SALE TEMPS POUR KHALIFA
La commune de Dalifort-Foirail est désormais entre les mains de l’Alliance pour la république (Apr). Mouhamed Mbengue a battu le candidat de Taxawu Dalifort lors de l’élection pour la succession de Idrissa Diallo, décédé le 28 décembre dernier
La commune de Dalifort-Foirail est désormais entre les mains de l’Alliance pour la république (Apr). Mouhamed Mbengue a battu le candidat de Taxawu Dalifort lors de l’élection pour la succession de Idrissa Diallo, décédé le 28 décembre dernier. Une collectivité territoriale de plus qui échappe à la Coalition «Taxawu Ndakaru», mais surtout à Khalifa Sall, qui avait propulsé son lieutenant à la tête de la mairie.
A l’Alliance pour la république (Apr), c’est plus qu’une victoire. L’élection de Mouhamed Mbengue dit Baye Diop hier jeudi, à la tête de la commune de Dalifort-Foirail a le goût d’une revanche politique. Pour Taxawu Dalifort, le camp d’en face, ce revers a une saveur amère, avec un énorme sentiment de dégoût. Au deuxième tour de l’élection pour la succession du défunt maire, Idrissa Diallo, son poulain Thierno Fall a été laissé sur la touche. Ils étaient six candidats à briguer le suffrage des 46 conseillers municipaux. A l’issue du premier tour, le candidat de l’Apr, Mouhamed Mbengue, est arrivé en tête avec 17 voix, suivi du candidat de Taxawu Dalifort, Thierno Fall avec 16 voix. Après le deuxième tour, Mouhamed Mbengue succède à Idrissa Diallo avec 27 voix contre 17 pour Thierno Fall. La commune tombe ainsi dans l’escarcelle de la mouvance présidentielle, dirigée par l’Apr. Un coup dur pour les pro-Khalifa Sall. L’ancien maire de Dakar qui a dirigé et gagné de main de maître les Locales de 2014 voit ainsi Dalifort lui filer entre les doigts. Le legs de son défunt allié ne sera pas perpétué par un autre de ses lieutenants. Pourtant, la victoire de Khalifa Sall et de ses lieutenants en 2014 fut éclatante. La grande coalition a raflé 15 des 19 communes de Dakar. Les dissidents du parti socialiste régnaient en maîtres dans la capitale. Mais ça, c’était avant. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La Realpolitik a fait son œuvre. Des manœuvres menées çà et là ont fait perdre à Khalifa Sall, le contrôle des mairies des Parcelles-Assainies, de Dakar-Plateau, des Hlm de la Patte d’Oie, mais surtout son prestigieux fauteuil de maire de Dakar. Et hier, Dalifort est venue s’ajouter à la liste. Dans un contexte de reconquête de la capitale, la tâche s’avère plus difficile pour Khalifa Sall, qui semble n’avoir plus le vent en poupe.
«L’Apr ne laissera aucun espace libre à Khalifa Sall»
Au delà des manœuvres politiques et politiciennes, le séjour carcéral de Khalifa Sall a beaucoup joué sur son diktat dans la capitale. C’est dans ces moments que beaucoup de ses proches se sont dirigés vers les prairies marrons. «Ce qui s’est passé à Dalifort était prévisible. Khalifa Sall, ses ennuis judiciaires lui ont causé beaucoup de tort expliquant le départ d’un certain nombre de maires qui lui étaient très proches. Il y en a qui attendaient un mouvement solide, mais comme il était en prison, il n’y avait pas quelqu’un qui puisse le remplacer et jouer le rôle de coordonnateur. Ce n’est pas surprenant», croit savoir le docteur en Sciences politiques, Enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Mais pour Madiop Diop, maire de Grand-Yoff, fidèle allié de Khalifa Sall, ce qui s’est passé à Dalifort ne signifie pas que Khalifa Sall n’a plus la cote. Cela a un nom, qui n’est autre que «trahison». «Nous sommes très surpris. Nous pensions que les conseillers municipaux avaient de la hauteur et de la retenue, mais surtout une grande détermination pour garder leur mairie. Nous ne pouvons concevoir qu’une liste qui a obtenu 7 conseillers prenne la mairie. Il y a de la trahison. Les conseillers devaient avoir plus de personnalité. Les populations de Dalifort avaient choisi la liste dirigée par Idrissa Diallo. Dalifort n’a pas voté pour l’Apr. Les conseillers de Taxawu Dalifort ont trahi la confiance des populations», lâche Madiop Diop, furax. L’un dans l’autre, Dr Diaw est on ne peut plus clair. «Ce ne sera pas facile pour Khalifa Sall, d’autant plus que l’Apr ne laissera aucun espace libre. Cette tendance à contrôler tout espace, à marginaliser leurs adversaires pour dérouler leur stratégie de dispersion de l’opposition et jouer un rôle de maître absolu de l’espace politique. L’Apr cherche à écarter toutes velléités d’opposition. Ce sera difficile pour Khalifa Sall, d’autant plus qu’il a l’épée de Damoclès sur la tête avec ses démêlées judiciaires.»
«Perdre le contrôle d’une mairie n’a aucun impact sur l’électorat de Khalifa Sall»
Dans la tête de Madiop Diop, rien ne pourra écarter cette idée. Il en fait une religion. «Perdre le contrôle d’une mairie n’a aucun impact sur l’électorat de Khalifa Sall, jure le maire de Grand-Yoff. Ce n’est pas parce que les maires ne sont plus avec Khalifa Sall que les populations aussi lui tournent le dos. C’est l’élection qui permet d’auner le poids électoral de tout le monde. Je peux aller soutenir Macky Sall, mais ce n’est pas pour autant que la commune de Grand-Yoff me suivra. Ce n’est pas une évidence, il faut relativiser. Il ne faut pas confondre un maire ou une mairie qui échappe à Khalifa Sall et des militants qui lui tournent le dos. Cela n’a aucun impact sur l’électorat de Khalifa Sall. Les Locales ne sont plus loin et cela va permettre de savoir que Khalifa Sall garde toujours une base solide.» Pour davantage gagner en sympathie, Khalifa Sall devra s’ouvrir aux autres, selon Dr Diaw. «Ce qui est arrivé ne signifie pas que Khalifa Sall va en perdre davantage, qu’il sera marginalisé, loin de là. Tout dépendra de sa capacité de reprise en main de son mouvement. Il est vrai que le contexte n’est pas du tout favorable, compte tenu de la situation qu’on vit avec la pandémie où l’activité politique est en berne. Il est évident qu’il a réessayé de reprendre ses activités, de négocier, de nouer d’autres alliances, d’élargir ce mouvement, mais on ne sait pas encore ce que cela va donner. Il faudra une autre alliance, d’autres pôles qui permettront d’élargir sa base, de reconquérir les espaces qu’il a perdus. Il reste à voir avec les prochaines échéances électorales, ce que ça va donner. Saura-t-il reprendre du poil de la bête, ou perdra-t-il davantage ? Mais, pour l’instant, le constat est là : il a perdu des mairies.»
Dans la commune de Biscuiterie, après le décès de Doudou Issa Niass où son premier adjoint Ndiaga Dieng était en pole position, les poulains de Khalifa Sall ont dû nouer une alliance avec le candidat Djibril Wade pour contrecarrer les manœuvres du Ps. Leur stratégie s’avèrera payante. Un rappel de Madiop Diop pour dire que Khalifa Sall a plusieurs cordes à son arc. «Que Macky Sall nous lâche, si comme il le dit, Khalifa Sall n’a plus de force en politique, qu’il le laisse en paix pour participer à toutes les élections. Il faut qu’il arrête les crocs-en-jambe et il saura que Khalifa Sall reste le choix de Dakar. Ils pourront faire toutes sortes de tractations et de manœuvres, mais Dakar ne sera jamais entre leurs mains. Le plus important, c’est que nous les maires qui sommes restés avec Khalifa Sall, ayons un bilan à défendre dans nos communes et dans les communes où les maires ont lâché Khalifa Sall, faire en sorte d’y avoir une liste solide pour renverser la tendance.»