LETTRE OUVERTE A L’OCCUPANT DE LA MAISON DU PEUPLE AYANT VUE SUR LA BAIE DE GOREE,
Comment le dirigeant du pays de Lat Dior et d’Aline Sitoé peut-il avoir peur de ses adversaires, aussi valeureux soient-ils ?
Je voudrais d’abord vous féliciter pour votre look aminci. Avez-vous perdu du poids ? Je ne saurai le dire.
Les mauvaises langues racontent que, depuis la guerre en Ukraine, vous avez échangé les gâteaux au chocolat à base de blé contre du tiakry bien africain à base de millet. C’est gentil pour les paysans sénégalais.
Permettez moi de prendre un ton léger pour m’adresser à vous, car je suis un adepte de la méthode senghorienne (Léopold Sedar Senghor pour les amnésiques). Vous ne vous rappelez peut-être pas, mais sa méthode consistait à prendre la politique avec un grain de sel. Tenez, il raillait parfois son principal opposant, votre mentor Abdoulaye Wade, en disant à propos de son crâne lisse : “comment un crâne qui ne supporte pas les cheveux peut-il supporter un pays?” Un bout-entrain ce Senghor. D’ailleurs il souriait souvent, mais vous, on ne vous voit jamais sourire en public. Peut-être qu’en privé avec votre bande de coquins-copains, c’est le festival juste pour rire tous les jours.
Car comment expliquer vos déclarations récentes si drôles, alors que vos lèvres n’ont même pas tremblé d’ironie.
Vous êtes vraiment fort.
Vous avez déclaré sans rire à un magazine des blancs teints clairs que vos opinions sont liées à vos convictions du moment et cela peut changer en fonction des circonstances.
Les langues venimeuses ont dit que vous admirez secrètement Donald Trump qui pouvait se permettre d’avoir une conviction par jour et en fonction des gens qu’il rencontrait.
Je leur ai dit que non, l’occupant du bureau avec vue sur Gorée avait forcément conscience de la force de caractère et de la solidité des convictions qu’il fallait pour changer durablement l’Afrique, après les abominations qu’ont été l’esclavage et la colonisation. Je leur ai aussi dit que l’occupant savait que toutes ses déclarations hors campagne électorale étaient celles d’un chef d’état et que ça rentrait dans le cadre du contrat de confiance qu’il avait passé avec ses concitoyens. Est-ce que je me trompe ?
Comme vous n’aviez confiance en aucun magazine entre Dakar et Pretoria pour recueillir vos épanchements, vous avez aussi dit à la toubab européenne qui vous interviewait, que si le Sénégal n’était pas une démocratie authentique, le sort de (Sonko Ousmane) serait définitivement réglé. Aviez-vous dit cela pour calmer le climat social ?
Les langues râpeuses ont affirmé que vous disiez ça parce que vous aviez honte d’avoir déclaré vouloir réduire l’opposition à sa plus simple expression. Elles disent aussi que vous avez terriblement peur de vous mesurer aux opposants les plus valeureux, et que vous vous arrangez toujours pour les mettre hors circuit avant les élections. Je vous dis, ces gens-là… ils disent vraiment n’importe quoi. Comment le dirigeant du pays de Lat Dior et d’Aline Sitoé peut-il avoir peur de ses adversaires, aussi valeureux soient-ils ?
Vous savez ce que je pense ? Je vais le dire quand même, vous êtes un homme très courageux qui malgré la perte des grandes villes du pays aux législatives et la perte de quelques soutiens dans votre coalition, vous allez plonger pour un 3e mandat, et cela même si on vous dit que la population n’en veut pas. Quel grand homme vous êtes. Si votre grandeur le permet, pendant que j’y pense, que vouliez-vous dire par “réduire à simple expression“ ?
J’avoue avoir trouvé plusieurs significations à cette boutade, car ça ne pouvait qu’être une boutade, vous qui avez la responsabilité de sauvegarder et renforcer la démocratie, vous ne pouvez pas dire des choses si anti-démocratiques. Mais comme vous exprimiez vos convictions et qu’on ne sait plus si on peut s’y fier, je préfère m’en remettre à ce que vous voudriez bien nous donner comme justification. Si vous le voulez bien sûr, car personne ne donne des ordres au chef suprême des armées ?
Encore deux petits points avant de vous laisser admirer la vue sur la baie de Gorée.
Un, les langues fourchues racontent que vous avez envoyé tellement de jeunes en prison que c’est devenu le 47e département territorial.
Comme nous ne sommes pas ennemis, mais adversaires, je vais vous faire une confidence que vos conseillers en communication ont oublié de faire. La meilleure façon de se faire détester par sa population, c’est de remplir les prisons ou de faire disparaître des gens. Les livres d’histoire en font largement la démonstration, sous d’autres cieux. On gouverne les gens et quand vous aurez enfermé tout le monde, vous allez gouverner qui ?
Alors disons-le tout net, pour chaque jeune arrêté, vous vous mettez à dos sa famille, ses amis, camarades de classe et voisins. En fait tous les gens qui les aiment. Plus vous multipliez les arrestations, moins vous serez populaires, en somme.
Ne me remerciez pas.
Et de deux (pour finir), j’aimerais savoir si vous faisiez de la provocation ou si vous parliez par conviction, lorsqu’en tant qu’opposant à un 3e mandat de Abdoulaye Wade, vous appeliez vos sympathisants à aller le déloger du palais.
Ici c’est ma langue au goût amère du petit-cola qui dit que c’était par conviction. C’est pourquoi vous ne tolérez plus personne qui lancerait le même appel à l’insurrection. On sait maintenant que si les circonstances restaient les mêmes (élections présidentielles), vous garderiez vos convictions. Donc avouez que si Sonko lançait un appel à vous déloger… vous feriez quoi en fait ?
Je vous remercie très sincèrement de votre patience, mais avouez que cela vous a fait du bien de lire tout ce que les langues sulfureuses déversent sur vous, ces temps-ci. Oups j’aurai pas dû révéler les confidences des langues pourries … (au cas où vous chercheriez à les arrêter aussi). Mon copain dit en se tordant de rire : “ku ne pip mu sandi la casso” (qui dit mot est envoyé en prison).
C’était un immense plaisir et soyez assuré que je vous écrirai de temps en temps, d’ici les prochaines élections présidentielles. Que vous y soyez ou pas.
P.S. : quand les forces de sécurité malmènent Sonko et l’embarquent de force dans un véhicule blindé, s’il vous plaît dites au chouchou de votre épouse, qui a demandé à ne pas être escorté, de ne pas faire de déclaration à l’effet que Sonko est un menteur, manipulateur qui cherche des prétextes pour ne pas se présenter en cour. Ça fait mauvais genre et c’est ridicule. Juste une question de cohérence.
Avec toute mon admiration et en vous souhaitant de sourire un peu plus,
L’opinionneux !