TOUS FRÈRES ET SŒURS
On n’a pas qualité de théologien pour parler du voile. Dans les propos qui vont suivre, un voile de pudeur sera mis pour ne choquer personne. Après le concours général, il est étonnant de voir se tenir un concours de quiproquos.
On n’a pas qualité de théologien pour parler du voile. Dans les propos qui vont suivre, un voile de pudeur sera mis pour ne choquer personne. Après le concours général, il est étonnant de voir se tenir un concours de quiproquos. La tournure prise par le débat sur le voile est déplaisante. Mais c’est normal. La société doit être traversée de sujets difficiles. Ils méritent comme les autres d’être abordés sans les différer. Une bonne fois pour toutes, il faut en faire un traitement responsable et sans emportement. Dans ce pays de tolérance qui a déclaré la haine non conforme à son génie, il est fort à parier que des explications et des solutions fraternelles seront trouvées. En levant le voile sur le sujet, le Premier ministre ne cherchait certainement pas à soulever la polémique. Le ton utilisé pour en parler est apparu toutefois sec et inapproprié. On ne laisse ni ouverture ni issue quand on apostrophe ceux qui se sentent visés par le message. Ces derniers sont susceptibles de se refermer ou de se renfrogner. Comment éviter de passer pour un éternel incompris ? Comment faire pour ne pas être amené à se justifier tout le temps ? Il faut préparer sans improviser. Rien ne doit être laissé au hasard dans la communication moderne. Les éléments de langage sont minutieusement préparés par des sherpas qui ont des idées et le sens de la formule. Ce faisant, aucun mot ne sera perçu comme un préjugé. Évidemment, il est permis de trébucher et de se tromper. C’est le sel de la vie. La perfection n’est pas de ce monde.
La bonne communication apaise la communauté
Seulement voilà, quand on est à ce niveau éminent de responsabilité, la parole qu’on prononce a presque force de loi. Dans la matière qui défraie la chronique par saison, la loi est explicite. Pas d’exclusion ni de rejet. Les points de règlement de l’éducation nationale ont poussé le détail jusqu’à mentionner les check down, les locks, le rouge à lèvre des élèves. Ne déplaçons pas le sujet pour en faire une querelle de clochers. Mais au commencement était le verbe. La bonne communication apaise la communauté, favorise la communion et limite les commentaires. La fougue non maîtrisée n’y aide pas. La réponse du berger à la bergère n’est pas non plus très utile à l’apaisement. On ne fait pas partie de ceux qui parlent d’outrance après la publication du prélat. Dans une société de croyants, l’abbé et l’imam ont une immunité naturelle. On les respecte et on les aime. On ne leur en tient pas rigueur outre mesure.
Jeter des ponts et non pas dresser des murs
Abbé André Latyr Ndiaye est un homme bon doté d’une vaste culture. Il a incarné à l’époque de la télé unique sur la chaîne publique «Le Jour du Seigneur». En cela, il a fait partie du décor de notre jeunesse. Sa réponse à la phrase du PM a la particularité d’avoir été bien écrite avec des références (Bismarck, Nabuchodonosor) et une allusion à Balthazar. Mais la valeur des écrits est édulcorée par leur caractère caustique qui a surpris plus d’un. Le catholicisme est une religion de l’amour comme les autres religions. Toutes les religions qui croient à la transcendance sont magnifiques. Les gens du Livre sont appelés à faire de l’altitude plus que les autres. C’est la Bible qui enseigne d’aimer son prochain comme soi-même. C’est Jésus Christ de Nazareth, le premier né d’entre les morts, qui a dit de tendre l’autre joue si on vous frappe à la joue droite. Cela ne signifie pas ne pas se défendre mais se montrer bienveillant. La dernière encyclique du Pape François s’intitule fratelli tutti, tous frères et sœurs. Quant à l’Islam, sa première acception est la paix avant de signifier soumission. C’est le Prophète Mahomet (PSL) qui a aboli en ce monde le vae victis des temps anciens, malheur aux vaincus. Il faut jeter des ponts et non pas dresser des murs. On a besoin d’être rassemblés.
Il n’y a pas 95% de musulmans et 5% de chrétiens…
Au Sénégal, catholiques et musulmans ne sont pas que des concitoyens. Ils sont les membres d’une même famille. Dans ce pays, il n’y a pas 95% de musulmans et 5% de chrétiens. Il y a 100% de Sénégalais. La diversité et la différence sont une richesse inestimable. Vouloir que tout soit pareil, semblable, uniforme et monolithique est un sectarisme qui abîme les civilisations. Des problèmes et des malentendus ne manqueront pas de surgir puisque le Sénégal n’est pas un cimetière. Après qu’on a abîmé tant de choses dans ce pays, comme la discipline, les comportements, l’éthique, voire les finances publiques parce qu’on parle d’un pays «en ruine», il faut préserver le sanctuaire de la fraternité. Bastion imprenable sur cette bonne terre. Chez les Sénégalais, respect et tolérance sont dans les molécules. C’est un art de vivre.