’hui le phénomène de la transhumance prend de l’ampleur, s’amplifie et s’invétère.
Elle devient inquiétante. Un véritable sujet d’inquiétude!
A telles enseignes que certains et non des moindres, préconisent tout bonnement sa criminalisation.
Dans cette attente et à défaut de faire passer les braves transhumants à l’échafaud car la personne humaine est sacrée (c’est inscrit au fronticipe de notre Constitution) ne pourrait-on pas leur administrer de bonnes fessées dans des stades archi-combles ?