REQUIEM POUR LA GAUCHE SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS - Que c’est triste, cette gauche caviardisée, que ni les excès de pouvoir, les reniements, les violences institutionnelles n’émeuvent plus - Qu’elle est triste la gauche sénégalaise
Que reste-t-il de la gauche sénégalaise ? Rien que des traces ! Et elles n’ont même plus rien d’indélébile, assurément. C’est avec beaucoup de tristesse et d’amertume que les Sénégalais nourris de ce culte d’égalité des chances, de justice sociale, de solidarité, d’indépendance, et tant d’autres valeurs collectives et régénératrices, assistent à la disparition de la gauche, dans sa grande diversité.
Les Sénégalais, et au-delà, les intellectuels africains chez qui, ce combat pour l’égalité avait trouvé un écho très fort, il y a guère longtemps, se sentent orphelins d’un père disparu des horizons. Les valeurs de gauche ne sont pas incarnées au Sénégal. Triste perspective à l’heure où, les substrats essentiels et valorisants de notre société sombrent dans l’évanescence.
Dans un passé encore récent, cette génération d’hommes et femmes avait servi de rempart contre toutes les formes d’excès des pouvoirs libéraux. Même si, en bien des séquences de notre histoire politique de ces dernières années, ils en ont été les complices, les Sénégalais avaient su pardonner ces errements dans les prairies libérales. Ils avaient sans doute compris que le combat idéologique devait s’accompagner de la compétence managériale et de l’expérience gouvernementale. De l’expertise en somme !
L’apport que les ministres de la LD/MPT, du PIt et d’AJ ont fourni dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisation, des affaires sociales, de l’environnement, l’hydraulique, l’assainissement, l’urbanisation, a fini de prouver à suffisance, que cette expérience dans la gestion des affaires nationales valait bien la peine d’être vécue.
Les difficultés de cohabitation nées des délitements éthiques des gouvernements socialistes et libéraux, les avaient emmenés à s’insurger contre ces dérapages. Et conséquemment à quitter le pouvoir, pour retrouver la Rue Publique. Ces forces, malgré leur divergences idéologiques et sans doute d’égo, ont accompagné les mouvements syndicaux et la société civile, les changements de régime, si elles n’en ont pas été la véritable force d’impulsion.
En 2000, si la LD le PIT, And Jëf, et les autres forces progressistes et démocratiques, n’avaient pas ramené Wade au bercail, probablement que le régime socialiste serait encore au pouvoir. Le patriarche sopiste avait posé l’arme au pied, financièrement ruiné et politiquement assommé par des revers électoraux successifs, essentiellement causés par des fraudes massives et compulsives.
La suite on la connaît, la mayonnaise de coalition hybride gauche-libéraux n’a pas pris. Les retentissants clashes et le désamour entre Wade et ses alliés de gauche sont à inscrire dans le crédit de la gauche. Incapable de se regrouper et de tirer un trait sur leurs attachements idéologiques dépassés, condamnés à s’arrimer aux coalitions contre-nature, érodés par un essoufflement militant et un faible niveau d’engagement, victimes de querelles byzantines, mues par le partage du gâteau et des positions de pouvoirs les partis de gauche, sont allés à Canossa, s’abreuver au puits et manger au râtelier du pouvoir.
Dans l’opposition, croyant les Sénégalais amnésiques, ils se contentent de hurler avec les loups et après avoir partagé leur abjecte gestion des années 2000 à 2012. Que vaut aujourd’hui, l’indignation d’un homme de gauche qui a cautionné hier les ahurissants délitements des Wade ?
En contrepartie, ils ont rangé leur ardeur et leur foi en la nécessité d’apporter les changements structurels attendus. Enfouis dans les abîmes des pouvoirs libéraux, ils ont volé en éclats, se sont effilochés, et ont tenté par des discours creux et éculés de continuer d’exister pour eux-mêmes.
Les épiques épisodes qui ont marqué la vie de And Jëf, la LD et dans une moindre mesure, le, PIT ne consternent plus personne. L’odeur de la charogne, ne les empeste même plus. Il faut, à leurs yeux tirer le maximum de fruits et d’usufruits dans les postes : ministres, DG, conseils d’administrations, conseillers, ministres-conseillers et autres postures factices, véritables mangeoires. Les valeurs de gauche, aux oubliettes. L’éthique, à la poubelle, les envolées idéologiques, dans les tiroirs.
La promiscuité aidant, ils ont fini par adopter le vocabulaire ambiant et le verbatim de l’enjôlement, signe distinctif de la soumission au bienfaiteur.
Dans les débats médiatiques où ils sont envoyés comme des avocats du diable pour défendre l’indéfendable, ils se distinguent par leur zèle avec une incroyable maladresse. Drapés dans des costumes huilés et des boubous scintillants, rasés de frais, l’embonpoint prééminent, ils brillent par leurs arguties hors-sol. Peu préparés à comprendre l’économie de marché, repus d’idéologies surannées, engloutis dans les méandres de la mondialisation, ces trophées de guerre apparaissent bien comme de simples faire-valoir de qui on attend qu’une seule chose : qu’ils ne se servent de leur capacité de nuisance.
Que c’est triste, cette gauche caviardisée, que ni les excès de pouvoir, les reniements, les violences institutionnelles n’émeuvent plus. Qu’elle est triste la gauche sénégalaise.... Ou ce qu’il en reste !