«SI MACKY SALL DEVAIT SE CHOISIR UN ADVERSAIRE,…»
Mise à l'écart de Khalifa Sall - Exil de Karim Wade - Retour au premier plan d'Idrissa Seck - ENTRETIEN AVEC L'EDITORIALISTE DE SENEPLUS, MOMAR SEYNI NDIAYE
La mise à «l’écart» de la candidature de potentiels adversaires sérieux, en l’occurrence celle du Parti démocratique sénégalais (Pds) avec Karim Wade ou encore celle du maire de la ville de Dakar, Khalifa Sall, qui doit d’abord se défaire de Dame justice, serait un choix par défaut pour le chef de l’Etat, Macky Sall. En tout cas, le journaliste-analyste politique Momar Seyni Ndiaye reste persuadé que si le chef de l’Etat devait se choisir un adversaire pour la présidentielle de 2019, son choix ne porterait pas sur le patron du parti Rewmi, Idrissa Seck, le «plus acharné», à son avis. Qui plus est, révèle-t-il, «Idrissa Seck a changé de stratégie».
En écartant Karim Wade et Khalifa Sall presque sûr d’être condamné, le président Macky Sall ne renforce-t-il pas Idrissa Seck dans sa quête de la magistrature suprême ?
Jusqu'à preuve du contraire, Khalifa Sall bénéficie de la présomption d'innocence. Il continue, en conséquence de jouir de ses libertés fondamentales parmi lesquelles, le droit de se présenter à toute élection. Il est vrai que les charges qui pèsent sur lui sont très lourdes. Il faut espérer pour lui et pour la vitalité de notre démocratie qu'il se tire d'affaire. Notons au passage que Khalifa Sall n'a jamais publiquement annoncé ses ambitions présidentielles. Quant à Karim Wade, il a été jugé et condamné par une Crei dont personnellement je n'approuve pas la légitimité. Il a accepté volontiers d'être exfiltré dans des conditions encore obscures et ne peut en aucun cas se prévaloir de sa propre turpitude. De toute manière, le code électoral lui interdit toute possibilité d'élire et de se faire élire, en dépit de sa grâce présidentielle qui est un élément de cette entente qui l'a mené dans sa prison dorée de Doha. J'attends, pour ma part, la tournure du procès, de Khalifa Sall pour mesurer le niveau d'indépendance de notre justice, car c'est à elle qu'il reviendra en fin de compte le devoir de prononcer un verdict juste et équitable. Idrissa Seck espère tirer toute l'opportunité d'un contexte qui lui est favorable. Je ne suis pas certain que si le Président Macky Sall devait se choisir un adversaire, il porterait ce choix sur son adversaire le plus acharné.
Macky Sall ne risque-t-il pas d’en subir le contrecoup quand on sait qu’au Sénégal, une élection se gagne difficilement au premier tour ?
Il est vrai qu'au Sénégal toutes les deux alternances (2000 et 2012) se sont effectuées au second tour. Mais en 2007, Wade est passé au premier tour. L'opposition serait bien avisée de ne pas considérer le second tour comme inéluctable. Tout comme la majorité commettrait l'erreur fatale de penser que le KO au premier round relève de l'évidence et de la certitude. Certes, la prime au sortant peut bien bénéficier à l'actuel locataire du Palais de l'Avenue Roume. Le bilan macroéconomique et la mise en œuvre jusqu'ici globalement réussie du Pse sont des atouts appréciables. Mais sur le volet immatériel, le respect des libertés politiques, le retard dans la mise en œuvre des ruptures promises, les dérapages sociaux, etc, laissent un goût amer chez les Sénégalais. Les bastions de Dakar et Touba, gros réservoirs d'électeurs, ne sont pas encore conquis par la majorité. Et la majorité n'est pas à l'abri de ce qu'on appelle le péril de la perception, même sur fond de résultats économiques probants.
Idrissa Seck, en perte de vitesse sur son poids électoral depuis 2007, n’a-t-il pas besoin de revoir ses stratégies envers l’électorat sénégalais ?
Manifestement, Idrissa Seck a changé de stratégie. De la posture d'intermittent du paysage politique qu'il était, il est aujourd'hui en quête d'ancrage national dans le Sénégal des profondeurs qu'il parcourt par monts et vaux. Est-ce suffisant pour le décrédibiliser aux yeux des Sénégalais à la recherche d'un leader charismatique de l'opposition ? Pour l'heure, il a deux défis à relever : remobiliser son parti Rewmi en effritement et réunir autour de lui des alliés inconditionnels pour s'imposer comme le vrai challenger à Macky Sall. A peine un peu plus d'un an de la présidentielle, ce pari paraît bien titanesque.