POUR UN NOUVEAU PACTE POLITIQUE
À la lumière d'une gouvernance défaillante ayant aliéné le citoyen, le rapport des Assises nationales propose une reconfiguration en profondeur tant institutionnelle que sociétale du Sénégal à l'aune d'une présidentielle décisive - RÉSUMÉ RAPPORT GÉNÉRAL
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Fruit de vastes consultations populaires à travers le pays, le rapport des Assises nationales passe au crible plus de 50 ans de pratiques démocratiques au Sénégal. À l'aune d'un diagnostic sans concession, il ausculte les dysfonctionnements structurels de l'exercice du pouvoir : instrumentalisation rampante des institutions, personnalisation excessive de l'exécutif, déficit avéré de contre-pouvoirs, etc.
Le résumé des conclusions des travaux des Assises Nationales ci-dessous se fait l'écho des enseignements de cette consultation nationale citoyenne. SenePlus, après la publication de l'intégralité des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) tout au long de la semaine a souhaité terminé cette série par ce résumé d'une initiative unique en son genre dans l'histoire moderne du Sénégal. La mise à profit des conclusions des Assises nationales est d'une urgence absolue, à l'heure où le pays traverse une crise multidimensionnelle réclamant des changements en profondeur. Les propositions promues dans ce document charnière semblent plus nécessaires que jamais afin de répondre aux aspirations populaires en matière de transparence, d'équité et de bonne gouvernance.
La crise que vit notre pays nourrit une question qui habite tous les esprits : « où va le Sénégal » ? Pour répondre à cette question, il importe de s’adosser à nos traditions et à notre culture de dialogue.
C’est dans cet esprit que des segments de la société civile, de la société politique et de la diaspora ont décidé de la tenue des Assises nationales, lesquelles, en procédant par une démarche ouverte, inclusive, participative et transparente, avaient pour objectif général de trouver une solution consensuelle à la crise qui secoue notre pays.
Cette réflexion collective prend en charge la séquence qui va de l’indépendance à nos jours. Quatre objectifs étaient poursuivis :
1°) faire l’état des lieux dans différents domaines et secteurs de la vie nationale et locale ;
2°) proposer des éléments de bilan de l’orientation des politiques publiques nationales et locales ;
3°) réfléchir sur les conditions de refondation de l’État et des institutions ;
4°) répondre à la question : quel projet de société partagé pour le Sénégal ?
Les résultats de cette réflexion ont été restitués autour de deux axes :
- le bilan des politiques publiques et du vivre en commun de 1960 à aujourd’hui ;
- la stratégie de sortie de crise.
Pour le premier axe relatif au bilan, il apparaît que le Sénégal traverse une crise multidimensionnelle. Qu’est-ce qui, dans le fonctionnement de la société, peut expliquer les dérives observées dans la gouvernance des institutions étatiques et sociales ? Qu’est-ce qui explique l’instrumentalisation des institutions, malgré les dispositions juridiques et la tradition de dialogue de notre pays ? Pourquoi le fonctionnement du jeu politique peine-t-il à réguler et à équilibrer les relations entre les acteurs politiques ? Existe-t-il des règles ou mécanismes permettant de sauvegarder les valeurs républicaines, sociales et culturelles fortes dans lesquelles les Sénégalais peuvent se retrouver ? Comment “verrouiller” la Constitution, pour éviter toute dérive, et stabiliser les institutions sans entraver la liberté d’initiative ni induire une rigidité préjudiciable à leur fonctionnement ? Les solutions se trouvent-elles seulement dans les textes et, dans ce contexte, quelle place et quel rôle attribuer à la vertu ?
Voilà quelques interrogations qui permettent de dresser le bilan du vivre en commun.
La question des valeurs occupe une position transversale
Elle affecte l’Etat, les institutions, la création de richesse et la gestion du patrimoine ainsi que la gouvernance sociale et le développement durable. Les trois sources de valeurs modernes, traditionnelles et religieuses sont en interaction dans un « pays Finistère », ouvert aux apports extérieurs. Dans ces conditions, pluralisme et diversité sont devenus les traits caractéristiques du Sénégal mais cela va avec des risques de dévoiement par les élites de tous ordres comme par les simples citoyens. Le télescopage des différentes sources engendre, d’une part, l’écartèlement des acteurs entre valeurs globales de plus en plus dominantes et valeurs locales, d’autre part, la résistance au changement qui se manifeste notamment à travers le renversement de la hiérarchie des valeurs, l’instrumentalisation de la religion, de l’administration, de la constitution et des lois et règlements. Les leviers de changement devront tenir compte des tendances lourdes dont les principales ont pour origine le dynamisme démographique, l’urbanisation rapide et la déstructuration de la famille dans un contexte de paupérisation.
La gouvernance institutionnelle est une préoccupation centrale
La gouvernance est caractérisée, depuis 1960, par un dévoiement des institutions de la République. Le phénomène est cependant bien plus marqué depuis 2000, avec des manipulations répétées de la Constitution, un leadership institutionnel exclusiviste et directif, ainsi qu’un déséquilibre des pouvoirs qui prend sa source, il faut le reconnaître, dans l’après-crise de 1962. Cela s’explique par des institutions et une gestion du pouvoir calquées sur le modèle de la Cinquième République française, mais aussi par un renforcement de la tendance à la personnalisation du pouvoir.
La garantie de l’exercice effectif des libertés et des droits humains s’impose
Le Sénégal a ratifié les principales conventions internationales ayant trait aux libertés et aux droits humains. Toutefois, leur application révèle des violations de droits, une protection insuffisante des libertés, une instrumentalisation flagrante des services publics et judiciaires, des inégalités de toutes sortes entraînant une forme d’exclusion d’une partie des citoyens, un accaparement des médias d’État et la multiplication de radios à caractère ethnique et religieux.
Le bilan de la gouvernance locale et de la citoyenneté met en évidence le manque de rigueur dans le découpage administratif, la faiblesse des ressources locales par rapport aux compétences transférées, l’immixtion du pouvoir central dans la gestion locale et l’implication insuffisante des populations dans la prise de décision. Cela traduit un manque de vision partagée dans la gestion du terroir, accentué par la pauvreté et l’analphabétisme des populations, la faiblesse du niveau de qualification des dirigeants élus des collectivités locales, l’insuffisance de l’implication, voire la non-implication des citoyens dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques.
L’examen du système partisan et du système électoral montre, entre autres, une inflation de partis politiques (environ 150) avec une absence notoire de démocratie interne pour la plupart et un financement non maîtrisé qui pèse sur le processus et la pratique politiques, un code électoral à l’origine consensuel en 1992 mais qui fait, désormais, l’objet de modifications unilatérales, en violation des dispositions et recommandations de la CEDEAO, avec en particulier le non-respect du calendrier électoral. À cela s’ajoute le boycott, par une partie significative de l’opposition, des élections législatives du 3 juin 2007, suite à l’élection présidentielle contestée du 25 février 2007. Enfin, au sein du Sénat restauré en 2007, les membres nommés par le Président de la République représentent à eux seuls une proportion équivalente à la majorité qualifiée.
Sur le plan des institutions, des libertés et de la citoyenneté, les tendances qui se confirment ont trait :
- au déséquilibre et à la confusion des pouvoirs ;
- à la faiblesse des contre-pouvoirs ;
- à la personnalisation du pouvoir exécutif ;
- à la perversion de l’exercice du pouvoir à travers la corruption, la perception et l’utilisation des partis politiques et de l’appareil d’État comme moyen d’enrichissement et de promotion individuelle et catégorielle, la faible prise en compte de la souveraineté nationale dans les options politiques et dans les politiques publiques, l’accaparement et le détournement des mandats, notamment les mandats électoraux ;
- au non-ancrage des institutions dans les réalités sociales et culturelles avec, entre autres, un leadership aliéné par l’interférence du pouvoir religieux, le poids des pouvoirs traditionnels et religieux sur les groupes, les communautés et la classe politique ; un rapport au pouvoir et une culture politique qui ne sont pas en congruence avec l’option politique fondamentale (République, laïcité, État de droit, etc.) ; un manque de confiance des citoyens envers les institutions ; la non-appropriation par le plus grand nombre du modèle politique institutionnalisé ;
- à une faible indépendance des corps de contrôle et à la non-neutralité de l’administration face à une corruption grandissante et à une multiplication des cas d’enrichissement illicite ;
- à des velléités irrédentistes et à la difficulté d’assurer une cohésion sociale du fait du développement de sentiments d’injustice et d’inégalité.
- Si l’on considère les stratégies de sortie de crise, toute alternative devra inévitablement chercher à répondre aux questions suivantes :
- Comment crédibiliser les institutions et travailler à l’irréversibilité des acquis démocratiques ? Comment amener les citoyens à devenir les garants d’un tel processus ?
- Comment assurer, d’un côté, un équilibre adéquat des pouvoirs et, de l’autre, renforcer et élargir les contre-pouvoirs ? Comment institutionnaliser les processus participatifs dans l’élaboration, le suivi et le réajustement des textes fondamentaux ?
- Comment s’accorder sur une laïcité positive qui reconnaisse notre diversité au plan des valeurs cultuelles, des croyances religieuses et notre égalité devant la loi ?
La solution à la crise requiert une profonde autocritique et un consensus autour de valeurs et comportements concernant notre rapport au bien commun, nos modèles de réussite sociale et de consommation, ainsi que les prérequis d’un renouveau citoyen. En effet, l’exclusion de larges segments de la population des circuits modernes de production et de redistribution, la concurrence que différents pouvoirs parallèles mènent à l’État, l’ignorance de notions comme celles d’État, de Nation, de Patrie, le brouillage des repères et cadres moraux, les conséquences de la globalisation et de l’urbanisation, l’affaiblissement de la famille, appellent une refondation des institutions, ainsi que de l’action individuelle et collective pour renouveler nos modèles, nos manières de faire et façons de penser, nos modes de gouvernance, nos orientations économiques et sociales, nos rapports aux êtres et aux choses.
Refondation des institutions et des libertés
La refondation des institutions requiert un consensus fort autour de principes directeurs qui ont trait :
- à la laïcité de l’État ;
- à la République démocratique, comme forme de l’État ;
- à l’État unitaire et décentralisé, comme forme d’organisation ;
- au pluralisme culturel, politique, syndical et médiatique ;
- à la responsabilité des autorités publiques et à leur obligation de rendre compte ;
- à la concertation et à la participation ;
- à une constitution consensuelle, connue du peuple, sacrée et stable, assortie d’une procédure de révision juridiquement fixée, empêchant toute possibilité de manipulation ;
- à une Charte des libertés, de la démocratie et de la bonne gouvernance approuvée et amendée directement par le peuple souverain.
La refondation concerne aussi la gouvernance institutionnelle (comprenant le régime politique, les pouvoirs constitutionnels, le système électoral et les partis politiques), la gouvernance locale et le cadre d’expression citoyenne, la garantie effective des droits humains, le pluralisme culturel et social, la démocratie sociale, le pluralisme médiatique, les visions et les valeurs.
L’ordonnancement de la nouvelle gouvernance institutionnelle doit respecter impérativement la séparation et l’équilibre des pouvoirs, le principe du contrôle, tout en mettant en corrélation pouvoir et responsabilité.
Le pouvoir exécutif
Le président de la République, qui ne sera plus chef de parti et ne concentrera plus entre ses mains l’essentiel des pouvoirs, se verra appliquer les principes de responsabilité et de révocabilité. Il en sera de même pour le Premier ministre.
Le président de la République devra incarner l’unité nationale et garantir le fonctionnement régulier des institutions. Il sera le Chef des Armées, nommera les ambassadeurs du Sénégal et recevra l’accréditation des ambassadeurs des pays étrangers.
Issu de la majorité, le Premier ministre sera responsable devant le Parlement. Les ministres seront auditionnés avant d’être nommés.
Une attention particulière sera accordée à la stabilité de la nomenclature administrative, trop souvent malmenée, et à la neutralité de l’administration, réputée servir l’État et la Nation et censée être soumise à l’autorité de la loi. Le nouveau système garantira la neutralité de l’administration et de ses agents. Par ailleurs, l’administration devra être transparente dans ses procédures de recrutement et de carrière, de rémunération, de commandes publiques et d’information.
Le pouvoir législatif
Le Parlement, qui tire sa légitimité du suffrage universel, avec une représentation de la diaspora, verra ses pouvoirs renforcés pour contrôler l’action du gouvernement et impulser la vie politique. Il pourra faire objection à la nomination de ministres. Dans l’ordonnancement institutionnel proposé, les cumuls de mandat seront limités et rationalisés. Il sera également exigé des candidats aux fonctions électives de l’intégrité morale et de réelles qualités humaines.
La représentation nationale doit aussi aller dans le sens de la diversité sociale et culturelle et favoriser la parité.
Le pouvoir judiciaire
Ce pouvoir a en charge la régulation de l’équilibre des institutions, le respect de la loi et la garantie du respect des droits des citoyens. Son indépendance et l’extension de son champ de compétence seront affirmées dans le nouvel ordonnancement institutionnel.
La Cour constitutionnelle est la gardienne de la Constitution, de son esprit et de son application. Le Conseil supérieur de la Magistrature sera soustrait de la tutelle du Président de la République et placé sous celle du Président de la Cour constitutionnelle. Ainsi, les institutions judiciaires seront désormais : la Cour constitutionnelle, la Cour de Cassation, le Conseil d’État, la Cour des Comptes, les Cours et Tribunaux. Le lien étroit de sujétion entre le ministre de la Justice et le parquet sera rompu.
L’administration
L’administration sera rétablie dans sa posture de professionnalisme et de soumission exclusive à la loi. Son organisation sera reprécisée pour une meilleure stabilité et une rationalité qui mettront de l’ordre dans le recours inconsidéré aux Agences. Ses procédures seront réformées en vue d’une meilleure garantie d’efficacité et de transparence pour ses usagers, pour ses travailleurs, pour l’utilisation de ses moyens matériels et financiers, ainsi que pour ses fournisseurs et prestataires de travaux et de service. Sa neutralité sera garantie, en particulier par des mesures d’incompatibilité et d’inéligibilité. Enfin, le principe de l’obligation de rendre compte lui sera systématiquement applicable.
Les corps de contrôle
L’indépendance des corps supérieurs de contrôle de l’Etat nécessite leur constitutionnalisation, car ils encadrent l’action publique y compris celle des hautes autorités de l’État. Il sera créé une Autorité indépendante chargée de la vérification générale de l’État à la place de l’Inspection générale d’État. Le Vérificateur général sera nommé pour sept ans non renouvelables. Et la Cour des Comptes verra ses missions et ses moyens renforcés. Les deux institutions pourront saisir les Tribunaux en tant que de besoin. Pour améliorer le rendement du travail des fonctionnaires des mesures d’incitation permettront de récompenser les meilleures d’entre eux.
La lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite sera appuyée par un organe public indépendant doté du pouvoir d’auto-saisine et de saisine des tribunaux, ainsi que de prise de mesures conservatoires.
Le patrimoine de l’État et les libéralités
La normalisation des fonds spéciaux, singulièrement celle des fonds politiques et des fonds secrets, ainsi que la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement, des candidats à des postes électifs et de certains hauts fonctionnaires contribueront à moraliser la vie politique et à consolider la démocratie sénégalaise. L’octroi comme la réception de cadeaux seront réglementés avec précision de manière à leur donner un caractère symbolique.
La modernisation du système partisan et le système électoral
Comme l’inflation actuelle de partis politiques n’est pas un signe évident de vitalité de la démocratie, il importe de procéder à la rationalisation du système de création et de fonctionnement des partis. Il convient par ailleurs de soumettre ceux-ci à des règles de bonne gouvernance, de mettre en place un code de bonne conduite associative et, par le biais d’une loi, de régler la question de leur financement. Les partis doivent aussi assumer leur rôle par rapport à l’éducation et à la socialisation de leurs militants. Le système électoral (code, fichier, mode de scrutin, etc.) doit être transparent, avec un processus et un fichier d’une crédibilité incontestable. Le respect du calendrier républicain contribuera aussi à asseoir la confiance des acteurs par rapport au système électoral. Cette confiance, qui est un impératif pour le bon fonctionnement de la démocratie, se trouve à la base de la proposition de création d’une Autorité de Régulation de la Démocratie dûment dotée de pouvoirs et de ressources adéquats.
La gouvernance locale et la participation citoyenne
Le découpage administratif, la libre administration des collectivités locales, l’élargissement de leurs compétences et le renforcement de leurs moyens doivent obéir strictement à la logique du développement et à l’approfondissement de la démocratie. C’est pourquoi, il a été proposé l’institutionnalisation de mécanismes d’interpellation démocratique et citoyenne et l’autorisation des candidatures indépendantes à l’occasion de toutes les compétitions électorales.
Le pluralisme des médias
Le système démocratique visé ne peut pas se concevoir sans une presse responsable et libre qui joue son véritable rôle de contre-pouvoir. Aussi, sera soutenue la professionnalisation de la presse. En outre, sera élaborée une politique de communication permettant un appui aux médias et la promotion d’entreprises de presse viables. De plus, sera institué un Observatoire de l’audiovisuel. Une Haute Autorité indépendante veillera au respect du pluralisme médiatique.
La garantie des droits humains et de la citoyenneté
Il ne s’agit pas seulement de proclamer des droits mais surtout d’en garantir le respect en abolissant toutes les dispositions liberticides, en instituant un Juge des libertés ayant pouvoir de protéger les citoyens contre les arrestations arbitraires et les abus de la détention préventive. Le respect des minorités, la promotion des droits économiques et sociaux et la redéfinition des rapports entre le citoyen et l’État seront assurés en vue de consolidation de la citoyenneté. C’est la même philosophie qui justifie la nécessaire mise en cohérence des textes juridiques entre eux et avec les conventions internationales.
L’effectivité de l’exercice de la citoyenneté suppose le respect du pluralisme avec la sauvegarde de la diversité sociale et culturelle et la valorisation des langues nationales par le biais d’une politique culturelle et linguistique inclusive.
Gouvernance sociale
Après environ un demi-siècle d’indépendance, l’on ne peut qu’être frappé par le sentiment général d’insatisfaction des populations, tant en ce qui concerne leurs conditions de vie que la dégradation continue du cadre de vie dans les villes comme dans les campagnes.
Le système éducatif, qui est plus sous l’influence de programmes financés par des partenaires techniques et financiers que sous l’inspiration d’une vision politique propre, souffre de plusieurs maux. On note la dispersion des moyens, le faible taux brut de scolarisation (TBS) dans le moyen et le secondaire, un taux d’achèvement de la scolarité insuffisant, un taux de redoublement élevé et la baisse de la qualité. La progression du taux d’alphabétisation est lente et les objectifs en matière de construction de salles de classe sont faiblement atteints dans le primaire. Plusieurs classes fonctionnent encore dans des abris ou locaux provisoires. L’enseignement supérieur ne peut plus faire face à la demande tant en ce qui concerne les infrastructures que l’encadrement. En outre, l’action gouvernementale des dernières décennies s’est plus préoccupée de quantité que de qualité pas d’un rendement satisfaisant et d’une meilleure adéquation du système éducatif à la situation aux besoins du pays.
Au-delà des mesures indispensables et pressantes pour consolider les acquis, il est nécessaire et urgent de repenser et de réorienter la politique et les stratégies d’éducation/formation, sur la base d’un dialogue social et politique incluant toutes les couches de la population, en vue de la recherche d’un consensus fort et précis, permettant de définir un système scolaire et universitaire efficient, un modèle d’école adapté, les responsabilités des acteurs et le type de partenariat souhaités.
L’examen du secteur de la santé montre, malgré certains acquis, qu’en matière d’infrastructures, le Sénégal reste éloigné des normes internationales de couverture médico-sanitaire. Les coûts des prestations sont trop élevés par rapport au revenu moyen des populations. Par ailleurs, il existe une grande disparité et un grave déséquilibre entre la capitale et le reste du pays où l’accès aux soins spécialisés reste difficile voire inexistant. On note aussi l’absence de politique planifiée de formation et de recrutement de personnel soignant, le défaut de motivation pour servir dans les zones reculées, la pléthore d’agents peu ou pas qualifiés. D’un autre côté, la mauvaise application de la réforme hospitalière est aggravée par un endettement massif et une corruption favorisés par l’absence d’un contrôle digne de ce nom dans les établissements de santé.
De façon générale, les graves lacunes du système national de santé et de protection sociale peuvent être attribuées à un manque de volonté politique des autorités d’accorder à la santé publique la priorité qu’elle mérite, et de lui allouer, en conséquence, des ressources et des capacités de gestion appropriées. S’impose alors la nécessité d’une révision des dérives actuelles, en particulier celle de la privatisation rampante des prestations des soins qui a pour double conséquence leur renchérissement constant et l’impossibilité pour le plus grand nombre de Sénégalais d’y accéder.
Sur la question essentielle de la culture, la crise économique des années 1980, avec l’application des politiques d’ajustement structurel et de restrictions budgétaires, a entraîné la fin du mécénat d’État qui a caractérisé la période initiale. Aujourd’hui, outre l’habituelle instabilité ministérielle et l’absence de plan national de développement culturel, c’est la trop grande centralisation des infrastructures et de la vie culturelle à Dakar, au détriment des autres régions, qui est unanimement déplorée. À l’heure actuelle, la politique culturelle se réduit à de « grands projets » qui ne tiennent pas compte des besoins globaux et des exigences imposées par la prise en compte de la diversité culturelle.
Une politique culturelle digne de ce nom ne saurait se limiter à un chapelet d’édifices isolés les uns des autres, encore moins à des manifestations plus ou moins folkloriques et sans lendemain. Elle suppose une concertation large et ouverte à tous les acteurs, créateurs et autres professionnels des arts, de la culture et de la communication, à même d’en assurer la restructuration fondée sur les besoins et les aspirations de la majorité de nos concitoyens. Enfin, elle doit tenir compte de la diversité qui caractérise le pays et permettre d’éveiller le niveau de conscience culturelle de la jeunesse, afin de la préparer à faire face, intelligemment et efficacement, aux risques d’agression culturelle véhiculés par certains médias transnationaux.
La politique sportive pêche dans son application et la législation dans ce domaine n’est pas en cohérence avec les choix stratégiques en matière de formation des petites catégories, de détection des talents, d’infrastructures et d’affectation foncière, de ressources humaines et de répartition des subventions entre les fédérations. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une montée en puissance du “mouvement navétane”, à la perte de vitesse des clubs traditionnels et à la léthargie du sport scolaire et militaire.
Le dialogue social, politique et citoyen reste le parent pauvre des politiques publiques
Malgré les efforts fournis par l’État en matière de politique sociale depuis 1960, force est de constater que les résultats obtenus restent très en-deçà des attentes des citoyens. En ce qui concerne l’instauration de la démocratie sociale qui privilégie le dialogue et la concertation entre les partenaires sociaux en vue de solutions durables dans le monde du travail, le Sénégal est passé d’un système mono partisan avec syndicalisme monocolore à un multipartisme avec pluralisme syndical. Cependant, il s’agissait d’un système largement perfectible avec des conflits récurrents et parfois très durs.
Sur le plan politique, les émeutes qui ont suivi la proclamation des résultats des élections de 1988 ont conduit à l’entrée de l’opposition au gouvernement puis à l’adoption d’un Code électoral consensuel. Sur le plan social, le dialogue qui s’est progressivement installé autour des politiques économiques et sociales s’est structuré à la faveur de la dévaluation du Franc CFA.
Dans la période récente, cette option de dialogue social et citoyen, structuré et périodique, est interrompue depuis 2005, sans raison apparente, avec des risques sérieux pour la paix sociale.
Les éléments de progrès en matière de gouvernance sociale sont à rechercher dans la priorité à donner à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations : droits à la nourriture, au logement, à la santé, à l’éducation, à un environnement sain, à la mobilité, à l’information, à un système de solidarité cohérent et viable. En privilégiant le bien commun, l’État du Sénégal doit se placer nécessairement dans une perspective de rupture par rapport aux pratiques et politiques actuelles.
Création de richesse et gestion des finances publiques
L’examen des tendances récentes de l’économie montre un ralentissement de la croissance, l’aggravation des déficits budgétaire et extérieur, l’accentuation des inégalités sociales et la persistance de la pauvreté.
Le ralentissement de la croissance s’est accompagné de l’accélération de tensions inflationnistes, ce qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages. La baisse du taux de croissance, observée en 2006, résulte de la perte d’importantes parts de marché à l’exportation, suite à l’essoufflement de la plupart des secteurs traditionnels d’exportation du pays (arachide, produits halieutiques), du tourisme, et aux difficultés d’entreprises comme les Industries chimiques du Sénégal (ICS) et la Société nationale d’électricité (SENELEC). Le climat des affaires ne s’est pas beaucoup amélioré au cours de ces dernières années. Et c’est ainsi qu’en 2007, le Sénégal occupe le 100e rang sur 131 pays dans le classement du Forum économique mondial.
Concernant le profil de la croissance, de l’indépendance à nos jours, il apparait qu’en dehors de quelques circonstances exceptionnelles (flambée des prix des matières premières entre les deux chocs pétroliers) et de la période consécutive à la dévaluation du franc CFA de 1994, la croissance du PIB est généralement restée inférieure au croît démographique, ce qui s’est traduit par une tendance à la baisse du PIB par tête. Ceci s’explique par le lourd héritage et la dépendance de l’activité économique vis-à-vis d’une filière arachidière en perte de vitesse et dont la production est mal commercialisée et insuffisamment transformée, une détérioration de la productivité globale des facteurs, la faiblesse des taux d’épargne et d’investissement.
On peut citer la récurrence des déséquilibres qui résultent du fait qu’après l’avènement de l’indépendance, le Sénégal n’a pas fondamentalement remis en cause le modèle économique antérieur qui avait créé un système productif désarticulé, extraverti et dominé, très largement consacré aux activités de service, singulièrement au commerce, au détriment de la production agricole et industrielle. Dans ces conditions, les activités de service, le commerce en particulier, n’ont jamais permis à la production agricole ou industrielle de se développer ; d’où les profils de crise permanente de ces deux secteurs.
Les parts du secteur primaire et de l’agriculture, en particulier dans le PIB, baissent à partir de 1968, sans s’accompagner du boom industriel observé en Corée, chez les Tigres asiatiques ou lors du démarrage des pays développés.
Les orientations à donner aux politiques gouvernementales, en matière de croissance, visent d’abord à promouvoir la croissance potentielle à travers l’épargne et le taux de croissance à travers l’investissement productif.
Si l’on considère le degré d’insertion dans les transactions liées à l’économie internationale, aucune solution ne peut faire abstraction de la nécessité de redéfinir un positionnement agricole et industriel qui rompe la dépendance vis-à-vis de l’extérieur et permettre de passer à l’industrialisation. A cet effet, il s’agit de mieux s’ancrer dans l’UEMOA et la CEDEAO.
Le secteur dit informel joue un rôle central dans l’économie et la société sénégalaises. Il reste un fournisseur essentiel autant pour les biens de consommation courante que pour les services aux ménages, à travers les boutiques, les ateliers et les marchés ; par ailleurs, il remplit une fonction reconnue en matière de formation du capital humain. Nonobstant ce fait, ce secteur est marginalisé par les politiques publiques et subit des contraintes importantes de la réglementation économique et financière.
Les principales de ces contraintes concernent les difficultés d’accès au financement, la concurrence interne qui s’explique par la surpopulation du secteur, le faible recours aux méthodes modernes de gestion y compris la comptabilité, la confusion entre le patrimoine des affaires et celui de l’entrepreneur, la faible productivité.
Le financement de l’économie est caractérisé par la faiblesse du recours à l’investissement par l’épargne, une dette publique extérieure dont la baisse est le résultat de plusieurs restructurations et annulations de la dette, une forte augmentation du financement extérieur, grâce notamment aux transferts de fonds des émigrés et aux crédits bancaires.
Le bilan des politiques macro-économiques révèle une situation préoccupante des finances du pays, avec le déficit budgétaire actuel qui atteint un niveau comparable à celui des années d’ajustement, en dépit du rendement fiscal qui croît depuis la dévaluation du franc CFA et du contexte d’allègement substantiel de la dette extérieure. En l’absence de politique monétaire réelle, le principal instrument de politique économique aux mains de l’État se réduit au budget à travers l’impôt et l’emprunt. La politique commerciale ne fait pas l’objet d’une gestion prévisionnelle alors que, de 1960 à nos jours, la balance commerciale est déficitaire et que la couverture des importations par les exportations se détériore davantage depuis 2000.
Le fait que le franc CFA soit dans une parité rigide avec l’euro prive l’économie nationale d’un des leviers utilisés dans d’autres pays pour sauvegarder la compétitivité et, de façon plus générale, les comptes extérieurs. Quant au marché de l’emploi, le secteur informel en détient la part majoritaire (95 % en milieu urbain), mais c’est aussi lui qui crée la quasi-totalité des nouveaux emplois.
Au total, la croissance économique est non seulement peu génératrice d’emplois, mais les rares emplois créés sont générés par des secteurs à faible productivité et à bas niveau de rémunération. Les travailleurs bénéficient, certes, d’un dispositif de protection sociale, mais parmi eux moins de 5 % sont affiliés au système de sécurité sociale. L’environnement des affaires souffre de beaucoup de maux dont les difficultés de trésorerie, celles relatives à l’accès au crédit, la faible utilisation des outils de gestion et de la comptabilité, etc.
Le bilan des politiques sectorielles permet de noter qu’en plus de ne pas couvrir les besoins alimentaires du pays, l’agriculture n’assure pas à ses acteurs des emplois ou des revenus suffisants ; de surcroît, elle surexploite les ressources naturelles qui sont en dégradation continue. Les exportations agricoles sont peu diversifiées et en baisse, en termes de rentrée de devises.
L’agriculture, confrontée à plusieurs difficultés, est caractérisée notamment par :
- le manque de planification, des objectifs irréalistes, ne tenant compte ni des potentialités ni des habitudes alimentaires ni des marchés explorés (programmes spéciaux maïs, manioc, etc.) ;
- le manque de concertation avec les organisations de producteurs, dans la définition des priorités, des stratégies et des programmes ;
- la suppression des structures d’appui et de prestation de services aux agriculteurs, comme la SONAGRAINES et la privatisation de la SONACOS dans un manque total de transparence ;
- la mise en veilleuse des industries d’équipement et d’engrais et le recours à des importations qui, financièrement et économiquement, ne profitent qu’à quelques affairistes, au détriment du pays et des paysans ;
- la quasi-suppression du crédit agricole, pour les paysans individuels et les Organisations de Producteurs (OP) à qui sont imposées des conditions de plus en plus difficiles à remplir.
D’autres difficultés résident dans la liquidation des structures paysannes et la mise à l’écart des OP les plus représentatives, l’affectation mal ciblée des subventions, un sous financement ou une absence de financement de la collecte des récoltes. Les résultats mitigés des politiques successives montrent la nécessité de changer la perception du monde rural et l’approche de son développement en concertation avec les acteurs eux-mêmes. Il devient donc impérieux de changer de paradigme.
L’élevage et la pêche ne sont guère mieux lotis. Ils font face, respectivement, aux importations et à la surexploitation des ressources.
Les difficultés que connaissent les secteurs de l’industrie et de l’énergie sont structurelles. S’agissant de l’industrie, taillée pour l’ex-fédération des territoires de l’AOF, elle a dû réévaluer ses surcapacités de production puis se diversifier notamment dans l’agro-alimentaire, la chimie, les mines et le textile. Elle a exploré, sans grand succès, l’expérience de zones franches et la promotion des petites et moyennes industries dont les diverses structures d’accompagnement n’ont pas survécu à la crise de financement connue pendant la période d’ajustement structurel. Ainsi, concentrée sur un spectre étroit de secteurs et d’unités, l’industrie voit son taux de croissance diminuer sensiblement et sa répartition se concentrer à Dakar et ses environs. Dans la période récente, ses principaux fleurons (ICS, SONACOS, SAR, SENELEC) sont confrontés à une crise de gestion persistante. Au total, sa situation appelle un repositionnement stratégique.
La situation de l’énergie peut être résumée à travers le constat d’une double dépendance vis-à-vis des énergies fossiles (électricité et transports) et des ressources ligneuses (énergie domestique). La faiblesse de l’énergie hydraulique, malgré le barrage de Manantali, et la timidité du développement des énergies solaire et éolienne rend le pays dépendant des sources polluantes et onéreuses qui affectent la compétitivité des entreprises et ruinent le budget des ménages avec une discontinuité récurrente des approvisionnements et de la fourniture.
En matière d’énergie, il faut noter la négligence du recours à la tourbe dont dispose le pays et aux énergies renouvelables (éolienne et solaire) pour lesquelles les potentialités sont énormes. La revue des secteurs inclut également les ressources minières, les BTP, le tourisme et les transports aériens, la petite et moyenne entreprise, la micro-finance et le foncier, la recherche et les TIC.
équité territoriale et développement durable
Concernant l’aménagement du territoire et l’environnement, les déséquilibres géographiques hérités de l’époque coloniale se sont accentués, avec environ les deux tiers d’une population, estimée aujourd’hui à près de douze millions d’individus, concentrés sur moins du cinquième du territoire national. La situation est caractérisée par des déséquilibres d’ordre spatial, socio-économique et environnemental. En effet, les établissements humains, les activités économiques, les grandes infrastructures et les équipements sociaux sont concentrés dans la région de Dakar. On observe, par ailleurs, une dégradation accélérée de l’environnement et du cadre de vie et une prise en compte insuffisante des menaces liées au recul du couvert végétal, à l’avancée de la mer. Il faut aussi signaler la surexploitation des ressources halieutiques et minières.
Le Sénégal a précocement développé une réflexion sur l’aménagement du territoire en lui faisant une place dans sa planification et sa programmation budgétaire. Mais le caractère impératif du visa de l’aménagement a progressivement perdu de sa vigueur, avec les difficultés financières et la réforme des instruments de planification du début des années 1980. Il faut rappeler que le Sénégal s’est doté d’un plan national d’aménagement du territoire, validé en 1997, et qui n’a pas encore connu de véritable application. Ainsi, en l’absence de normes, les choix clientélistes ont pris de plus en plus d’importance. Il en résulte une exploitation non optimale du territoire et des ressources, comme c’est le cas dans l’agriculture où la pluviométrie, les terres arables, la population active et la production ne sont pas mises en cohérence. Par exemple, les zones à la fois les plus pluvieuses et les plus étendues sont les moins peuplées et représentent une part plus faible des superficies cultivées et de la production.
Toute politique d’aménagement durable du territoire suppose une approche concertée large, visant à promouvoir un processus d’élaboration de stratégies cohérentes, afin d’assurer l’accompagnement territorial des mutations sociales et environnementales, tout en considérant les transformations et les évolutions économiques. Une telle politique, fondée sur les principes de polycentrisme, de durabilité et de diversité, serait alors un « cadre de mise en cohérence des aspirations exprimées par les populations sénégalaises tenant compte des potentialités environnementales au niveau des différents terroirs ».
Une déconcentration équitable des moyens à l’échelle du territoire et une démarche cohérente de décentralisation présentent d’importants atouts, parmi lesquels on peut citer des interventions qui sont prioritaires pour asseoir une gestion prudente de l’environnement. Il s’agit d’inverser les tendances lourdes concernant la dégradation et la réduction des ressources naturelles, des milieux et cadres de vie, en vue d’assurer, dans la société, un environnement sain, productif et agréable, améliorant les conditions de vie et de travail des populations de l’espace national et sous-régional et ce, en ciblant quatre axes stratégiques :
- la contribution à la gestion durable des ressources naturelles pour la “lutte contre la pauvreté” et l’insécurité alimentaire ;
- la gestion des établissements humains et la lutte contre les pollutions et nuisances pour la promotion d’un environnement sain ;
- le renforcement des capacités pour une gestion durable et concertée de l’environnement ;
- le suivi de la mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement et la promotion de partenariats durables.
Valorisation du Sénégal et des Sénégalais de l’extérieur
Au chapitre de la politique extérieure, trois constats majeurs ont permis de définir de nouvelles orientations pour la politique étrangère :
- une diversification utile mais brouillonne des relations diplomatiques ;
- une gestion des ressources humaines empreinte d’informel ;
- des ressources financières plus importantes, mais à l’efficacité douteuse de leur utilisation.
Le Sénégal a toujours mené une politique étrangère dynamique, en contribuant largement à la marche du continent vers son indépendance et son unité, à la libération des dernières colonies, au démantèlement de l’Apartheid, en adhérant aux principales conventions internationales, en participant à toutes les opérations de maintien de la paix. Ces résultats ont été obtenus grâce notamment à un personnel diplomatique de qualité. Cependant, dans la période récente, des changements importants sont notés au niveau des critères de choix du personnel diplomatique et du processus de nomination qui n’est pas toujours conforme aux usages. Malgré le triplement des allocations budgétaires, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette politique, le rôle et la mission des représentations, voire leur utilité en fonction des critères objectifs d’une carte diplomatique. En tout état de cause, il est nécessaire de restaurer l’image du Sénégal. La redéfinition de la politique extérieure sera fondée sur des critères d’objectivité et d’efficacité. De plus, notre représentation devra privilégier l’Afrique et la sous-région et travailler à exiger une révision des règles de fonctionnement et de prise de décision des organisations internationales (Nations unies, G8, etc.).
La question de l’intégration régionale devient cruciale. De l’Organisation de l’Unité africaine à l’Union africaine se lisent l’histoire et les hésitations sur la question de l’intégration africaine, surtout devant l’obstacle majeur que constitue la souveraineté des États. L’élaboration du NEPAD constituait un nouveau départ avec une approche qui se voulait plus pragmatique. Mais le NEPAD tarde à réaliser les promesses de sa création, du fait de problèmes de leadership, de l’incapacité à définir une stratégie de mobilisation de ressources. Pour ce qui est de l’intégration régionale, on note des avancées dans le domaine de la coopération et de l’intégration monétaire, de l’implication dans les conflits, au niveau de l’UEMOA, de la CEDEAO, de certains organismes spécialisés. Cependant, beaucoup reste à faire, avec, notamment, la redéfinition des missions de certains organismes, une implication plus forte des populations, la construction d’infrastructures régionales, l’adoption d’une monnaie unique.
L’absence d’une politique migratoire digne de ce nom est à noter. Pays carrefour qui a une longue tradition d’émigration, le Sénégal joue un rôle important dans les dynamiques migratoires. L’estimation du nombre de Sénégalais installés à l’extérieur, principalement en Afrique, fait l’objet de chiffres très variés, les statistiques officielles donnant 650 000 émigrés et le ministère chargé des Sénégalais de l’extérieur 2 000 000 d’individus. Phénomène marginal avant la mise en place des visas et des autres barrières à l’entrée des pays d’Europe, l’émigration clandestine a pris des proportions d’autant plus dramatiques que les moyens de transport et les voies utilisés mettent en péril de nombreuses vies humaines.
L’émigration a généré en 2007 des transferts de fonds de plus de 500 milliards de FCFA. Ces transferts ne sont pas faciles à comptabiliser et sont peu orientés vers des activités créatrices de richesses. La diaspora est faiblement impliquée dans les politiques de coopération bilatérale et le cadre institutionnel de la politique migratoire est en perpétuel changement. Il importe d’assurer la représentation de la diaspora dans les instances délibératives de la nation, de créer une Assemblée des Sénégalais de l’extérieur et des Maisons des Sénégalais de l’extérieur et, sur le plan social, de renégocier les conventions collectives pour la protection sociale des ayant-droits ainsi que des conditions adéquates de versement des pensions de retraite. Sur le plan économique, il faut promouvoir un fonds de développement orienté vers le soutien à la création d’entreprises.
Les recommandations des Assises peuvent se résumer en trois catégories.
La première est celle des exigences citoyennes fortes formulées pour normer le jeu politique, économique et social par des règles crédibles, consensuelles et structurantes, qui placent le citoyen au centre des affaires publiques et mettent le dispositif institutionnel, social et économique au service exclusif de son bien-être. La deuxième catégorie est celle des prescriptions destinées à guérir le malade Sénégal des crises de sa vie politique, économique et sociale et qui, de ce fait, requièrent des mises à jour régulières. Enfin, la troisième, celle des contributions formulées pour prendre en charge des problématiques courantes que les futurs candidats à l’exercice du pouvoir auront à enrichir à la lumière de leurs doctrines, idéologies et programmes pour différencier leurs offres politiques.
VERS UNE NOUVELLE ÈRE DE GOUVERNANCE
ASSISES NATIONALES, LA CHARTE DE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE
LA CNRI, SON MANDAT, SA MÉTHODOLOGIE (1/4)
CNRI, LES ORIENTATIONS CITOYENNES POUR LA RÉFORME (2/4)
CNRI, CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS (3/4)