« DIX MILLE FRANCS », MON PREMIER CACHET A LA RTS
Aziz Samb, animateur vedette à la radiodiffusion télévision Sénégalaise (RTS) et star de télévision dans les années 90 fait partie de ceux qui ont révolutionné le paysage audiovisuel au Sénégal
Aziz Samb, animateur vedette à la radiodiffusion télévision Sénégalaise (RTS) et star de télévision dans les années 90 fait partie de ceux qui ont révolutionné le paysage audiovisuel au Sénégal. Créateur de plusieurs émissions dont la plus célèbre est sans conteste : «Oscars des vacances» le plus «ivoirien» des Sénégalais revient sur son parcours. a cœur ouvert avec «l’aS», l’ancien présentateur des émissions «Grand-Place», «Balcon» est revenu sur ses expériences à la rtS et la 2StV, la cession de sa célèbre émission «Oscars des vacances» à un autre promoteur et sa vie d’après retraite. aziz Samb parle également de son long célibat etc
l’AS : Vous avez disparu des projecteurs. Qu’est devenu Aziz Samb?
Aziz Samb : Aziz Samb va bien. Il vit tranquille, dans son coin. Chaque matin, il s'occupe de ses affaires jusqu'à 14 heures. Après, il ne ressort que lendemain. Il m'arrive d'aller au restaurant quand j'ai envie de dîner. Cela dit, je n'aime pas aller dans les manifestations ni dans les spectacles. Je m'adonne à mon sport favori : le yoga. J’essaie de gérer quotidiennement ma vie, mes frères et sœurs et mes enfants. J’ai arrêté tout ce qui est radio et télé, bref tout ce qui est vie publique. Je n'ai plus envie d'être un homme public. Ce que je veux désormais, c'est mener une vie simple. J’ai arrêté la télé surtout à cause du stress. Et il faut savoir laisser la place aux jeunes. Rien n'est plus beau que d'arrêter et qu'on te réclame
l’As : Pouvez-vous revenir sur votre parcours?
J’ai débuté à la Rts. Résidant en Côte d'Ivoire, j’étais venu avec des amis de la délégation ivoirienne assister à la Coupe d’Afrique des nations (Can), Sénégal 92. La Côte d’Ivoire avait joué tous ses matchs de poule à Ziguinchor. Comme je suis resté pendant plus de quinze jours, j’écoutais la radio et suivais les émissions à la télé. Et un jour, je me suis dit qu'il y a mieux à faire ici. Quand je suis retourné en Côte d’ivoire, j'ai décidé de tout arrêter. Associé à l’époque à un certain Victor Yapobi, organisateur de miss marathon de Côte d'Ivoire, je lui ai annoncé que j’allais retourner au Sénégal. Il m’a demandé si j’avais trouvé du travail. J’ai répondu non. A mon retour, je suis allé voir Ibrahima Sané pour lui annoncer mon désir de faire la radio. Il m’a demandé ce que je voulais faire exactement. Je lui ai expliqué. Il me demanda alors de faire un enregistrement à remettre à Martin Faye. Ce dernier avait approuvé. Il l’avait trouvé excellent. C’est ainsi que j'ai commencé en octobre 1992 avec une émission à la radio qui s'intitulait «Carton». J’ai eu en direct les Aïcha Koné, Alpha Blondy, Nayanka Bell etc.... C’est la raison pour laquelle certains auditeurs pensaient que j'étais Ivoirien. Quand j'ai commencé l'émission à la radio, je m’attendais à une rémunération bien sûr, mais je n’ai rien reçu d'octobre à décembre. Il a fallu attendre fin janvier 1993 pour commencer à percevoir. Un jour, on m’a demandé de partir à l'ancienne maison de la Rts où on m’a remis ma carte d'identité avant de me remettre un billet de dix mille francs, en me disant que c’est mon «cachet». J’ai accepté parce que c'est moi qui ai voulu faire ce métier. Jusqu’au moment de quitter la Rts, je ne m’en suis jamais plaint. Au fil des années, le cachet a été revu à la hausse, passant de dix mille à vingt mille, puis à quarante mille. Quand Matar Sylla est a été nommé directeur général de la Rts, il a dit : «vous ne pouvez pas donner ces montants à Aziz». Le cachet était de 60.000 francs. Finalement, le salaire a été multiplié par deux et je me suis retrouvé avec 125.000 Fcfa. J’ai eu la même attitude à la 2Stv. La passion que je mettais dans le boulot et le respect que je donnais à mes invités m'a permis de décrocher toujours des sponsors. En plus, le sponsoring, c'est un boulot. Un jour Babacar Ngom, directeur de la SEDIMA m'a appelé pour dire qu’il voulait être mon sponsor. Je lui ai dit que je ne faisais pas de publicité. Il a répondu : «j'ai suivi ta trajectoire et vu comment tu te bats, malgré les difficultés. C’est pour cela que j'ai envie de te sponsoriser. Tous les sponsors qui sont venus après étaient motivés par la hargne que je dégageais, la détermination, l'amour que je donnais dans mes émissions. L’essentiel était de bien faire le travail. J’ai fait un travail qui valait un million, on m'a remis vingt cinq mille francs. C’est ce que Dieu a voulu que je reçoive. J’ai fait un travail qui ne valait même pas cent mille francs, j'ai reçu un ou deux millions. Je n'attends rien des hommes, je ne compte que sur Dieu pour avancer.
Qu’est-ce qui explique le profond changement qui s’est opéré en vous, après plusieurs années sous les projecteurs?
Je n’ai plus rien à prouver maintenant. J’ai tout fait. Il faut savoir donner la chance aux autres et se retirer au bon moment. Trois télévisions et de nombreuses radios m’ont contacté, mais je leur ai dit que j’arrête. J’ai arrêté de mon propre chef. J’ai pris une retraite volontaire. J’ai plus de 60 ans, même si je ne porte pas mon âge ! Grâce au Bon Dieu, je n’ai jamais fumé, ni bu de l’alcool. Je mène désormais une vie paisible, différente de celle d’avant. J’ai quatre enfants ; ma dernière fille est en 3e année dans une école de la place. Cela ne me dérange que l’on dise du bien ou en mal de moi. Je crois profondément en Dieu, au travail bien fait, mais pas aux hommes.
Vous avez révolutionné l’animation au Sénégal… Pourquoi, cultivez-vous la discrétion ?
Je me suis toujours dit que le travail de l’audiovisuel est très ingrat. Que ce soit à la Rts ou à la 2Stv, j’ai acheté la plupart des fauteuils, des moquettes et des tapis qui devaient servir au décor de mes émissions. Quand je devais faire des émissions et qu'il y avait des problèmes, je n'attendais jamais personne pour les résoudre. Pour réussir avec la télévision, il faut oser créer et donner beaucoup d'amour au travail que l'on fait.
Pourquoi «Oscars des vacances» n’existe plus ?
Pour rien. J’avais juste envie d'arrêter et j'ai demandé à Cheikh Yerim Seck de prendre la relève, pensant qu'il en serait capable. Je lui ai vendu le concept en pensant qu'il réussirait, mais les gens ignorent les difficultés liées à l'organisation de cet évènement. Cette émission occupait en grande partie les jeunes. Quand j’étais assis à coté du jury, incapable de vous dire quel groupe était le meilleur. Tout ce que je voyais, c’était les tribunes, un stade de trois mille cinq cents places, et la mobilisation de cinq mille jeunes sans jamais avoir de cas de décès ou d'accidents c'est très fort pour moi. Dieu merci pendant vingt deux ans, Oscars des vacances s'est toujours déroulée paisiblement. Avant chaque émission d’Oscars des vacances, j'écrivais au Préfet, au Gouverneur, au ministre de l'Intérieur et je payais des impôts très chers. Il parait qu'il y'en a certains qui veulent faire « Oscar » cette année, mais je ne suis ni de près ni de loin concerné par cet évènement
l’AS : Vous avez fait les beaux jours de la Rts, comment avez vous géré un tel succès ?
Le succès ne m'a jamais tourné la tête. J’ai eu la chance de rencontrer un grand marabout paix à son âme qui m'a dit : «Abdou Aziz tu sais ce qui me plais en toi, tu te rabaisses jusqu'au sol. Cela me plait vraiment en toi. Mais ce qui m'a le plus marqué en toi personne n'ose te manquer de respect et personne n'est mieux servi que toi». Je simplifie ma vie. J’ai le même numéro de téléphone depuis 1993. Franchement il faut savoir rester humble et simple. Tous les meubles qui sont chez moi sont des cadeaux. Je ne réclame jamais de cachet pour mes prestations et c'est pour cela que je reçois des cadeaux. Ce n'est pas l'argent qui m'intéresse.
l’AS :après quelques années passées à la Rts vous avez rejoint la 2StV, pourquoi?
A un certain moment je voulais partir, j'ai formulé la demande à mes supérieurs d'alors, ils ont accepté et je suis allé à la 2 Stv. A mon départ, certains étaient fâchés contre moi alors qu'on m'avait ouvert la porte de sortie. En toute franchise, je n'ai pas regretté le fait d’avoir rejoins la 2 Stv. J’ai fait mon temps à la 2 Stv et à un moment il fallait que je parte. Mais si je devais reprendre ça sera peut être la radio.
Quel regard portez-vous sur les télés et les animateurs d’aujourd’hui?
J’ai appelé une fois une dame qui travaille dans une télé de la place. Savez-vous pourquoi? Parce que la plupart des femmes qui sont dans les télévisions ne se comportent pas comme de véritables présentatrices. Une femme qui sort à la télé doit avoir un look. Une présentatrice ne peut pas chaque jour changer de coiffure. Aujourd’hui, c'est des cheveux courts, demain c'est des rastas après demain c'est des cheveux teintés. C’est ça le danger. C’est comme si elles vont à la télé pour plaire à leur quartier. Anne Sinclair a toujours gardé le même look jusqu’à sa retraite. Elles ne sont pas des mannequins ni des actrices, je suis désolé. Elles sont présentatrices ou animatrices. J’écoute plus souvent la radio, pour à la télé je regarde la lutte le plus souvent. En plus, dans les télévisions actuelles, le problème de la créativité se pose. Il faut toujours se démarquer du lot et innover. J’ai toujours opté pour la créativité. J'ai toujours créé de nouvelles choses et mes émissions ont toujours été différentes les unes des autres, en terme de contenus. Dieu merci ! J'ai toujours eu une audience particulière auprès des téléspectateurs
Aziz Samb est toujours célibataire. est-ce un choix ou non?
Je suis toujours célibataire, c’est mon destin et je l’accepte. Lorsqu’on est une personne publique, c’est très difficile de draguer. Le jour où on m'oubliera comme homme public, peut-être que je pourrai recommencer à faire la cour. Mes frères et sœurs et mes amis disent que je dois songer au remariage. Je suis d’accord. Mais pour le moment, Dieu n’a pas encore décidé de mon mariage. Il n'y a pas un jour de ma vie sans que je ne prie Dieu de m'accorder une bonne épouse
On vous a connu très proche avec les Présidents Diouf et Wade. Quelles sont vos relations avec le Président Macky Sall ?
Mon premier avec le Président Macky Sall remonte à l’époque où il était Premier ministre et c’était par l’intermédiaire de sa chargée de communication, Seynabou Cor. La deuxième fois où je suis entré en contact avec le Président Macky Sall, c’était lors d’une cérémonie organisée par les cardiologues d’Afrique et dont j’étais le maître de cérémonie. Dès que j’ai fini, les gens m’ont demandé de répondre. Je me suis retourné et c’était le Président Macky Sall. Je viens vers lui. Il me dit : «saaway yagui ci deuk bi, war nagnou guissé» (Ndlr : mon ami tu es ici, on doit se voir). Ses collaborateurs m’ont demandé de donner mon numéro à son aide de camp. Un jour, je discutais avec des ministres qui m’ont demandé si le Président m’a reçu. Je leur ai dit non ! Sur leur proposition, j’ai écrit une lettre qui est restée sans suite. Je ne cours derrière personne. Je n’ai pas couru derrière Abdou Diouf, ni derrière Abdoulaye Wade, mais je suis reconnaissant à leur égard. Me Abdoulaye Wade m’a reçu trois fois et m’a aidé à aller en France pour des soins et je lui en serai éternellement reconnaissant. Abdou Diouf m’a reçu à deux reprises et me remontait le moral quand j’ai été suspendu à la RTS.