UNE INDÉPENDANCE À GÉOMÉTRIE VARIABLE
Si le rôle majeur joué lors de la présidentielle de 2024 a été loué, la justice sénégalaise n'a pas échappé à la critique sur des affaires aux relents politico-judiciaires
Du 8 au 12 juillet prochain, une délégation d’éminents juges du Forum des juges et juristes africains (AJIF) conduite la juge émérite et universitaire de renom Danielle Darlan de la Centrafrique se rendra à Dakar. L’objectif de cette visite est d’exprimer la solidarité du continent africain aux membres du pouvoir judiciaire du Sénégal pour la résilience et le courage dont ils ont fait preuve au début de l’année lorsqu’ils ont garanti le respect de la constitution, dans des circonstances extrêmement difficiles, pour assurer que les élections se tiennent dans les délais prévus par la loi fondamental de notre pays. Toutefois, force est de reconnaitre que cette même justice a failli à plusieurs reprises dans différents dossiers aux relents politiques.
La présence de l’Exécutif dans le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne lie pas les magistrats si l’on se réfère à l’organisation de la présidentielle de 2024 ? La plupart des analystes s’accordent que le Conseil constitutionnel, a contre, toute attente, infligé un ciglant revers au chef de l’État en lui demandant dans un premier temps, le respect du calendrier républicain qui est d’organiser les élections présidentielles selon les dispositions de la Constitution. Cette première déroute actée, il revenait au président Macky Sall de choisir une date pour la tenue de l’élection présidentielle. Des justificatifs ont été trouvés pour l’organisation de la présidentielle à une date qui dépasserait les délais impartis. Là également, le Conseil constitutionnel a tordu la main de celui qui fût président de la République pour décider d’une date qui allait circonscrire la présidentielle dans le temps constitutionnel. Un coup de maitre !
Le rôle de la justice avait été salué, et le président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara, l’a rappelé lors de la prestation de serment du président de la République, Bassirou Diomaye Faye. Le Conseil constitutionnel a aussi fait étalage de sa force dans le choix des candidats.
Mieux, un juge qui décide selon son intime conviction, on l’a senti lors de l’exclusion d’Ousmane Sonko, des listes électorales. Après la décision de l’Etat, le tribunal d’instance de Ziguinchor, a jugé la décision illégitime en demandant la réintégration de l’exclu. Une décision que confirmera le tribunal de grande instance de Dakar, après le recours des avocats de l’Etat du Sénégal. L’arrestation d’un chef religieux à Podor a valu au magistrat Ngor Diop, une procédure disciplinaire. L’ancien président du Tribunal de Podor a été affecté en août 2020 comme conseiller à la Cour d’appel de Thiès. L’Union des magistrats sénégalais (UMS) avait porté le combat. Le juge a été rétabli dans ses droits par la chambre administrative de la Cour Suprême.
A côté de ses cas qui ont confirmé l’exemplarité de la justice sénégalaise, les nombreuses arrestations à la vielle de la présidentielle ont conforté les défenseurs des droits humains dans leur idée que les décisions judiciaires sont dictées. Il a été constaté beaucoup de mandats de dépôt et d’entraves à la liberté de Sénégalais sous prétexte d’une atteinte à la sureté de l’Etat, la participation à une manifestation interdite ou plus grave encore, le terrorisme. Des personnes inculpées sont devenues libres sans jugement au nom d’une loi d’amnistie décidée par le président de la République Macky Sall, à quelques semaines de la présidentielle de 2024.
Les démêlées judiciaires d’Ousmane Sonko ont été assimilés à des représailles du pouvoir de Macky Sall contre un aspirant au fauteuil présidentiel. Pis, l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar qui a valu au maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, une détention synonyme de sa non-participation à la présidentielle de 2019, est jugée arbitraire.