LE SÉNÉGAL, LA CEDEAO ET L’EUROPE FACE AU TERRORISME
Dakar certes veut s’ouvrir à tout le monde mais en maintenant voire en renforçant ses alliances traditionnelles.
La semaine dernière, Yassine Fall, ministre de l'Intégration africaine et des Affaires étrangères du Sénégal, effectuait une visite d’État en Russie. Durant le face-à-face avec la presse, Mme Fall et son homologue Serguei Lavrov, ont réaffirmé leur engagement à œuvre ensemble contre le terrorisme au Sahel. M. Lavrov a souligné : « La Russie est prête à fournir une assistance substantielle au Sénégal ainsi qu’à d’autres pays africains, en vue de renforcer leurs capacités de défense et d’améliorer la préparation de leurs forces armées et de leurs services spéciaux face aux risques terroristes ».
La Russie déroule le tapis rouge à une autorité sénégalaise du nouveau régime dont les discours nationalistes et souverainistes ont dû attirer la bienveillance de Moscou. Surtout que dans les flancs de la majorité, s’est arrimé le Mouvement « France Dégage » de l’activiste Guy Marius Sagna.
Les ambitions de Moscou dans la zone sahélienne sont réelles mais elles se heurteront fatalement au mur du Sénégal pour plusieurs raisons. L’hégémonie russe arrive toujours au chevet de régimes militaires ou autoritaires ; ce qui tranche avec la tradition démocratique et d’économie libérale du Sénégal. Au Palais de l’avenue Senghor, vient de s’installer un nouveau président, issu de l’opposition et élu au premier tour d’une élection libre, transparente et inclusive. Le Sénégal s’ancre irrémédiablement dans la démocratie loin des illusions dictatoriales du voisinage immédiat pro-Kremlin.
Alors qu’au Mali, en Guinée, au Burkina ou encore au Niger, l’armée a arbitré les conflits politiques, le Sénégal a lui une armée républicaine éloignée de la tambouille politique et restée disciplinée dans les casernes. Les Forces de défenses et de sécurité au Sénégal n’ont jamais montré la moindre appétence pour s’emparer du pouvoir ou bien pour se mêler à la chose politicienne. Ceux qui pensent qu’un schéma d’importation d’une milice privée est possible au Sénégal se trompent lourdement. Surtout que le Sénégal sous Macky Sall a consenti à doter son armée en équipements modernes. Déjà disciplinée et surentrainée, les militaires sénégalais ne se mêlent jamais du jeu politique. Enfin, les exercices conjoints entre les Jambaars et les Éléments français du Sénégal sont récurrents et témoignent d’une vitalité de la coopération militaire entre les deux pays, là où les manœuvres avec l’armée russe sont inexistantes.
Exit donc l’hypothèse de l’Africa Corps ou des groupes paramilitaires de la Brigade Bear sur le sol sénégalais.
L’autre aspect qui refroidit les prétentions russes concerne le besoin massif d’investissement du nouveau régime dans la foulée du précédent. Le pays a lancé ces vingt dernières années un plan ambitieux de rattrapage infrastructurel, qui nécessite un volume massif d’investissements. Or, l’argent ne peut venir que des bailleurs traditionnels occidentaux. Car la Russie, n’est pas connue comme un grand investisseur en Afrique. Son économie en pleine crise, surtout depuis la guerre en Ukraine, éloigne en plus le schéma d’un afflux massif de liquidités venant de Moscou.
Traditionnellement, la Russie contribue pour moins de 1 % aux investissements directs étrangers en Afrique. Selon le ministère sénégalais du Commerce, « Les engagements économiques de la Russie en Afrique sont plutôt fondés sur le commerce qui est lui aussi modeste puisqu’il ne représente que 14 milliards de dollars. « En guise de comparaison, la valeur du commerce africain avec l’UE, la Chine et les États-Unis est respectivement de 295 milliards, 254 milliards et 65 milliards de dollars ». En comparaison, pour un pays comme le Sénégal, la France est le 1er investisseur, avec 43 % du stock d’IDE, en plus des vieux liens d’amitié et de coopération.
Les attentes et les agitations des militants pseudo-panafricanistes des réseaux sociaux, tendant à attirer le Sénégal sous le giron russe sont vouées à l’échec. Dakar certes veut s’ouvrir à tout le monde mais en maintenant voire en renforçant ses alliances traditionnelles. Bassirou Diomaye Faye s’est rendu deux fois en France depuis son élection, et il recevra Emmanuel Macron à Dakar en décembre prochain, signe d’une relation dans la continuité des régimes précédents dans les deux pays.
Pour confirmer l’orientation prise par le Président Faye, il y a sa déclaration, lorsqu’il a reçu, jeudi 29 août, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Il dit : « La situation au Sahel face au terrorisme nécessite une mobilisation globale de la communauté internationale, et surtout de l’Europe, aux côtés des pays concernés, car il est connu que les continents africains et européens ont un destin sécuritaire lié ». Cette déclaration est largement commentée dans les cercles diplomatiques. Et pour cause, elle tranche avec le choix des pays de l’AES d’exiger le départ des troupes françaises de leur sol. Elle n’est pas non plus dans la même tonalité que celles critiques vis-à-vis de la France de son Premier ministre et de l’option France-dégagiste de l‘agitateur Guy Marius Sagna.
Diomaye Faye semble lui n’avoir pas oublié les morts sénégalais, français et autres sur le sol malien dans la guerre contre le terrorisme. Du côté des États de la Cedeao, il faut se rendre à l’évidence et sortir des postures puériles. C’est dans la conjonction des forces que le terrorisme sera vaincu.
Aux occidentaux de saisir la balle au rebond. Leurs armées sont équipées et disposent de moyens qui peuvent contribuer significativement à combattre le terrorisme dans le Sahel. Mais le travail ne sera guère simple, car selon le spécialiste de la géopolitique ivoirien « Les Occidentaux étaient aux côtés des pays du Sahel. Ce sont les putschistes qui ont chassé tout le monde et remplacé par Wagner. Malheureusement pour nous la situation s’est aggravée. On va devoir se débrouiller. Je ne vois plus de soldats français venir mourir pour nous »