LA BÉQUILLE DE BARTH
À l'approche d'un verdict crucial de la Cour suprême, le maire de Dakar s'accroche coûte que coûte à son poste, s'abritant derrière une faille du code des collectivités territoriales pour échapper à une révocation annoncée
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Le maire de la ville de Dakar a été catégorique, vendredi, en affirmant qu’il ne bougera pas de la mairie de Dakar, même si la Cour suprême confirmait, le 22 décembre, sa condamnation en appel.
«Si la Cour suprême confirme le verdict de la Cour d'appel, j'épuise toutes mes voies de recours. Mais je garde le poste de maire de Dakar. Il y a des gens qui n'attentent que je le perde. Je ne bougerai pas d'ici.»
Tout le monde ou presque a vu dans ce ton de Barthélémy Dias un refus catégorique, une éventuelle défiance à l’autorité. Il l’a fait aussi volontairement, pour sa communication. Pourtant, à l’entame du sujet il a semblé rappeler aux journalistes, un brin donneur de leçon, que son poste de maire n’est pas menacé. Puisqu’il a admis que la fonction de députée l’est et a même évoqué son suppléant et les intentions du pouvoir de «réduire le nombre de députés de Taxawu pour empêcher un parrainage parlementaire» de Khalifa Sall. Alors, il faut bien admettre que le maire de Dakar a raison sur ce point.
Barth’ «sauvé» par le code des collectivités territoriales
Pourquoi Barth’ est si sûr de lui ? C’est qu’en réalité, il est «sauvé» par l’article 135 du Code général des collectivités territoriales (Cgct) qui dispose : «Lorsque le maire ou le conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit». Sauf que, justement, dans le cas de l’affaire Ndiaga Diouf, l’ancien maire de Mermoz-Sacré Cœur a été condamné pour «coups mortels». Une infraction qui n’est pas sur la longue liste d’infractions visées par l’article 140 du Cgct susceptibles d’entrainer la révocation ou la suspension : «Sans que la liste soit limitative, les fautes énumérées ci-dessous peuvent entraîner l’application des dispositions de l’article 135 du présent code : 1. fait prévu et puni par la loi instituant la Cour des comptes ; 2. utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées ; 3. prêts d’argent effectués sur les recettes de la commune ; 4. faux en écriture publique authentique visés au Code pénal ; 5. faux commis dans certains documents administratifs, dans les feuilles de route et certificats visés au Code pénal ; 6. concussion ; 7. spéculation sur l’affectation des terrains publics, les permis de construire ou de lotir ; 8. refus de signer ou de transmettre au représentant de l’Etat une délibération du conseil municipal. Dans les sept premiers cas, la sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires.»
Les coups mortels et la brèche
On le voit donc, le délit de «coups mortels» pour lequel l’édile de la ville de Dakar a été condamné, et qui pourrait être confirmé par la Cour suprême, n’est pas de cette liste qui ferait perdre ses fonctions d’élu local, et donc de maire de Dakar. «Si l’on applique strictement la loi, même s’il est débouté, il ne peut donc pas perdre son mandat de maire au niveau de la ville de Dakar. Le code des collectivités territoriales est très précis sur la question. Si ce n’est pas pour crime, il faudra évoquer ce que le code a prévu pour la gestion de la mairie», avait conforté le Iba Bacary Camara, professeur de droit public à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, invité de iRadio dans son édition du midi, samedi.
Mais après une éventuelle confirmation le 22 décemb- re, la balle sera dans le camp du ministre en charge des Collectivités territoriales et du président de la République. Certains spécialistes, qui admettent que seule la fonction de député est menacée, relèvent aussi une subtilité avec la préci- sion introductive de l’article 140 du Cgct : «Sans que la liste soit limitative». L’autorité pourrait-elle s’engouffrer dans cette brèche ? Les signaux politiques ne le présagent pas si l’on se fie au climat devenu moins chaud entre le pouvoir et le camp de Khalifa Sall, et même avec Barth’ qui n’est pas candidat, comme il le rap- pelle. Et qui pourrait être immunisé par son rôle dans le dialogue politique et le rétablissement de Khalifa et Karim. Un fait qui a quand même, en partie, isolé Ousmane Sonko aussi.
Corruption de la jeunesse
Sonko dans le même cas que Barth
Le cas Barthélémy est similaire à celui de Ousmane Sonko. Après la condamnation par contumace du maire de Ziguinchor, le débat était agité sur son mandat. Sa condamnation étant définitive, il ne pouvait être menacé puisque l’infraction retenue, corruption de la jeunesse, n’est pas visée dans la liste de l’article 140 du Code général des collectivités territoriales.