LE MARCHE DU PARRAINAGE, UNE TRAITE LUCRATIVE EN BANLIEUE
Dans un contexte économique marqué par la cherté de la vie, la quête effrénée de signatures par certains dotés de moyens financiers a transformé la campagne de collecte en marché politique clandestin.

Dans un contexte économique marqué par la cherté de la vie, la quête effrénée de signatures par certains dotés de moyens financiers a transformé la campagne de collecte en marché politique clandestin. Et, en banlieue de Dakar, pour des populations acculées par la précarité sociale, le parrainage est devenu un gagne-pain. Reportage …
A première vue, l’effervescence autour de la luxueuse maison renvoie à une cérémonie festive. A la devanture, deux vigiles en tenues identiques, s’efforcent d’imposer une discrétion. En vain ! Venu de Guédiawaye, un groupe de femmes tente de se frayer un chemin parmi les autres pour accéder à la demeure. S’impose une bousculade devant l’étroite porte d’entrée. L’appel du parrainage monnayé est passé par-là. Habitante des Parcelles assainies, Khady Mbow, qui a rallié très tôt la Cité Aliou Sow de Golf Sud, vient de s’extraire de la foule, les 5 000 FCFA en pochette. «J’ai juste donné ma pièce d’identité. Ils ont recopié puis m’ont remis l’argent. Ce n’est pas une grande somme mais ça peut régler certains de mes besoins», lâche-t-elle, pressée de retrouver ses enfants dont un «nourrisson».
Présidente d’une association féminine, Mère Th., la cinquantaine, a convoyé ses camarades pour un parrainage groupé en contrepartie d’une somme faramineuse. Histoire de se faciliter la tâche, elle s’est vue obliger de constituer un groupe WhatsApp dans lequel elle donne les consignes. «Nous ne parrainons pas individuellement. Après avoir échangé avec le représentant du candidat, je tiens une réunion avec mes amies. Si on tombe d’accord sur le montant à donner au groupement, nous venons ensuite le soutenir avec nos cartes d’identité. Car c’est une façon aussi pour nous de renforcer la caisse du groupe», explique-t-elle. Père de famille, en proie au fardeau social, Karim Sène est dans le lot des marchands de signatures. Après une première transaction réussie pour le compte d’un premier candidat, l’homme n’a pas hésité à maintenir les termes de son échange dans le même circuit. «Je ne suis pas dans ces histoires de militants. Parce que je trouve que les politiciens sont tous les mêmes. C’est pourquoi même si un troisième se présente, ma carte est là. Sauf que je ne compte pas le faire gratuitement. Car de la même manière qu’ils ont leur besoin de parrains, j’ai moi aussi des charges qui m’attendent», compare-t-il.