«J'AI VU DES CHOSES QUI M'ONT DÉÇUE À DEFAR SÉNÉGAL»
Fabienne Féliho revient sur son engagement politique, son expérience aux dernières législatives ...
Engagement politique, législatives du 30 juillet dernier, affaires Amy Collé Dieng et Penda Ba… La fille adoptive de l’ancien président Abdou Diouf, ex-miss Sénégal, s’exprime sur les grands sujets de la météo sénégalaise. Non sans oublier de lancer des pierres dans le jardin du guide moral des Moustarchidines Serigne Moustapha Sy.
Qu’est-ce qui explique votre soudain engagement en politique ?
Je suis une citoyenne qui aime son pays. Depuis 2003, je sillonne toutes les régions pour être plus proche de la population. Donc, mon engagement ne doit pas étonner certaines femmes. Je suis une femme et je m’inquiète des problèmes que ces dernières rencontrent dans le monde rural. Toutes mes tournées, je les faisais avec mes propres moyens, mais je voyais que les choses ne changeaient pas. Les gens s’engagent dans la politique par intérêt, mais quand on investit ses propres moyens, la donne change. J’ai été dans un mouvement (Ndlr : Defaar Sénégal du chroniqueur de la 2Stv Mamadou Tounkara). Mais maintenant j’ai décidé de rallier la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar, parce que je ne fais pas partie des gens qui, en 2019, vont se présenter à l’élection présidentielle.
C’est vrai qu’on est tous de la même génération que le président Macky Sall ou même moins, mais on ne peut pas se lever et avoir les mêmes objectifs et la même ambition que lui. On ne peut que participer à l’évolution de notre pays, et moi je participe à celle des femmes. J’étais dans un mouvement où il y avait plein de choses qui ne me convenaient pas. Me sentant plus proche du ministre des Finances Amadou Ba qui est un ami de longue date, pour qui je partage des valeurs et des principes, j’ai préféré le rejoindre. Il a fait appel à moi au moment où je travaillais déjà pendant des mois pour ce mouvement-là. Ce que nous voulons, c’est d’être dans un espace assez structuré pour pouvoir prendre en compte les préoccupations des populations.
Le problème est que vous étiez investie sur une liste départementale et en cours de route, vous avez changé de formation politique…
Je savais que ce n’était pas possible. Mais je ne suis pas à la place de la personne qui choisit. Comme vous savez, que ça soit en politique ou autre chose, dans la vie, tout est calculé et sur la liste départementale, je n’avais aucune chance de passer. Mais le problème c’était de battre campagne et d’avoir au moins un député. Nous avions eu quarante mille personnes qui avaient déjà leur carte d’électeur. Et toutes ces personnes-là, nous les avons suivies pas à pas et elles devaient me suivre dans le mouvement où j’étais.
Battre campagne nécessite des moyens. Où est-ce que vous avez trouvé ce financement ?
Je ne fais pas partie des personnes qui s’activent et qui achètent la conscience des Sénégalais. La population est tellement mûre que c’est l’approche que vous avez qui est importante. Ce qui est important, c’est de pouvoir donner de notre temps, écouter les gens et on a senti que les Sénégalais avaient beaucoup plus besoin de ça que d’autre chose. On ne peut plus acheter la conscience d’un Sénégalais en lui disant donne-moi ta carte et je te promets ceci ou cela.
Selon vous donc, les accusations de l’opposition relatives à l’achat de consciences ne sont pas fondées ?
Je suis désolée, ce n’est pas vrai. S’ils le disent c’est parce qu’ils (les gens de l’opposition) l’on fait. C’est simplement le discours de perdants. A notre niveau, on n’a pas vu d’achat de consciences. Et je n’y crois pas non plus. Les Sénégalais que j’ai eu à voir ont beaucoup de mérite, ils sont dignes et on un seul problème, réussir dans la vie et pouvoir assurer la dépense quotidienne. Et c’est là où le chef de l’Etat doit rebondir en se disant qu’il y a des Sénégalais qui ne travaillent pas. Mais vu les actes qu’il a posés, on tend vers cela.
Le président de la République est là depuis plus de 5 ans et il avait promis cinq cent mille emplois par an. Et jusqu’à présent le chômage est beaucoup plus accru chez les jeunes. Qu’est-ce qu’il faut faire, selon vous, pour résoudre cette question du chômage ?
Par rapport à l’objectif d’atteindre les cinq cent mille emplois, je pense que le chef de l’Etat est sur la bonne voie. Le président est constant dans sa démarche et il ne cesse de poser des actes allant dans le sens de résoudre la lancinante question du chômage des jeunes. Il y a eu le Pudc, les Dac et beaucoup d’autres projets. Donc, il faut lui donner un deuxième mandat pour qu’il puisse mener à bien ce qu’il avait commencé à faire.
Vous étiez dans Defaar Sénégal. Qu’est-ce qui a vous fait changer d’avis ?
Au début, je me disais qu’il fallait être quelque part. Beaucoup de personnes me reprochaient de ne pas faire de la politique. Du temps du président Abdou Diouf, je ne pouvais pas faire de la politique parce qu’il est mon père et je risquais de ne pas être objective. J’ai été témoin des trahisons et des déceptions dont le président Diouf a été victime. Je restais à l’écart en me disant qu’on pouvait servir son pays sans pour autant verser dans la politique. Au fil du temps, on se rend compte qu’on doit faire partie des gens qui décident pour le devenir de la cité. Je ne peux pas comprendre qu’on puisse changer du jour au lendemain de principes, de valeurs, etc. Je me suis dit que je vais aller à Defaar Sénégal pour avoir une petite expérience et voir comment les choses se passent.
Je pensais, en intégrant ce mouvement indépendant, y trouver certaines choses qui reflètent ma façon de voir et ma conception de la chose politique. Mais j’y ai vu des choses qui m’ont déçue. Je suis une personne réfléchie, même si tout le monde sait que j’ai un caractère trempé. Je ne vais pas faire l’éloge de ma personne, mais quand même j’ai toujours été constante dans ma démarche. J’ai vu des choses qui ne m’ont pas plu. On m’a appelé à un moment opportun. La destinée est fatalement réglée d’avance, il y avait un passage à faire là-bas, je l’ai fait. Je ne vais pas jeter des pierres dans leur jardin ou revenir sur de petites choses. C’est une question de choix qui a fait que j’ai quitté, pour ne pas rentrer dans des détails.
Vous dites être constante sauf que le slogan de Defaar Sénégal était ‘’Jelefé politicien yi’’. Vous quittez cette formation pour rejoindre une autre avec des politiciens. Reconnaissez que ce n’est pas de la constance dans les principes ?
‘’Jëlëfé politicien yi’’, ce n’est pas possible. Ce mouvement ne m’appartient pas. En l’intégrant, je ne pouvais pas savoir que le programme c’était ‘’Jëlëfi politicien yi’’, parce qu’il n’était pas consistant. Vous pouvez épouser une femme ou vous marier à un homme et vous rendre compte après que vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde. Pour moi, ‘’Jëléfi politicien yi’’, ce n’est pas un programme. On ne peut pas être un mouvement indépendant qui vient de naître et vouloir se débarrasser des politiciens. Avec quoi et comment ?
Vous ne saviez pas tout cela avant ?
Non, non je ne le savais pas.
C’est vous qui êtes allée vers eux ou le contraire ?
Ce n’est pas important. Sinon, je vais entrer dans des détails.
La tension est assez palpable entre l’opposition et le parti au pouvoir. A votre avis, que faudrait-il faire pour établir le dialogue ?
Il est vrai qu’il y a eu de couacs dans l’organisation des législatives du 30 juillet dernier. Il faut être honnête et le reconnaître. Mais il faut dire aussi qu’il n’y a jamais eu autant de listes dans une élection législative au Sénégal. La faute n’incombe à personne. C’est vrai qu’il faut règlementer tout cela. Il y a cinq ans, la caution était à 20 millions. On l’a ramenée à 15 millions. Dans les réformes apportées, le chef de l’Etat a voulu donner une chance aux indépendants afin qu’ils puissent accéder à l’Assemblée nationale. Cela a été fait. Il est vrai qu’avec 47 listes, c’était un peu difficile.
Mais gouverner c’est prévoir, ne fallait-il pas instaurer le bulletin unique ?
J’avais, à un moment, rejeter cette loi. Mais je me suis dit, en y réfléchissant, que le président de la République est quelqu’un de très fort en politique. Il faut lui reconnaitre cette qualité. Il a été ministre de l’Intérieur. S’il choisit quelqu’un pour le mettre à ce poste, c’est parce qu’il a confiance en cette personne et sait que cette dernière peut faire le boulot. Pour gouverner, il faut trouver des solutions à chaque problème. Il a trouvé une solution en permettant à ceux qui avaient des récépissés d’aller voter. Maintenant, malgré toutes les prolongations qu’il y a eu, des Sénégalais ne sont pas allés s’inscrire sur les listes. Parce que le Sénégalais, justement, a l’habitude de tout faire à la dernière minute. Je suis désolée, je n’ai pas pitié du président, mais je me soucie de lui. C’est un père de famille qui a des problèmes personnels à gérer. Gérer en plus un pays comme le Sénégal, c’est extrêmement difficile.
Les législatives sont maintenant derrière nous et nous devons nous atteler à parfaire ce qui va suivre. Il faut qu’on se concentre sur le futur.
Comment faire pour rétablir la confiance entre l’opposition et le pouvoir ?
S’ils n’ont pas confiance en Macky Sall, c’est parce que leur rêve est d’être au palais. Toutes ces personnes-là ont des ambitions présidentielles. Regardez l’ancien président Abdoulaye Wade qui vient battre campagne à 92 ans… C’est parce qu’il a des ambitions pour son fils. Sans cela, jamais il ne serait venu. On est tous des Sénégalais, il faut qu’on essaie de dialoguer et trouver des solutions. Mais, encore une fois, il faut qu’ils comprennent que c’est Macky Sall qui est à la tête du pays et il n’est pas réfractaire au dialogue. Il a tout le temps fait des appels dans ce sens, mais il y a trop de critiques et d’écarts verbaux à son encontre. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas normales.
Qu’est-ce que votre parrain, l’ancien président Abdou Diouf, pense de votre engagement politique ?
On n’en a pas encore parlé. Je suis un électron libre. Toute ma vie, j’ai aidé des amis à atteindre leurs ambitions, à réaliser leurs rêves et je me suis rendue compte que dans la vie, certains étaient très égoïstes. J’ai coaché des gens qui ont obtenu des postes de responsabilité et qui, après, m’ont tourné le dos alors qu’ils n’avaient pas plus de compétences que moi. Je me suis engagée sans pour autant demander à qui que ce soit son avis. Tout en mesurant les risques, car je sais que toute faute en politique se paie cash. Je n’ai jamais fait quelque chose sans lui (l’ancien président Abdou Diouf) en avoir parlé. Mais cette fois je ne lui ai pas demandé son avis, parce que je veux le mettre à l’aise. On doit éviter de lui demander certaines choses, à son âge. Et mon engagement coïncidait presque avec le décès de tonton Habib Thiam. Mon père est quelqu’un que j’aime, que j’adore, que j’idolâtre, même si c’est un pêché. Entre un père et sa fille, on ne se perd jamais. Les papas, en général, ont beaucoup de faiblesses pour leurs filles. Donc, on aura l’occasion d’en parler.
Il n’y a pas encore de feed-back ?
Vous savez, mon père est quelqu’un de très ouvert. On a aura certainement l’occasion d’en discuter. Je pense que s’il était contre, il me l’aurait fait savoir.
Beaucoup d’investis sur des listes pour les législatives ont transhumé, comme vous, en pleine campagne électorale. Certains Sénégalais sont d’avis qu’ils devraient être sanctionnés. Vous en pensez quoi ?
Non, moi je n’ai jamais fait de la politique pour être sanctionnée. Je n’ai pas fait de la transhumance, non plus.
Il y a deux femmes en prison dont les histoires défraient actuellement la chronique. L’une pour offense au chef de l’Etat et l’autre pour avoir tenu des propos sectaires. Quel commentaire cela vous inspire ?
Cela me fait très mal. Je suis très peinée. Une amie m’a envoyé les deux enregistrements. Quand je les ai écoutés, j’ai condamné ces deux femmes. Cela m’a fait très mal, parce que je me suis dit qu’on se bat pour qu’on ne donne plus aux femmes que des tee-shirts et voilà deux personnes, dans deux mondes différents, ternissent l’image de la femme sénégalaise. Qu’une chanteuse, qui doit éveiller des consciences, se mette du jour au lendemain à insulter, est incompréhensible. Ce qui m’a le plus choquée, c’est que j’aimais Amy Collé parce qu’elle avait chanté le Prophète (Psl). On ne l’avait jamais entendu dans certaines dérives si ce ne sont des problèmes de couples. On l’avait même perdu de vue. Maintenant qu’elle vienne lucidement insulter une institution, un père de famille et qu’elle puisse soutenir dans l’enregistrement ‘’Lu ma ci gobbé gaar ko’’ et qu’on vienne nous dire qu’elle est dépressive, qu’elle ne l’a pas fait exprès est trop facile. Je suis encore plus choquée parce que, quel que soit alpha, elle doit faire face et demander pardon. Cela m’a peinée et je condamne.
Pour l’autre personne (Penda Ba) qui a tenu des propos éthnicistes, ce problème n’a jamais existé au Sénégal. Je trouve que ces deux-là sont des ‘’seytanés’’. En tant que femme, j’ai mal et j’ai honte. Je condamne également la personne qui a pris une conversation privée dans whatsApp pour la diffuser. On n’a même plus confiance en personne. C’est pour cela que maintenant, dans certains lieux, on prend les téléphones des visiteurs avant qu’ils n’entrent. Dans quel monde sommes-nous ?
Qu’est-ce qui explique ce phénomène, selon vous ?
C’est un manque de confiance en soi. Vous ne pouvez pas participer à une conversation sur whatsApp alors que vous êtes dépressive. Quand on est dépressif, on doit aller voir un médecin. Si vous vous sentez seule, allez voir un ami qui puisse vous faire rire. On dit que le président ne sourit pas ; je me dis que s’il le faisait on allait le trouver au palais pour l’insulter. Parce que malgré tout, des dérives sont notées. Amy Collé pensait que parce qu’elle est enceinte, elle n’irait pas en prison. Il faut qu’elle sache qu’il y a des femmes innocentes en prison qui y accouchent. Elle ne doit pas avoir 40 ans cette dame. Si demain son enfant l’insulte, cela ne doit pas la surprendre.
Ce sont les familles qui ont failli ou la société de manière générale ?
Les familles ont failli, la société également. Il y a des hommes politiques qui ont l’insulte à la bouche. C’est un problème d’éducation de base.
Lors du dernier gamou de Tivaouane, un chef religieux a dit que le président Sall et le président Diouf ont ourdi un plan contre lui en vous utilisant. Est-ce vrai ?
Mon combat est de se battre pour que les valeurs reviennent, que les familles sénégalaises puissent manger à leur faim, que le président de la République puisse gagner en 2019. C’est ça ma réponse par rapport à cette question.
Etes-vous mariée ?
Mon dernier mari était un Guissé. C’est tout ce que je peux dire. Mon problème, ce sont les femmes, la santé, l’éducation, etc. Je ne veux pas répondre à cette question parce que c’est people. Je ne parlerai pas de ce monsieur (Ndlr : Serigne Moustapha Sy, guide moral des Moustarchidines). Pourquoi vais-je lui faire de la publicité ? Je respecte le Prophète Mouhamad, j’ai été plus de 30 fois à La Mecque. Que quelqu’un puisse parler dans une assemblée pareille de mon père ou du président Sall ne mérite pas mon respect. Encore une fois, certaines personnes ne font pas partie de mon quotidien, ni de mes priorités. Ma priorité, encore une fois, c’est la population, la souffrance des Sénégalais que le président est en train de résorber, sa réélection, etc. Je suis déjà en campagne et c’est le plus important pour les Sénégalais.