DIOMAYE FAYE DÉCIDE DE DISSOUDRE LE CESE ET LE HCCT
Cette décision du président concrétise une promesse de campagne, mais elle pose un défi politique majeur. L'Assemblée nationale, où le pouvoir est minoritaire, sera-t-elle prête à voter cette réforme constitutionnelle ?
Deux grandes institutions de la République à savoir le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités |territoriales (HCCT) vont disparaître sou peu. Leur mise à mort a été décidée hier par le président de la République Bassirou Diomaye Faye qui a convoqué une session extraordinaire de l’Assemblée nationale pour l’examen d’un projet de loi de modification de la Constitution aux fins de leur dissolution. Ainsi Abdoulaye Daouda Diallo et Aminata Mbengue Ndiaye, dernières figures de proue du régime de Macky Sall encore aux affaires, passent à la trappe en même temps que les membres des institutions qu’ils dirigent. Toute la question est de savoir si le président de la République obtiendra une majorité qualifiée dans l’hémicycle pour faire adopter la modification de la Constitution dans le sens voulu.
Dans le « Projet », c’est-à-dire le programme de Pastef, la suppression des institutions dites budgétivores comme le CESE et le HCCT figurait comme « Solutions » dans la vision du duo Diomaye/Sonko. L’Assemblée nationale, elle, devait faire l’objet d’une réforme majeure. Après avoir dissous la Commission nationale de dialogue des territoires la semaine dernière, le président de la République a surpris hier en annonçant à travers ses services de communication qu’il a transmis au président de l’Assemblée nationale le décret portant convocation de l’Assemblée nationale en session extraordinaire le jeudi 29 août 2024 pour l’examen d’un projet de loi portant modification de la Constitution. « La modification envisagée de la Constitution porte sur la suppression du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) » indique le ministre-conseiller, porte-parole de la Présidence, Ousseynou Ly dans un communiqué de presse. Ainsi dans au plus tard quinze jours, durée que ne doit pas dépasser une session extraordinaire en conformité avec l’art 63 de l’Assemblée nationale, deux institutions décriées par une bonne partie de l’opinion comme étant budgétivores et inutiles, et donc la suppression était réclamée à cor et à cris par les militants de Pastef en particulier mais pas seulement, vont passer à la trappe. Les budgets cumulés de ces deux institutions font près de 15 milliards de frs. De l’argent dépensé pour caser des alliés politiques, des copains et des coquines. A travers diverses tribunes lorsqu’elles étaient dans l’opposition, les actuels tenants du pouvoir n’ont eu de cesse de dénoncer le caractère budgétivore et inutile de ces institutions. D’ailleurs, pour beaucoup de Sénégalais, ces dites institutions devaient être dissoutes dès l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités. Une dissolution qui n’a pas été possible au vu de certaines contraintes politiques majeures. Dont le rapport des forces à l’Assemblée nationale. Or la majorité présidentielle est minoritaire au sein de cette dernière institution. L’Exécutif y dispose théoriquement de 81 députés contre 82 députés pour l’opposition. En réalité, d’ailleurs, le bloc compact que formait la coalition Yewwi Askan Wi (YEW) a volé en éclats, Pastef et Takhawu Senegal faisant désormais bande de même que le groupe Wallu, formé essentiellement du Pds. En face, le groupe Benno Bokk Yaakar, regroupant les députés de l’ancien régime, est demeuré soudé même s’il n’est pas exclu que, contre espèces sonnantes et trébuchantes, beaucoup de ses membres votent le projet de loi de modification de la Constitution !
En effet, c’est seulement à travers la modification du Titre 6 de la Constitution 2001 modifiée en janvier 2022 de la Loi 66 bis intitulée du Haut Conseil des collectivités territoriales et du Titre 7 de la Loi 87-1 sur le CESE, prérogative absolue dévolue à l’Assemblée nationale que le président de la République peut dissoudre ces deux institutions. Encore une fois, toute la question sera de savoir si le président Diomaye Faye pourra obtenir suffisamment de votes pour faire passer son projet de loi. Il pourra sans doute compter sur la dynamique de compromis qui avait permis récemment aux députés de la majorité et à ceux de l’opposition de parvenir à un consensus ayant permis l’élaboration puis le vote d’un nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. De toutes les façons, un rejet du projet de loi du président Diomaye Faye lui donnerait toute la latitude de dissoudre l’Assemblée nationale qui bouclera le 12 septembre ses deux années d’existence. Dans ce dernier cas, la seule crainte c’est que le HCCT et le CESE vont continuer à exister jusqu’à la mise en place de la prochaine législature. Or, visiblement, pressés par la base de Pastef et par l’opinion d’une manière générale qui font pression pour que ces deux institutions soient dissoutes, le président de la République et son Premier ministre ne peuvent plus attendre !