VARIOLE DU SINGE, LE POINT SUR LES VACCINS ET TRAITEMENTS ANTIVIRAUX
Si impressionnante qu’elle soit, avec sa fièvre et ses éruptions cutanées, la variole du singe (monkeypox) ne nécessite habituellement pas de traitement spécifique.
Si impressionnante qu’elle soit, avec sa fièvre et ses éruptions cutanées, la variole du singe (monkeypox) ne nécessite habituellement pas de traitement spécifique. Longue à guérir (plusieurs semaines), la maladie est toutefois généralement bénigne et la plupart des personnes infectées se rétablissent spontanément – hors complications (déshydratation, surinfections bactériennes…). Il existe toutefois des vaccins qui peuvent être utilisés pour contrôler les épidémies de monkeypox, et certains pays les utilisent déjà. Il existe également des traitements pour les personnes qui tombent gravement malades à cause du virus.
La variole du singe appartient au genre de virus Orthopoxvirus, tout comme celui de la variole (petite vérole, smallpox en anglais). Redoutable (300 millions de morts au XXe siècle, ndlr), la variole a été déclarée éradiquée en 1980 suite à une campagne de vaccination mondiale menée par l’OMS. S’il n’y a pas de vaccin spécifique contre le virus du monkeypox, grâce à ce que l’on appelle la protection croisée, les vaccins contre la variole fonctionnent aussi contre la variole du singe (comme avoir été malade du Covid suite à l’infection par un variant offre une protection, réelle mais dégradée, contre un autre variant, ndlr).
L’INTÉRÊT DES VACCINS CONTRE LA VARIOLE
Aujourd’hui, 42 ans après la libération du monde de la variole, de nombreux pays conservent des stocks de vaccins antivarioliques en cas d’urgence (dont la France, qui dispose de vaccins des trois générations, ndlr). Ils sont notamment utilisés pour protéger les travailleurs de laboratoires de recherche qui entrent accidentellement en contact avec des poxvirus (comme celui de la variole du singe ou de la vaccine – un poxvirus similaire à la variole mais moins dangereux). Ils sont également conservés en cas d’attaques terroristes qui pourraient utiliser la variole comme arme biologique.
Le vaccin antivariolique peut être efficace jusqu’à 85 % au maximum pour stopper l’infection par le virus de la variole du singe, s’il est administré avant exposition au virus. l existe deux types de vaccin antivariolique déjà utilisables, tous deux basés sur le virus de la vaccine : Le premier est un type de vaccin antivariolique ancien, qui contient le virus de la vaccine « vivant » cultivé en laboratoire (vaccin de seconde génération). Le principal vaccin de ce groupe est le ACAM2000, qui est autorisé aux Etats-Unis.
Bien qu’ACAM2000 ne puisse pas provoquer la variole, le virus qu’il contient peut se répliquer après l’administration du vaccin et se transmettre de la personne vaccinée à une personne non vaccinée qui entre en contact avec le site d’injection ou tout liquide qui s’en écoule, et ce jusqu’à 21 jours après. De par sa nature même, l’ACAM2000 peut également provoquer de nombreux effets secondaires. Il ne doit donc pas être administré aux groupes à risque, tels que les femmes enceintes ou allaitantes et les personnes dont le système immunitaire est affaibli (par exemple atteintes du VIH) – qui peuvent être très malades suite à l’injection.
Un autre vaccin est basé sur le virus de la vaccine « vivant » : l’Aventis Pasteur Smallpox Vaccine (APSV). Il n’est pas officiellement approuvé, mais peut être mis à disposition si les autres stocks sont épuisés (aux États-Unis). Le virus de la variole du singe appartient au même groupe que celui de la variole : les poxvirus. Ce qui permet une protection croisée en cas de vaccination contre la variole. Phanie/ Alamy Stock Photo Un nouveau type de vaccin antivariolique, de troisième génération, appelé Imvanex (ou Imvamune), contient lui aussi une forme vivante mais modifiée pour atténuer sa dangerosité du virus de la vaccine, appelée vaccinia Ankara.
L’Imvanex, fabriqué par la société de biotechnologie danoise Bavarian Nordic, a été autorisé dans l’Union européenne pour la prévention de la variole. Aux États-Unis, le vaccin porte le nom de marque Jynneos et est autorisé pour la prévention de la variole et de la variole du singe chez les adultes exposés. Jynneos a été utilisé au Royaume-Uni dans des cas antérieurs de monkeypox. Parce que les vaccins de Bavarian Nordic utilisent une forme modifiée du virus de la vaccine, ils sont considérés comme sûrs pour les personnes appartenant à des groupes à risque. Il faut généralement entre cinq et 21 jours pour qu’une personne en contact étroit avec une autre qui a été infectée par le virus présente des symptômes (et plus probablement sept à 14 jours) ; il est donc difficile de dire si l’administration du vaccin après exposition fournira une protection totale. Cependant, la recommandation des États-Unis et du Royaume-Uni est que, après évaluation du risque, les personnes exposées reçoivent une dose dès que possible, idéalement dans les quatre jours, mais jusqu’à 14 jours après. (En France, la surveillance est renforcée. La Haute autorité de santé « recommande la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive en post-exposition avec le vaccin de 3e génération uniquement […], administré idéalement dans les quatre jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard, ndlr)
QUAND UTILISER LES ANTIVIRAUX
Outre les vaccins, plusieurs médicaments pourraient être utilisés pour traiter la variole du singe ou limiter son impact. L’un d’eux est le tecovirimat (TPOXX), qui arrête la propagation de l’infection en interférant avec une protéine présente à la surface des Orthopoxvirus. Le Tecovirimat est approuvé aux ÉtatsUnis pour le traitement de la variole uniquement. Il a été testé sur des humains en bonne santé et s’est avéré capable de stopper le virus en laboratoire. Cependant, il n’a pas été testé sur des personnes atteintes de la variole ou d’autres Orthopoxvirus.
Néanmoins, en Europe, le tecovirimat a été autorisé pour traiter la variole, la variole du singe et la variole de la vache dans des circonstances exceptionnelles. Un autre antiviral potentiellement utilisable est le cidofovir, un médicament injectable autorisé au Royaume-Uni contre une grave infection virale de l’œil chez les individus atteints du Sida. Dans l’organisme, le cidofovir est transformé en un composé aux propriétés antivirales, le cidofovir diphosphate. Le cidofovir ayant stoppé la variole en laboratoire, il pourrait être autorisé en cas d’urgence lors d’épidémies de variole ou de variole du singe. Cependant, le cidofovir est un médicament assez puissant qui peut endommager les reins. Une meilleure alternative pourrait être le brincidofovir, un médicament très proche, qui a été approuvé aux États-Unis pour le traitement de la variole. Le brincidofovir (nom commercial Tembexa) est administré par voie orale et peut être prescrit à des personnes de tout âge. Sa conception permet de faire pénétrer la bonne quantité de médicament dans les cellules pour libérer le cidofovir, ce qui le rend moins dommageable pour les reins.
Le brincidofovir a été testé chez l’humain pour d’autres affections virales. Son autorisation d’utilisation dans le traitement de la variole aux États-Unis provient d’études de laboratoire montrant qu’il est efficace contre les Orthopoxvirus. Pour cette raison, il figure également sur la liste des médicaments potentiels pour le traitement de la variole du singe. Ce qui nous manque encore, donc, ce sont des données sur l’efficacité de ces trois antiviraux (cidofovir, brincidofovir et tecovitimat) dans le traitement des infections par le virus de la variole du singe chez l’être humain. Un article récent, publié dans The_Lancet_Infectious Diseases a étudié l’efficacité du brincidofovir (trois patients) et du tecovirimat (un patient) dans les cas de variole du singe entre 2018 et 2021 au Royaume-Uni. Les chercheurs ont rapporté une faible efficacité du brincidofovir et ont appelé à davantage d’études sur le tecovirimat dans l’infection humaine par le monkeypox. (D’où le lancement de cohortes d’évaluations internationales pour leur meilleure évaluation, ndir).
Professor of Social and Cognitive Pharmacy, University of Reading