CHEIKH TIDIANE COULIBALY, UN COSTUME SUR MESURE
Il a le profil de l’emploi. Une personnalité charmante… Les éloges ne manquent pas sur le tout nouveau Premier président de la Cour suprême. Retour sur le parcours de l’homme

De Sokone à Dakar en passant par Thiès, Cheikh Tidiane Coulibaly a laissé partout son empreinte. Le tout nouveau Premier Président de la Cour Suprême a vu le jour le 02 novembre 1954 à Sokone. Après l’école primaire dans la même ville, le collège et le lycée Gaston Berger de Kaolack, actuel Valdiodio Ndiaye, il décroche son Baccalauréat série A et débarque à l’Université de Dakar où il obtient sa maîtrise en Droit. En 1981, il termine sa formation à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) et atterrit à Thiès où il a été Vice-président au Tribunal régional pendant quatre années. Le frère aîné du célèbre journaliste et homme politique Abdou Latif Coulibaly, ministre Porte-parole de la Présidence de la République, se bâtit un destin dans la capitale sénégalaise au Tribunal régional Hors Classe de Dakar. Pendant dix ans, il a exercé les fonctions de Président de Chambre, s’attirant l’estime de ses pairs grâce à sa personnalité et son expertise reconnue. Ce qui le mène au Ministère de la Justice comme Directeur adjoint à la Direction des Affaires civiles et du Sceau.
Au cœur de l’État
Dans sa carrière, le juge Cheikh Tidiane Coulibaly a eu à faire des va-et-vient entre le prétoire et l’administration centrale. En 1991, il occupe le poste de Directeur de Cabinet du Ministre d’État Abdoulaye Wade dans le gouvernement du Président Abdou Diouf dirigé par le Premier ministre Habib Thiam. Deux ans plus tard (mars 1993), il est nommé à la Cour d’Appel de Dakar en tant que président de la Chambre d’Accusation, puis Président de Chambre à la Cour d’appel. Alors, au début de la première alternance, en 2001, son expertise reconnue et sa maîtrise des rouages de l’État convainquent Mame Madior Boye, deuxième Première ministre du Président Abdoulaye Waxe, de le choisir comme Directeur de cabinet.
Entre Cheikh Tidiane Coulibaly et la Cour suprême, c’est aussi une longue histoire. En 2004 déjà, il a été nommé à la tête de la Chambre Sociale et de la Chambre Pénale de la juridiction. En 2015, il devient Procureur général. C’est un magistrat chevronné avec à son actif quarante années de carrière dont seize à la Cour suprême et une bonne partie à la défunte Cour de Cassation.
«Il ne transige pas avec la vérité judiciaire», Me Khassimou Touré
Pour Me Khassimou Touré qui est un des doyens du Barreau de Dakar, il serait malhonnête de penser que Cheikh Tidiane Coulibaly a été nommé Président de la Cour Suprême parce que son frère Abdou Latif est dans l’appareil d’État. «Je ne suis pas très ami à lui. J’avais même d’autres candidats. Mais, en toute honnêteté, la présence de Latif n’a aucunement influencé le choix du président Macky Sall. Je peux en témoigner », dit le doyen. Rigoureux, chevillé sur les principes de rectitude, attaché aux principes d’intégrité morale, éminent civiste respecté par ses pairs, très convivial, mais un peu réservé…, les mots ne manquent pas à l’avocat pour décrire le nouveau Président de la Cour Suprême. «Il ne transige pas avec la vérité judiciaire. Ce qui fait sa force, c’est qu’il a travaillé à la lisière de la politique et du droit», estime-t-il. Il est une belle synthèse de ce qu’il y a de positif chez le politique et chez le droit. Il a côtoyé la politique de très près, malgré cela il a su garder en tête qu’il est avant tout un juriste. «On ne peut pas être Directeur de Cabinet de Me Abdoulaye Wade et Mame Madior Boye sans côtoyer des politiques et des politiciens. Malgré tout, il a su retrouver sa véritable patrie qu’est le droit», salue-t-il.
Décrivant l’homme qu’il a connu bien avant son arrivée au Ministère de la Justice, l’actuel Garde des Sceaux ne tarit pas d’éloges à son endroit. «C’est quelqu’un de très professionnel, un des meilleurs. Il n’a jamais été dans une posture de demandeur de quoi que ça soit. Il s’est toujours contenté de faire son travail avec rigueur. Cela se comprend. Parce que c’est quelqu’un de très pieux. Un homme simple, humble. Un excellent juge, un des meilleurs juges du Sénégal, un homme qui connaît le droit», témoigne Me Malick Sall.
Mais, que de chemin parcouru ! S’il n’avait pas allié une grande détermination et des aptitudes intellectuelles au-dessus de la moyenne, Cheikh Tidiane Coulibaly n’aurait sans doute pas eu ce parcours. Jeune, il était maladif, mais il n’a point larmoyé sur son sort, fixant le cap pour être au rendez-vous du destin. «Il n’a presque pas fait la 3ème secondaire, la terminale et la 2ème année de droit à l’Université de Dakar. Mais, il était hors de question pour lui de baisser les bras. Son parcours est impressionnant. Je ne le dis pas parce que c’est mon frère. C’est la réalité», témoigne son frère cadet de six ans, Rahim Coulibaly.
Passionné de football et du Fc Barcelone, il raffole de soupe kandia
Cet homme féru de football et grand fan du Fc Barcelone et de l’Olympique de Marseille est décrit par ceux qui l’ont pratiqué comme une âme pieuse. Mamour Ndary Bâ avec qui il a partagé toutes les classes de l’école primaire se souvient d’un brillant élève, toujours premier de sa classe. Mais, ce qui a le plus marqué son frère Rahim Coulibaly, c’est «son sens de l’humain, son sérieux, son goût pour le travail. Je dirai que c’est presque un érudit du Coran, un père de famille modèle qui garde des liens étroits avec ses frères et sœurs sur qui il porte un regard aussi attentionné que protecteur».
Malgré son emploi du temps démentiel, le nouveau Président de la Cour suprême trouve du temps pour ses parents et amis. Un proche déclare que «depuis 1986, nous mangeons chez lui tous les vendredis avec ses autres frères et sœurs ainsi que trois de ses fidèles amis». Si c’est Cheikh Tidiane Coulibaly qui choisit, c’est systématiquement le «soupe kandia» ! «Il en raffole», souffle son jeune frère Rahim.
Fidèle en amitié
Mamour Ndary Bâ a longuement cheminé avec le président de la Cour suprême avec qui il a partagé tout le cycle élémentaire. Son fils aîné porte le nom du haut magistrat. Il se souvient d’un élève aussi effacé que brillant et doté d’un fort caractère. «Adolescent, il n’a jamais été attiré par les boîtes de nuit et les futilités qui distrayaient les jeunes», se rappelle-t-il, sa voix étreinte par l’émotion au fil de la discussion. «En classe de Cm1, alors qu’on jouait au football, confie-t-il, je me suis blessé. Je ne pouvais pas bouger. Les gens pensaient que c’était la blessure de la veille alors que c’était une appendicite. Je suis resté au lit pendant trois mois et c’est grâce à son soutien que j’ai pu traverser cette épreuve. C’est lui qui me recopiait les leçons, me lavait, me donnait à manger… Il a été d’une touchante prévenance. J’ai alors demandé à Dieu de me donner un garçon pour que je lui donne son nom». Le temps n’a pas eu raison de leur amitié.