LA VICTOIRE POSTHUME DES MORTS
EXCLUSIF SENEPLUS - La décision de Macky de ne pas briguer un troisième mandat laisse ce goût fétide dans les bouches avec des dégâts collatéraux dont on aurait pu se passer. Quel candidat pour l’APR et ses alliés de BBY ? La crise n’est que différée
Il est des victoires qui ont le goût des renvois acidulés des sucs gastriques. La décision du président Macky Sall de ne pas briguer un troisième mandat laisse ce goût fétide dans les bouches et dans les esprits avec des dégâts collatéraux dont on aurait pu se passer : une cinquantaine de morts, des éclopés à vie, des centaines de privations des libertés, des droits bafoués, piétinés ; des compagnons de route défenestrés avec des ambitions brisées.
Il faut avouer que l’indécision présidentielle a coûté cher au pays et à son image. Aussi, je refuse de crier victoire encore moins de saluer une victoire qui a tout l’air d’être le produit d’un choix de « mauvaise fortune bon cœur » et non celui de bonne foi, fondé sur le respect de la parole donnée.
Et puis il y a tous ces cocus de la cour des prédateurs impénitents, des courtisans troubadours aux sandales usées à force de transhumer. Jusqu’à la veille du jour J, le président Macky Sall a continué à entretenir l’espoir pour cette armée espagnole de mercenaires et de militants alimentaires. Toute cette faune bigarrée devra dans les prochains jours opérer des contorsions et choix douloureux. Mais il ne faut pas plaindre ces parasites, parce qu’ils ont l’échine aussi élastique que les mouvements aléatoires des acrobates de cirque : ils s’en sortent toujours…
Leurs éléments de langage vont changer après le chaos du KO de Macky. Ils migreront vers le choix de leur mentor, suivront le mouvement des doigts du chef : le candidat par défaut. Sur les plateaux de télé, les arguments ont déjà commencé à varier, à glisser vers l’inévitabilité du candidat par défaut.
Parce qu’il ne faut pas se leurrer : la décision de ne pas se représenter est, me semble-t-il, plutôt un choix cornélien, qui évite ou diffère la catastrophe politico-sociale annoncée. On prête au président Macky Sall des qualités politiques exceptionnelles. Si c’est vrai, il en aura besoin pour gérer les mille et un problèmes qui vont commencer dès demain. Quel candidat pour l’APR et ses alliés de BBY ? Quels seront les comportements des responsables qui avaient déjà construit leur avenir sur la candidature du président sortant ? Ceux qui avaient poussé la pédale jusqu’à annoncer des pétitions « soviétiques » ; ces élus locaux qui n’ont pas encore tous rejoint leurs communes qui s’extasiaient devant un patron presque va-t-en guerre qui leur disait de se préparer à un « mortel combat » contre ceux qui s’attaqueront à leurs mairies. Ils pourraient bien avoir à faire ça contre leurs propres administrés et militants qui se sentiraient floués, trompés sur la marchandise.
Disons-le : la crise n’est que différée et non derrière nous, encore moins résolue. Une guerre de dauphins putatifs par défaut va avoir lieu au sein du parti gouvernemental ainsi que dans la coalition BBY dont le président ne tarit pas d’éloges. Son pronostic vital est engagé. Le médecin-chef président sera-t-il à la hauteur des opérations de cautérisation futures pour ces grands corps malades que seul le pouvoir et l’espoir d’un homme maintenaient debout et en marche ?
Et puis, il y a la grosse épine du patriote en chef, avec ses dizaines de victimes et d’emprisonnés. Sa résidence surveillée sera elle maintenue ou levée ? Ou transférée à Rebeus ou Kédougou ?
Le bout du tunnel est assurément encore loin.