PURGE OU PURIFICATION ?
Le nouveau pouvoir remet en cause le principe de neutralité administrative, considérant certains hauts fonctionnaires comme trop liés à l'ancien régime. Une volonté de rupture qui suscite inquiétudes et controverses au sein de l'appareil d'État
Le Sénégal est en proie à une profonde mutation administrative. Les récents changements politiques ont relancé un débat houleux sur l'impartialité des fonctionnaires et le rôle de l'Administration dans la société. Les accusations de politisation de l'État, portées notamment par la presse, ont mis en lumière les tensions entre la volonté de rupture et la nécessité de préserver une Administration efficace et neutre. Alors que le nouveau régime cherche à imprimer sa marque, les questions se multiplient quant aux critères de sélection des agents publics et aux conséquences de ces choix sur la qualité des services rendus.
La question de l'impartialité au sein de l'Administration publique sénégalaise a été récemment relancée par les médias, dans un contexte politique marqué par des tensions. Les accusations portées à l'encontre de certains fonctionnaires ont ravivé le débat sur leur rôle et leur indépendance. Alors qu'un nouveau régime vise à instaurer un changement, des opinions divergentes se confrontent, souvent teintées de ressentiment et de manipulations.
Récemment, les médias ont soulevé un tollé en désignant plusieurs dirigeants du secteur énergétique comme des ‘’figures du système Macky Sall’’. Cette dénonciation a aussi bien suscité des applaudissements que des critiques virulentes. Les partisans de la nouvelle administration, notamment ceux du parti Pastef, saluent la volonté de séparer les partisans du passé des nouvelles dynamiques nécessaires à la construction d’un Sénégal nouveau.
En revanche, d'autres considèrent cette politique de ‘’purification’’ comme dangereuse pour le bon fonctionnement de l’Administration.
Pour les partisans de Pastef, l’heure n’est plus à la cohabitation avec ceux qui ont, par le passé, été perçus comme des obstacles à la mise en œuvre d'une gouvernance nouvelle. Ils soutiennent que l’Administration publique doit être composée de personnalités qui croient profondément aux nouvelles orientations politiques. Cette position traduit une volonté affirmée d'assainir le paysage administratif, de manière à ne plus laisser de la place à ceux qui pourraient freiner des initiatives jugées nécessaires à l'épanouissement du pays.
Dans cet esprit, les militants de Pastef soulignent la nécessité d'un changement radical, affirmant que les choix passés de certains fonctionnaires, notamment ceux ayant servi le régime précédent, doivent être réexaminés.
Loin de constituer un appel à la chasse aux sorcières, il s'agit d'une démarche perçue comme essentielle pour instaurer une confiance résolue entre le peuple, le gouvernement et l'Administration.
Cependant, cette approche, si elle est soutenue par une part significative de la population, suscite des questionnements quant à ses implications. L’exclusion systématique de fonctionnaires basés sur leur passé peut engendrer un climat de méfiance au sein de l’appareil d'État, nuisant à la continuité et à l'efficacité des services publics.
Les critiques émergent, notamment autour de la question de savoir si l'efficacité des services peut véritablement se fonder sur des affiliations politiques ou si elle ne devrait pas reposer davantage sur la compétence et l'intégrité des agents en place. Les récentes réalisations dans le secteur énergétique témoignent du fait que de nombreux hauts fonctionnaires ont accompli leur devoir avec loyauté, indépendamment des affiliations politiques.
Pour certains militants moins exigeants et partisans, cette démarche ne vise pas à instaurer une chasse aux sorcières, mais plutôt à garantir une Administration dynamique et efficace, capable de répondre aux défis actuels. La sélection des fonctionnaires devrait se baser sur le mérite, la compétence et l'engagement professionnel.
En procédant de la sorte, l'État peut non seulement renforcer son fonctionnement, mais aussi rétablir la confiance du public envers son Administration.
Conséquences de l'impartialité dans l'Administration
L'Administration sénégalaise a longtemps été perçue comme un bastion de continuité, transcendant les changements politiques. Les fonctionnaires, qu'ils soient hauts cadres ou simples agents, se sont souvent adaptés aux besoins des différents régimes.
Cependant, l'arrivée de Pastef a amorcé un changement de paradigme : ceux qui ne partagent pas les valeurs du nouveau régime se voient souvent exclus, ce qui constitue une dérive inquiétante. Fary Ndao, un acteur engagé, a partagé son inquiétude sur cette tendance, arguant que l'Administration doit rester un patrimoine commun, au service de tous, sans considération d'appartenance politique.
Dans une lettre ouverte adressée au ministre de l'Énergie Birame Soulèye Diop, l’inspecteur Abdoulaye Sylla dénonce les attaques ad hominem dont sont victimes les professionnels du secteur. Il argumente que la désignation de certains fonctionnaires comme ‘’infréquentables’’ à cause de leurs liens passés avec le régime de Macky Sall n'est pas seulement infondée, mais constitue également une menace pour l’intégrité de l’Administration. Ces accusations, à son sens, relèvent plus de la délation que d'une véritable analyse critique.
Pour certains citoyens, l'ascension du discours irascible de certains médias et de militants met en lumière un phénomène préoccupant. Les dénigrements sans fondement visent à créer un climat de peur et de méfiance.
À cet effet, il est essentiel, pour ces premiers, de rappeler que le journalisme doit être un outil de conscientisation et non un instrument de destruction des réputations. Les organes de régulation de la presse comme le CNRA et le Cored, doivent s’intéresser de près à ces dérives pour préserver la démocratie sénégalaise.
Le débat sur l’intégrité des fonctions publiques
Le débat sur l’intégrité des fonctionnaires est complexe. Certains citoyens soutiennent que le ministre Birame Soulèye Diop prend ses décisions en se basant sur la compétence et l’expérience de ses collaborateurs, indépendamment de leur passé politique. En ce sens, chaque fonctionnaire, qu'il soit sous l'égide d'un ancien ou d'un nouveau régime, doit être évalué sur ses résultats et sa loyauté envers l'État.
Pour cet officier d’état civil qui a servi pendant 25 ans avec plusieurs maires de différents régimes, il est impératif de reconnaître que parmi les fonctionnaires, il existe une majorité d'agents apolitiques, dédiés à leur travail et qui ne sont affiliés à aucun parti politique. ‘’Ces professionnels s’efforcent de servir l’Administration avec loyauté, quel que soit le régime en place. Leur engagement envers le service public est souvent fondé sur une éthique professionnelle solide et un désir sincère de contribuer au développement du pays. Ils incarnent un maillon essentiel à la continuité et à l’efficacité de l’Administration, reflétant ainsi une véritable impartialité dans l’exercice de leurs fonctions’’.
Il estime donc que la question de la compétence au sein de l’Administration demeure cruciale. ‘’Il est indéniable que certains postes ont été pourvus sur la base de considérations politiques, souvent au détriment de l’efficacité et de la performance. Dans cette optique, il devient nécessaire de réévaluer les qualifications des agents qui, en raison de leur recrutement fondé sur des quotas politiques ou des affiliations partisanes, ne répondent pas aux exigences de leurs fonctions. Ces individus, qui manquent de compétences nécessaires pour gérer des responsabilités stratégiques, doivent être remplacés’’.
En somme, un renouvellement basé sur l’efficacité et la compétence doit aller de pair avec la reconnaissance du dévouement des fonctionnaires apolitiques qui constituent la colonne vertébrale de l'Administration sénégalaise. L’équilibre entre navigation dynamique vers la performance et respect des valeurs de service public sera déterminant pour édifier une Administration au service de tous les Sénégalais, indépendante des influences politiques.