DE WADE FILS À ALIOU SALL, LA SAGA DU CLANISME PRÉSIDENTIEL AU SÉNÉGAL
Malgré ses promesses, Macky Sall a cédé au népotisme en nommant son frère à un poste clé. Retour sur cette volte-face et sur l'enracinement de la gestion familiale du pouvoir au Sénégal
Lorsqu'il arrive au pouvoir en 2012, Macky Sall promet de rompre avec les dérives du régime de son prédécesseur Abdoulaye Wade. Parmi ses engagements phares, ne pas mêler sa famille à la gestion des affaires publiques. Pourtant, seulement quelques années plus tard, force est de constater que la promesse n'a pas été tenue.
En décembre 2016, interrogé par Jeune Afrique sur cette question, le chef de l'État jure solennellement: "Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays". Il précise notamment avoir prévenu dès le début de son mandat son frère Aliou Sall qu'il ne bénéficierait "jamais d'un décret de nomination", comme le rapporte Seneweb.
Mais dix mois plus tard, le 11 septembre 2017, Aliou Sall se voit nommer Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations par décret présidentiel. Cette volte-face spectaculaire, révélée par Seneweb, suscite l'indignation au Sénégal. Les citoyens avaient cru en finir avec ces pratiques à la fois indignes et dommageables pour la démocratie.
Le cas Aliou Sall n'est malheureusement pas isolé. En 2019, une enquête de la BBC le place au cœur d'accusations de corruption liées à l'octroi de licences pétrolières et gazières offshore. Bien qu'il se soit retiré des affaires publiques, le beau-frère du chef de l'État, Mansour Faye, occupe depuis plusieurs années des postes clés au gouvernement selon le site d'information.
Un indice révélateur d'une gestion familiale du pouvoir que Seneweb dénonce comme étant "clanique". Car les exemples du passé sont nombreux. Sous les régimes socialistes de Senghor et Diouf, des membres de la famille présidentielle comme Adrien Senghor ou Maguette Diouf s'étaient déjà vu confier des portefeuilles ministériels.
Mais c'est sans conteste sous Abdoulaye Wade que le népotisme a atteint son paroxysme, avec une mainmise sans partage exercée par son fils Karim sur une multitude de secteurs stratégiques. Sa condamnation pour enrichissement illicite en 2015 laissait espérer un tournant.
Force est de constater selon les observateurs que cet espoir a été déçu. La question du népotisme, récurrente sous nos tropiques, devient aujourd'hui un enjeu majeur de la campagne pour la présidentielle de 2024. Les Sénégalais exigent que les promesses soient enfin suivies d'actes pour en finir avec cette dérive affaiblissant l'État de droit.