MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, DITES À VOTRE AMI CHGUEL MAÏGA DE BALAYER D'ABORD DEVANT SA PORTE
C’est insulter le Sénégal que de cautionner que Choguel Maïga nous donne des leçons de démocratie. Notre devoir est d’aider le Mali à retrouver sa démocratie, non de se lancer dans des compromissions comme le fait Sonko pour plaire aux activistes
Devant notre Premier ministre Ousmane Sonko, son homologue malien Choguel Maïga a osé qualifier le Sénégal de «démocratie théorique». Dans une démocratie théorique, on ne perd pas le pouvoir par les urnes, comme cela se passe souvent chez nous où l’alternance est devenue la respiration de notre démocratie et une banalité politique. Dans une démocratie théorique, l’élection est un simple mécanisme de légalisation du pouvoir (Corée du Nord) et pas de remise en jeu du pouvoir (Sénégal, Etats-Unis, France, Bénin, Ghana). Ni les extravagances de Choguel Maïga ni le silence coupable de Sonko ne sont des surprises pour moi. L’essence du patriotisme est de se dire mon pays d’abord, le fameux «right or wrong, my country». Donc un patriote, au sens vrai du terme, ne peut accepter qu’on dénigre, qu’on salisse son pays de façon aussi injuste et fausse. Le silence de Sonko confirme ou son manque de courage ou ses convictions profondes, témoignant ainsi de son projet de négation du Sénégal et de ses valeurs. Et comme son ami Choguel, il regrette que l’insurrection n’ait pas réussi pour que le Sénégal perde son statut d’exception qui hante certains, comme son ami et homologue malien.
Heureusement pour le Sénégal, que les Forces de défense et de sécurité ont vaincu l’insurrection, sauvé la République et poussé ainsi nos frères égarés de Pastef à retrouver le chemin de l’opposition légale. Le seul chemin qui, chez nous, permet d’accéder au pouvoir. Au Mali, l’Armée intervient souvent pour arbitrer des conflits politiques, ce qui est le contraire chez nous. C’est pourquoi le Sénégal n’a jamais connu de rupture anticonstitutionnelle, alors que «suspendre la Constitution» est devenu la mode dans la sous-région. Un Premier ministre véritablement patriote aurait invité Choguel Maïga à balayer devant sa propre porte. C’est insulter le Sénégal que de cautionner que Choguel Maïga nous donne des leçons de démocratie. Le Sénégal préfère les alternances démocratiques aux coups d’Etat. On n’a pas à culpabiliser parce que notre vieille démocratie fonctionne. En 2022, le Sénégal a organisé trois élections suivies d’une autre en 2024 qui se sont soldées par une multitude d’alternances, alors que le Mali a connu deux coups d’Etat en six mois et les élections n’y sont pas organisées depuis 10 ans. On voit nettement où se trouve la démocratie théorique. Le discours souverainiste et panafricaniste de Choguel Maïga et de ses acolytes n’est que du vernis idéologique pour légitimer la forfaiture des coups d’Etat.
Nous sommes tous des panafricanistes, mais nous préférons le panafricanisme démocratique à celui des putschistes. Jamais une aussi belle cause n’a eu des avocats aussi illégitimes. Le discours sur le souverainisme et le panafricanisme n’est que de la poudre aux yeux pour masquer la forfaiture des coups d’Etat et pour les activistes, un «soutien mercenaire» à la Russie. Le souverainisme ne saurait être un simple changement de maître blanc ou passer de supplétif français à supplétif russe, ou reprocher à Macron de ne pas s’être ingéré dans la crise politique au Sénégal comme l’a fait le Premier ministre Sonko en recevant Mélenchon. Le souverainisme commence par la souveraineté du peuple, et au Mali, elle est confisquée par une junte qui renvoie les élections aux calendes grecques. Le Mali a été une grande démocratie, et comme la Gambie, elle va retrouver ses réflexes et mécanismes normaux de démocratie dès que le virus kaki sera balayé par la vague démocratique qui s’annonce et qui emportera des dinosaures politiques comme Choguel dans les poubelles de l’histoire. Sonko, lui, au moins, est légitime parce que son parti a été élu démocratiquement, alors que Choguel Maïga est un passager clandestin qui pense instrumentaliser les militaires alors qu’il ne pèse rien politiquement et démocratiquement, si ce n’est servir de faire-valoir politique et idéologique. Le réveil a toujours été brutal pour les hommes politiques qui ont pensé utiliser les militaires comme voiture bélier sur le plan politique. Le Sénégal est viscéralement lié au Mali, mais nos régimes sont différents. Notre devoir est d’aider le Mali à retrouver sa démocratie, non de se lancer dans des compromissions comme le fait notre Premier ministre pour plaire aux activistes panafricanistes.
Monsieur le Premier ministre, avoir le sens de l’histoire, c’est comprendre que le printemps des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest ne peut être qu’un intermède militaire en attendant la vague démocratique. C’est le Sénégal, avec ses alternances démocratiques et sa marche vers l’émergence, qui est dans le sens de l’Histoire. Dites-le à votre ami Choguel. Le retour à la démocratie est la seule voie de salut pour le grand peuple du Mali que les putschistes tirent vers le bas, alors que ce pays était dans l’avant-garde démocratique et historique. Le Sénégal restera dans l’avant-garde malgré la fascination de notre Premier ministre pour l’arrière-garde putschiste, alors que les élites et les peuples de ces pays sont fascinés par l’avant-garde démocratique sénégalaise qui bat en brèche les thèses fallacieuses des putschistes. La preuve en est que d’alternance en alternance, le Sénégal marche vers l’Emergence, alors que le Mali va de transition en transition et de recommencement en recommencement. Choguel Maïga a au moins compris que notre Premier ministre est tellement narcissique qu’il préfère qu’on dénigre le Sénégal aussi longtemps qu’on joue des notes de kora politiques à sa gloire personnelle.