VOYAGE INITIATIQUE À CEEYTU
Saa Dakaar Njool Faan l’avait prédit : « Ils parleront de Savoir, d’intemporalité, de diversité et de nombres »
Saa Dakaar Njool Faan l’avait prédit : « Ils parleront de Savoir, d’intemporalité, de diversité et de nombres ».
La nuit s’étendait sur Ceeytu. Sous le grand fromager, le feu, témoin des dialogues éternels, crépitait doucement, et ses braises douces et fraiches éclairaient le chemin des comblés qui s’en allaient, comme à chaque soir, interroger le monde. Le moment solennel de la rencontre d’outre-tombe était arrivé.
L’Afrique appelait ses voix, et le Savoir convoquait ses gardiens.
Le premier esprit prit la parole, une voix grave et vibrante comme le tonnerre lointain :
« Voyageur des nombres, te voici au carrefour des mémoires. Tu viens d’un monde où tout se mesure, où tout s’évalue, où l’on veut quantifier des réalités humaines. Ici, le Savoir n’est ni une donnée ni une possession ; il est une relation. Que cherches-tu donc à compter dans un lieu où même le vent porte des récits ? »
Il rajouta :
« Les nombres ne chantent pas, Ils ne pleurent pas. Ils ne relient pas. La parole, en revanche, fait vivre. Elle donne sens à l’existence. Voyageur, votre métrique universaliste isole l’homme. »
Troublé par le bruit lointain du galop des antilopes chevalines guidées par la lumière d’un jour naissant, le voyageur marqué par ces mots s’exclama, concis :
« Les nombres apportent aussi l’ordre. Ils permettent de planifier, de comprendre. »
La première voix reprit:
« L’ordre n’est pas un but, voyageur. Ce qui compte, c’est l’harmonie. Les nombres s’inscrivent dans le sacré. Ils rythment les cycles des récoltes, les danses des cérémonies, les proportions des masques. Mais ils ne dominent jamais la parole. Ce que vos nombres imposent, ce n’est pas l’ordre : c’est la fragmentation. Loin d’être neutre, ils instituent des hiérarchies et imposent des rationalités spécifiques. »
Dans la pudeur inspirée par la sagesse, le visiteur baissa la tête, en murmurant :
« Nos nombres nous servent à classer, et dominer par la force des algorithmes. »
Un vent léger traversa le feu, portant des mots invisibles. La première voix les traduisit :
« Vous êtes devenus esclaves de vos outils, voyageur. Souviens-toi que les nombres décrivent, mais ils ne créent pas. Ils comptent, mais ils ne relient pas. Ils disent le combien, mais ignorent le pourquoi. Reprends le chemin du Savoir, celui qui relie le chiffre à ce qui le dépasse. »
Le visiteur releva les yeux. Une lueur d’espoir brillait dans son regard, il rétorqua :
« L’ntelligence du chiffre peut être outil absolu, pour dompter l’incertitude et organiser l’avenir. N’est-ce pas le lien entre la mesure et le sens ? »
La réponse vint, claire et lumineuse comme l’éclair :
« Ce lien, voyageur, c’est le Savoir. Le symbolique n’est pas une alternative au chiffre ; il est son guide. C’est lui qui donne aux nombres leur juste place, au service de l’Homme. »
Un griot passait qui mendiait une parole. Il lui offrit ces quelques mots : le bonheur ne se compte pas, il se danse.
Il poursuivit, portant la gravité de générations entières: « Emprunte le chemin de la souveraineté des savoirs ; soit à l’écoute des mémoires dans une quête enracinée et universelle. Le Savoir véritable n’est ni pos session ni domination. Il est chemin, horizon, une lumière. Le Savoir commence là où l’arrogance du nombre s’arrête, et où le respect du Tout commence. Et c’est en liant le chiffre au symbole, que l’humanité toute entière peut espérer le toucher. »
Le visiteur, touché par ces mots, répondit :
« Le chiffre et le symbolique peuvent coexister, non comme des adversaires, mais comme des alliés. “Civilisation est fille de l’aisance”, avant que les griots ne la raconte.
Et dans le silence de Ceeytu, une phrase semblait flotter dans l’air : « Tout commence par le Savoir. Avant que le monde soit, Il savait. Rien n’existait encore, sinon ce qu’Il savait : Tout. Le Savoir est intemporel. Le sens n’est qu’illusion, la vie n’est que mission d’adoration. »
Le visiteur, intrigué, se demandait comment cet homme venu de l’Éternité pouvait résister à la mesure ; il renchérit :
« Les nombres sont devenus des lois, les algorithmes décident de l’accès aux droits, et le bonheur se traduit en indices. La métrique porte aussi sa sagesse. »
La première voix intervint: «Est-ce celle qui a tracé sur nos terres les lignes à la règle, qui a voulu briser nos récits plus puissants que les cartes, pensées qui voyagent, qui survivent, qui se content et se racontent, qui nous reconstruisent.»
Le feu crépitait plus fort, comme s’il voulait graver le souffle de la révolte dans la mémoire des étoiles.
Le voyageur s’éloignait déjà, pensif et perplexe : « Quelle souveraineté : revendiquer un ancrage à une grandeur par essence éphémère ? Ils nous condamnent à travailler encore plus pour modéliser leurs émotions. Sont-ils nos futurs Maîtres? »
Alors que l’aube pointait, les deux présences s’évanouirent, laissant leurs paroles suivre le vent. Elles portaient le pollen d’un débat fondateur, une invite aux élites d’Afrique à refonder leur avenir dans un cadre épistémologique capable d’intégrer les sciences, les humanités et les sagesses :
« La métrologie intemporelle du Savoir de Ceeytu ».
Et dans le silence de l’aube chargé de promesses, ces mots résonnaient, comme inscrits dans le Livre de l’Éternel :« Les étoiles, les fleuves, et les royaumes n’étaient que pensées dans l’infini. Mais lorsqu’ils furent manifestés, la Parole leur donna forme : Sois