LA RECHERCHE BÂILLONNÉE
Ibrahima Thioub réagit à la polémique déclenchée par le livre sur la Casamance, dont la séance de dédicaces a été annulée sous la pression politique. Il dénonce une tentative de "manipulation" et de "mise en discipline" de la recherche universitaire
(SenePlus) - "Les projets d'autonomie ont existé et alimenté des imaginaires un peu partout en Afrique. Ces projets qui ne sont pas advenus ont laissé des traces dans les mémoires et les historiens doivent y travailler", déclare l'éminent historien Ibrahima Thioub au micro de RFI. Ces propos rapprortés par RFI, interviennent dans un contexte de vive polémique autour d'un ouvrage sur la Casamance.
La controverse a éclaté suite à la parution du livre de l'historienne française Séverine Awenengo Dalberto, "L'idée de la Casamance autonome - Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal", publié aux éditions Karthala. Une séance de dédicaces prévue samedi a dû être annulée face aux protestations de l'Alliance pour la République (APR), l'ex-parti au pouvoir.
L'APR considère l'ouvrage comme "dangereux" pour l'unité nationale et estime qu'il "remet en question les acquis" sur la paix en Casamance. Face à ces accusations, Ibrahima Thioub, interrogé par Welly Diallo de la rédaction Afrique de RFI, dénonce vigoureusement l'attitude des autorités envers la recherche universitaire : "Ce rapport que nos autorités politiques ont avec l'université, un rapport instrumental, de manipulation, de mise en discipline, ça ne sert à rien, ça ne sert pas nos pays."
Cette ingérence du politique dans le travail universitaire fait écho à un précédent : en 2010, les autorités avaient interdit la diffusion d'un autre ouvrage sur la Casamance, "Le conflit de Casamance - Ce que disent les armes" de Jean-Claude Marut, également publié chez Karthala.
La question de l'autonomie reste un sujet épineux pour l'État sénégalais. La Casamance, séparée géographiquement du reste du pays par la Gambie, porte encore les séquelles économiques des conflits séparatistes des années 1990.
Dans ce contexte délicat, le Premier ministre Ousmane Sonko, ancien maire de la capitale régionale, a récemment annoncé un plan national de relance visant à faciliter le retour des personnes déplacées par les conflits.