L’ANE DE BURIDAN
EXCLUSIF SENEPLUS - Il mesure sa popularité au nombre de manifestations de soutien comme du temps glorieux de Mobutu et s’enorgueillit, mais avec une modestie bien feinte
L’homme politique a souvent la réaction rapide face à l’usure du pouvoir tout en restant placide tant que l’événement qu’il commente est favorable à la préservation de sa carrière. Il rallie ainsi à sa cause, évidemment noble et salutaire, de nouveaux partisans tous partisans du conservatisme qui demain, il l’espère, seront les artisans de son évidente conservation du pouvoir. Il mesure ainsi sa popularité au nombre de manifestations de soutien comme du temps glorieux de Mobutu et s’enorgueillit, mais avec une modestie bien feinte, que sa parole évangélise d’autres relais d’opinion. Il sent que son heure de gloire est toute proche et qu’il va ressusciter les velléités de l’entre-nous et susciter l’adhésion des bénéficiaires de la ploutocratie. Les manifestations grandeur nature, les siennes mais surtout celui de ceux qui l’entourent, est son principal outil de propagande puisqu’il enregistre et diffuse tout de ses déclarations et prises de position et de son bilan.
Mais le smartphone a de la mémoire et archive pour les VAR. C’est là que ce viscéral objet d’immédiate communication qui a supprimé la conversation d’hier tant il a réussi la conversion d’une majorité à survoler les faits, peut devenir pour lui un redoutable levier d’adversité. Bonjour les VAR, la coupure provisoire du signal des TV dissidentes, d’internet et des réseaux sociaux. Circulez, il n’y a rien à voir !
Bon, la veille du grand matin des élections, le candidat à sa reconduction a la fonction suprême, fort de l’onction populaire qui valide son aura, s’épanche sur la situation évidemment reluisante de son pays, dénonce les dérives populistes des oppositions et confirme essentiellement qu’il veut finir les chantiers qu’il a ouvert et son état d’esprit volontaire et solidaire pour conserver la grandeur, honneur et bonheur au pays.
Le citoyen en rêvait. Que la réalité advienne.
Bien avant midi, après les festives agapes de sa réinvestiture, les distributions de fonction, les promesses à quand même réaliser, les voyages diplomatiques, les promotions claniques, les inaugurations spectaculaires, les stériles conférences continentales, les sondages coûteux, les premières critiques et la flatterie courtisane, le démocrate en son palais trouve qu’il mérite bien mieux que de simplement présider !
Avant de déjeuner avec de rares privilégiés, il concocte quelques curieuses tactiques pour pouvoir faire avaler à son peuple sa faim de maîtriser plus rigoureusement son avenir, le sien bien sûr, celui du pays en bénéficiant aussi, promis, juré. À l’heure de se mettre à table, sa décision est arrêtée : n’en déplaise aux tortueux, scabreux, belliqueux, calomnieux et autres envieux de tous bords, il sera autocrate… à nuance bienveillante si le peuple ne gronde pas trop. Celui-ci est à plat, mais devant la promesse autoritaire de l’auto-promu de lui accorder une part du dessert, il rêve encore, mais ne dort que d’un œil. C’est qu’il se doute qu’un cauchemar est possible.
De 14h à 16h, le chef absolu désormais s’invente des exploits économico-sociaux, vante ses relations internationales, évente quelques rumeurs malveillantes sur les râleurs et les emmerdeurs, réarme sa sécurité et s’alarme de sa baisse de popularité. Mais surtout, il s’isole dans ses certitudes et se convainc qu’il peut faire encore plus que mieux pour lui. À savoir durer, durer en son palais et privatiser sa gouvernance à la César.
De 16h à 19h, il affine son plan, dessine le contour de son coup d’éclat illégitime et met dans la confidence ses plus obligés et zélés encenseurs. Après un court éclair de lucidité, il renonce à s’autoproclamer empereur, mais dictateur lui sied bien.
Au journal télévisé de 20h, à l’instant de la soupe populaire pour les gens d’en haut, le pays digère très mal l’information. Les maux citoyens resurgissent. La rue s’éveille.
Aucun dictateur ne se reconnaîtra dans cette fiction, puisqu’il s’agit d’une fiction. Et ce pays est imaginaire. Personne ne peut en effet songer que son pays puisse bousculer ses certitudes démocratiques et basculer dans l’oppression. Mais beaucoup ont l’impression que la réalité peut dépasser la fiction, et des frictions éclater !