SORTIE DE ROUTE ET DERAPAGES CONTROLES, MODE D’EMPLOI…
Que se passe-t-il donc vraiment dans les coulisses de la République ces derniers mois pour que l’on en arrive à ravaler jusqu’à des vomis qui datent de 2014 ?
Il y a quelque chose de définitivement pitoyable et lassant d’assister à un navet au scénario insipide et aux acteurs sans panache. Que se passe-t-il donc vraiment dans les coulisses de la République ces derniers mois pour que l’on en arrive à ravaler jusqu’à des vomis qui datent de 2014 ?
Le régime qui finit, à ses débuts, sous le prétexte de traquer des biens mal acquis, jette en prison Karim Wade sous les accusations d’enrichissement illicite au détriment de nos maigres ressources nationales ; dix ans après, ce même régime, donc, bloque la respiration démocratique de toute la République pour permettre au, euh…, condamné, d’aspirer à ses plus nobles fonctions. La corde des accusations de corruption envers le Conseil constitutionnel est bien trop sordide : c’est une squelettique minorité parlementaire, dans un pays où la majorité mécanique dicte sa loi depuis les indépendances, qui sonne l’assaut.
Cherchez l’erreur…
Et le chef de l’Etat, avec un empressement trop zélé pour être désintéressé, de conforter les doutes. D’ailleurs, prétend-il, ce n’est pas le seul accroc…
L’occupant du Palais tient à écouter avec beaucoup trop de compassion pour être sincère, les jérémiades d’une quarantaine de candidats fantaisistes recalés venus pleurnicher sous ses fenêtres… Les informaticiens du Conseil constitutionnel (décidément, encore lui !) auraient traficoté leurs clés Usb et fait disparaître des milliers de parrains d’un claquement de doigts.
Pour un peu, on parlerait de magie noire…
Et puis, preuve à l’appui, ne voilà-t-il pas que l’on apprend que la docteure Rose Wardini est française. Crime abominable pour cette originaire de Latmingué, qui passe pour l’une des pasionarias de la lutte locale contre le cancer du sein, dont la sœur est la dernière maire sortante de Dakar, et le frère, officier de l’Armée nationale. Une traîtresse en puissance dont le cas prouve à quel point les soupçons qui pèsent sur le Conseil constitutionnel sont fondés.
Citoyens racistes, on se calme !
Dilemme «mackyavélique» : Amadou Ba, le Premier ministre en fonction, de surcroît candidat de la coalition présidentielle à la prochaine élection, serait le présumé corrupteur. C’est clair, après l’arrêt brutal du processus électoral, la prochaine étape est que sa tête, déjà sur le billot dès sa nomination à la Primature, roule sur le sol, et son hémoglobine gicle partout.
Ben non. Tout va bien. Le Président Macky Sall et le Premier ministre Amadou Ba se font même des mamours en public et posent côte-à-côte, avec un costume de couleur identique, main dans la main, en souriant jaune.
Snif. C’est si touchant. Sortez les mouchoirs. Bon, certes, chez les esprits chagrins, ça relève de temps à autre quelques p’tits signes de mauvaise humeur présidentielle à mettre sur le compte de l’approche des adieux poignants avec les lambris du Palais.
Par exemple, à quelques occasions officielles, Macky Sall ne salue pas très chaleureusement Amadou Ba en public. Et puis, il y a quelques conseils de ministres que le Pm rate par hasard, tandis que quelques-uns des ministres se fendent impunément de déclarations au vitriol avec comme une bénédiction des officines du Palais.
Amadou Ba n’est pas le seul à essuyer ses foudres, rassurez-vous : Macky Sall devient cassant, pour ne pas dire hautain en public.
On peut comprendre son humeur maussade et ses pincements au cœur. Ça vous plombe le moral, rien qu’à penser devoir voyager le reste de son existence dans de vulgaires vols commerciaux durant lesquels le risque est probable de côtoyer la racaille des aéroports, tout comme la canaille de la classe affaires. Ou même, s’imaginer coincé trente minutes dans les embouteillages parce que le nouvel occupant du Palais fait jalonner les grands boulevards pour ne croiser personne. On vous passerait volontiers la forêt des factures que l’on perd l’habitude d’honorer : l’eau, l’électricité, le téléphone, le carburant…
Pire : le fisc risque de frapper à votre porte parce que vous êtes manifestement en mesure de payer des impôts plus que les autres et que le Trésor public a des obligations de résultats.
Détrompez-vous, c’est arrivé à Senghor. La question s’est posée en Conseil des ministres et le chef de l’Etat d’alors, Abdou Diouf, s’en est remis à son Premier ministre, Habib Thiam, qui décréta que l’ancien Président Senghor était un citoyen ordinaire, et qu’il fallait laisser faire le fisc. Il faudra que le ministre des Finances, Famara Sagna, s’y oppose pour que l’honneur de la République soit sauf.
Je ne sais pas comment le Abdou Diouf d’aujourd’hui prendrait une descente du fisc pour fouiller ses biens et finances…
Que dire du silence glaçant dans l’auguste demeure du futur ex-couple présidentiel, après le départ des flagorneurs dont la faune infidèle sera repartie vers d’autres horizons, après avoir raclé les fonds de marmite des ultimes festins et emporté les dernières économies ?
Il y en a qui dépriment pour moins que ça.
Et puis, il y a cette noria de courtisans devenus paranoïaques à l’idée qu’un nouveau maître du pays pourrait se mettre à fouiller jusque dans leurs caleçons pour y débusquer des traces de deniers publics qui n’y auraient pas leur place légitime. Ce ne serait pas la première fois : la preuve par… Karim Wade ?
Si ce n’était que ça…
Entre mars 2021 et juin 2023, rien ne nous est épargné : jusqu’au meurtre de deux gamines, des enfants de gens de peu, brûlées vives dans un bus, après un attentat au cocktail Molotov.
Pour la p’tite histoire, la recette de cette alchimie incendiaire nous est arrivée en 1968, au plus fort de la contestation estudiantine, via la fratrie Blondin Diop. Le mythique Oumar, qui menait la révolution depuis Paris, l’aurait communiquée à ses frères pour soutenir la résistance indigène à Dakar.
Les voies du transfert de technologie sont insondables.
Il y aura bien d’autres dégâts : des morts par balles, des blessés, des biens saccagés. Tout ça parce que Monsieur le (futur) président de la République Ousmane Sonko, Pros pour ses inconditionnels, en plein couvre-feu entre la fin 2020 et le début 2021, ne trouve pas assez de forces morales pour se passer des massages de Madame Adji Sarr.
Piqûre de rappel : Madame Sonko, première du nom, est kinésithérapeute. A moins que, raison d’Etat oblige, elle ne brûle son diplôme.
La Justice, dans son immense sagesse, après des journées nationales mouvementées, accordera au Pros une liberté provisoire, en dépit des profanations de sa dignité : les juges chargés de la scabreuse affaire seront qualifiés de «petits». Comprenez minables et surtout corrompus. Bien entendu, les Forces de défense et de sécurité, avec les milices complices, sont au passage accusées des pires crimes.
Les explications du ministre de l’Intérieur, devant le sombre tableau que présente la scène publique, évoquant des «forces occultes», en rajoutent à l’obscurantisme ambiant.
La raison d’Etat fait ricaner dans l’opinion, lorsque Ousmane Sonko est pris sur la route de Koungheul, après avoir défié toute la République et ses institutions, et ses menaces de déloger de son Palais le président de la République avec l’aide de deux cent mille jeunes.
Si Macky Sall freine le processus électoral, convoque un dialogue national pour réintégrer Karim Wade et Ousmane Sonko dans la course à la Présidentielle, c’est parce qu’il doit croire éperdument à l’amnésie nationale…
Récapitulons : alors que le Conseil constitutionnel désigne vingt candidats pour la Présidentielle, Macky Sall préfère recevoir quarante recalés.
En réalité, le chef de l’Etat, qui doit se dévêtir de sa panoplie politicienne depuis qu’il a renoncé à sa candidature pour 2024, est revenu dans les manigances «mackyavéliques».
Ce doit être plus fort que lui…
Macky Sall manœuvre tant et si bien que le processus électoral coince. La désapprobation internationale lui fait perdre son habituelle assurance. Il semble même paniquer. Il n’empêche qu’il engage comme une fuite en avant : de conférence de presse en dialogue national, le scénario manifestement improvisé et le casting surréaliste font peine à voir.
Ce qu’on en retient : la volonté de faire des présidentiables Karim Wade, le résident du Qatar coupable aux yeux de la Justice sénégalaise des pires crimes économiques de notre histoire, et Ousmane Sonko, sur lequel pèsent les plus monstrueux chefs d’accusation au détriment de la République…
Un jour, si Karim Wade et Ousmane Sonko deviennent d’irréprochables présidentiables, il faudra bien que l’on nous explique : Macky Sall serait-il le seul coupable de tout ce qui nous arrive depuis douze interminables années ?
A la rescousse, pour plaider sa cause, des hasbeen : les anciens présidents Wade et Diouf se fendent d’une bafouille pour donner d’indécentes leçons de vertu, tandis que les rentiers de la flagornerie se précipitent à chacun de ses claquements de doigts… On y trouve de tout : du politicard à la petite semaine, de l’affairiste infructueux, du rentier de la tension, du vendeur d’hallucinations, de l’artiste méconnu.
Ce spectacle est si affligeant.