RAMADAN D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - C’est bizarre cette façon de montrer que nous Sénégalais sommes plus musulmans que tous, au lieu de l’être … tout simplement. Jeune, le jeûne ne m’est jamais apparu comme quelque chose imposée de façon si visible à tous
Jour 57
#SilenceDuTemps - Vous ai-je déjà dit combien j’apprécie les retours de chroniques, les conseils, les critiques … Je m’en nourris.
Certains retours sont de véritables « morceaux choisis », des chroniques dans la chronique, ne devrais-je pas les monter bout à bout … j’en tirerai sûrement un bon parti.
Vous pensez que je suis en train de « m’économiser », en vous incitant à faire la chronique à ma place ou en partie, vous poussant à me fournir des angles d’attaque inconsciemment ou pas, c’est un peu comme ça que cela se passe.
Que disait encore le poète-président ? « Le donner et le recevoir ». Nous y voilà !
C’est si beau dans ce monde de repli, d’exclusion, de profit, d’égoïsme …
Mais revenons à une des sources de mes chroniques, ah ! ces mangues en ont fait saliver plus d’un, Charles de Praia évidemment prêt à me soudoyer avec une bouteille de Punch, c’est tentant. D’autres, intéressés par la photo annoncée et pas vu. Oui c’est mon « truc », mettre le lecteur en appétit.
Pour le moment, le lobby sans photo est fort et l’emporte sur les autres qui veulent voir, limite … toucher.
J’aime bien laisser dans le questionnement, dans le doute, chacun peut se faire le film qu’il veut, c’est plus sympa ainsi.
Une des toutes premières chroniques, la première je crois dans laquelle je parlais du ménage, de sa difficulté et … de ma chaise anglaise récurée et sans donner la suite de l’affaire, Madeleine de Paris me demande « alors la chaise ? …, parce que moi je me disais que tu avais si bien frottée que tu l’avais cassée ! » Lol, ce n’était pas du tout ça mais j’ai bien aimé.
La chronique sur le parcours du patrimoine aura plu et fait dire de si belles choses autour de cette conscience du patrimoine, son appropriation, « …traverser l’espace public sans le voir… »
L’Éthiopie, ah l’Éthiopie ! Un moment de famille et d’amis partagé, des souvenirs parsemés de beaucoup d’amour, à rendre jaloux ceux qui n’ont pas trouvé l’opportunité d’y aller chercher tous les non-dits de ceux qui connaissent et leur fait dire « j’imagine que vous vous laissez emporter par la tendresse contenue dans ces chroniques…univers aimant, curieux, ouvert sur la beauté du monde … »
D’autres encore sont prêts à sauter dans le premier avion pour venir faire ces balades, et regarder autrement ce Dakar-là, qui se retrouve dans les mêmes lieux visités çà et là dans ce monde. Ils sont plongés dans la salle obscure à l’évocation de films et de toute ma passion pour le cinéma ou encore certains que j’arrive à mettre en appétit à l’évocation de mon festival sur le poisson …
Et puis il y a les rêves-projets des chroniques qui sont « soutenus, encouragés … » comme le cadre de vie meilleure avec en prime le vélo dans Dakar ou encore vivre à la Somone …
Et toujours ceux qui appellent, ça va plus vite et c’est plus direct pour dire les choses qui portent !
Je vous adore.
Et comme le rappelle Adeye Ababa « il est venu le temps des cerises… »
Jour 58
Nous fêtons la Korité cette fin de semaine, Korité C. Lorsque la semaine dernière le président s’est adressé à la Nation, nous avions compris que « otage » d’une certaine population, il avait dans son viseur le ballet des Sénégalais qui vont et viennent ces jours de grandes fêtes, de Dakar et des autres grandes villes vers leurs villages ou villes moins importantes que leur lieu de vie, vers leurs lieux de reconnaissance, d’origine. Nous l’avions compris ainsi, les libérer pour la fête !
Hier, par un rétropédalage de cascadeur, le ministre de l’Intérieur est monté au créneau pour dire le contraire : « restez chez vous ! », célèbre invite depuis C.
Que s’est-il passé ? Se sont-ils rendu compte qu’il y avait un risque avec cette grande « ouverture » vers les zones moins contaminées ? Se sont-ils rendus compte que malgré tout, les gens sont responsables et ne se lancent pas aussi facilement dans la gueule du loup ?
C’est bizarre cette façon de montrer que nous Sénégalais nous sommes plus musulmans que tous, au lieu de l’être … tout simplement !
Pendant le Ramadan, il fait bon de montrer que l’on jeûne, on interpelle le voisin « yan’ngui si koor ou yan’ngui si weer » (as-tu jeuné ou … coupé ?). Mosquées pleines à craquer les vendredis du mois et surtout le dernier d’avant la fête ! Cette foule incroyable durant la prière du Nafila …
Et puis il y a, moins maintenant d’ailleurs, dans la rue, le regard désapprobateur du jeûneur sur … le fumeur, ou sur celui qui ose manger en pleine rue !
Jeune, le Ramadan ne m’est jamais apparu comme quelque chose imposée de façon si visible à tous. Je ne me souviens pas d’avoir senti de regard et encore moins de mots sur mon comportement qui aurait pu être « hors norme », ni même entendu relaté des faits similaires.
Ce qui a vraiment changé, ce sont les crachats, qui trop nombreux avant sont aujourd’hui un peu plus confidentiels, même s’ils existent encore.
Bref, le Ramadan était plutôt un moment intéressant car nous allions couper chez des copains qui, faisant semblant ou pas de jeûner nous invitaient à partager un bon repas mais pas du tout ces grandes fiestas d’aujourd’hui.
J’ose le dire, c’était un bon moment et paraît-il que le Ramadan C. aussi puisque les pesanteurs sociales réduites, et donc la Korité C. …
Étudiante, je décide d’aller passer les vacances en Algérie chez mon amie Djamila : « surtout ne viens pas maintenant c’est le Ramadan » ! Assez perplexe, je lui réponds « mais je sais ce que c’est Djamila, je suis quand même sénégalaise. » « Alors, si tu insistes … ! Et surtout viens avec de la charcuterie, ça nous manque drôlement… »
C’était en 1974. Me voilà débarquée à Alger pour un mois de vacances, avec mon amie Danièle, bonne française blonde aux yeux verts, accompagnée de son petit copain de l’époque. Dès l’aéroport d’Alger, premier choc : « tu ne remarques rien Danièle ? ». Il n’y avait que des hommes, les yeux rivés sur la blonde et la négresse.
Mon amie habitait dans le quartier résidentiel d’Alger, et la maison immense résidence sur trois niveaux, avec deux entrées à des niveaux différents, ouvrant sur des rues parallèles. Alger, très belle ville est construite sur une colline, avec un très beau quartier résidentiel qui sentait bon le jasmin, avec des demeures de rêve, d’architecture mi occidentale – mi-orientale et ses fameuses terrasses où il fait bon vivre, qui ont joué mais surtout dans la Médina un rôle prépondérant dans la bataille d’Alger aux dépens des militaires français.
La charcuterie arrivée à bon port et placée à l’abri du regard indiscret, c’est-à-dire de maman, tantes et petit frère trop bavard ! Bien accueillie me voilà voulant faire un programme de voyage dans le pays, j’en rêvais tant !
Mes amies étant Kabyle, il me fallait aller vers là-bas. Elles m’en avaient parlé avec un si grand intérêt « tu n’y penses pas aller chez la grand-mère pendant le Ramadan …, no way ! » Ça commence bien …
Nous n’avons pas été très loin dans le pays mais les petits voyages pas très éloignés d’Alger m’ont conquis et interpellé. En même temps, défilait devant moi la Provence française. Du pareil au même, juste peuplée d’Algériens. C’était un mois d’août, les plages bondées d’Algériens en famille.
Je comprends, enfin façon de parler …, la douleur des Français chassés de leurs terres. Ils l’avaient reproduite à l’identique, les paysages s’y prêtant à merveille.
Je faisais tous les matins ma visite chez le boulanger pâtissier du coin question de permettre à mes amies qui feignant de jeûner, de tenir jusqu’ à la coupure.
Nous allions souvent visiter la Médina, moment que j’adorais. Trop belle, nous y allions assez tard, en fin d’après-midi, question de ne pas croiser trop de monde mais ça ne manquait pas. Systématiquement certains hommes sur notre passage s’étonnaient que des femmes soient dehors à pareille heure alors qu’elles devraient être au fourneau... et ils nous insultaient …
Le soir après la coupure, nous sortions, les rues étaient noires de monde, les terrasses de café bondées aussi et toujours étions-nous accompagnées du frère, du beau-frère… Ma carte d’identité était le « sésame » pour pouvoir consommer de l’alcool.
Je n’ai jamais regretté ce voyage et j’imagine avec du recul combien j’ai dû les embarrasser mes amies mais elles ont joué le jeu et m’ont mis tous les jours devant la réalité algérienne. Rien à voir avec ce que j’imaginais et surtout aucune comparaison avec mon Dakar natal.
Je ne saurais dire ce qu’il en est aujourd’hui. Peut-être qu’un jour j’irai voir cette Kabylie tant chantée par les érudits …, et le Sud de l’Algérie aussi proche de nous ?
Et qu’est-ce qu’on est bien à Dakar, et au Sénégal !
Jour 59
« Ah mais c’est tôt aujourd’hui ! » ou encore « tu es en avance ? » ou encore … Comprenez à propos de la J 58, envoyée à 18 heures et quelques de Dakar. Comme quoi tout est possible. Je me suis installée dans l’après-midi à mon poste de travail et j’ai déroulé en plein jour contrairement à mes habitudes du soir qui me paraissait pourtant être un climat propice à l’écriture. Je m’en suis persuadée et parfois jonglant avec le temps, vous l’imposant à quelques minutes de la 24ème heure, comme aimait à écrire ce journaliste de « Dakar Matin », notre quotidien qui est devenu « Le Soleil ».
Je n’ai donc pas d’habitude, je ne suis pas à me satisfaire de … l’habitude. J’aime les changements, j’aime surprendre, j’aime dérouter, « ne pas savoir par quel bout me prendre ». Mon ami Jean-Charles aime à dire « qui s’y frotte s’y pique … » lui-même, il sait. Demandez à papi Viou, il vous dira aussi …, il en perd même son latin, que dis-je … son mandingue ! Et je ne vais pas changer à mon âge, au contraire je me délecte de la situation.
Je ne sais pourquoi j’ai placé le déconfinement des « Sunùgalais » au 2 juin , date donnée pour la reprise des classes d’examen. En fait, aucune date de levée du couvre-feu encore, sûrement viendra-t-elle avant le 2 juin pour permettre à ceux concernés par le 2 juin d’y arriver. La semaine prochaine sera donc décisive, j’ai besoin de savoir, question de déclencher le start-up de mon compte à rebours. L’ami vadrouilleur Ma’dou a souligné la « persévérance » de mes chroniques, il ne se doute pas que je scrute … l’horizon porteur de la bonne nouvelle, je l’espère proche cette fin, j’ai tant soif de l’après C.
Les « Vadrouilleurs » se sont déchaînés aujourd’hui online, cette bande de potes qui ne se prend pas du tout au sérieux, d’où son surnom. D’ailleurs, ils se sont appelés d’abord « il y a toujours » puis « il y a longtemps ». Entendez par là une bande de petits vieux qui se connaissent depuis même …, qui sont devenus « les vadrouilleurs » parce que, étant souvent par monts et par vaux, toujours pour de brèves absences de leur pays tant chéri. Pas fous !
Puis « vadrouilleurs oukhou », la sagesse nous faisant dire « oukhou » même si on n’en pense mot, surtout face aux questions embarrassantes de la plus coquine appelée « Tiaat », apparemment plus jeune que tous mais alors …, sûrement un jugement sup celle-là ! Aujourd’hui elle est allée débusquer de derrière je ne sais quel boisseau un des « vadrouilleurs confinés » comme nous nous sommes tout naturellement rebaptisés, et l’a pris en photo. Barbe et moustache de plusieurs jours, blanches bien sûr, faisant dire à une mauvaise langue du groupe » mais je ne savais pas que tu avais un grand frère, en voyant la photo » !
Et pour ne pas être piégé par la « tiaat’ » qui avait déjà préparé crème à raser et rasoir, Ma’dou s’est empressé de tout raser, barbe et moustache et d’envoyer une photo, just in case ! Il nous a alléché aussi avec la recette de cuisine qu’il était en train de faire. Je ne doute pas qu’elle sera goûteuse comme à l’accoutumée, c’est un fin cuistot et surtout fin gourmet
Et puis il y a celle qui, grand-mère de tant de petits enfants refuse de franchir le pas, et nous impose le Tata Tiatiaka qui lui va si bien malgré tout.
Pourtant aujourd’hui c’était comme férié pour les « vadrouilleurs C. », très peu de messages ont circulé, sûrement parce que Mami’Do, la plus prolixe rêvant de son long week-end, s’est planquée dans un coin de sa maison. Quand « on » se déchaîne, je peux vous assurer que rester 1 heure sans se connecter coûte cher … des dizaines de sms à rattraper …
Ils vont trop vite « les vadrouilleurs » !
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle administratrice.
Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS
Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE
Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID
Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID
Épisode 5 : SOUVENIRS DES INDÉPENDANCES
Épisode 6 : LES CONSÉQUENCES INATTENDUES DU COVID
Épisode 8 : POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE
Épisode 10 : DEVOIR DE TRANSPARENCE
Épisode 12 : DAKAR ET LA RAOULTMANIA
Épisode 13 : UN TEMPS SUSPENDU
Épisode 14 : BELLE RENTRÉE
Épisode 15 : LA PROMENADE DU DIMANCHE
Épisode 16 : BEER LA GLORIEUSE
Épisode 17 : LE COVID, UN AVERTISSEMENT
Épisode 18 : ANGOISSE CONTINUE
Épisode 19 : DAKAR EN PERDITION
Épisode 20 : BOB MARLEY, L'IMMORTEL