25 % DES FILLES ONT-ELLES SUBI UNE MUTILATION GÉNITALE ?
Au Sénégal, une fille sur quatre a subi une mutilation génitale, selon l’ambassadeur de Grande Bretagne au Sénégal, George Hodgson - Africa Check a vérifié
« Malheureusement, une fille sur quatre au Sénégal a subi la mutilation génitale féminine. Avec l’appui de @DFIDUK ( Department for International Development, le département britannique pour le développement international ) et encadrées par Amnesty International, ces femmes ont eu des vrais succès dans la lutte contre cette pratique dangereuse. Les témoignages sont inspirants », a regretté l’ambassadeur, dans un tweet posté le 4 septembre 2018.
La veille, M. Hodgson a présidé un atelier organisé par la section sénégalaise d’Amnesty International, dans le cadre du programme « Réduire le taux de mariages précoces et de mutilations génitales féminines dans trois pays : le Sénégal, la Sierra Leone et le Burkina Faso ».
Dans un reportage diffusé par le site d’informations Dakaractu, le diplomate a fait le même constat. « Malheureusement, il y a toujours à peu près un quart des filles qui subissent la mutilation génitale. C’est quelque chose qui nuit à leur santé et qui freine le développement social du pays », a-t-il souligné.
Nous avons examiné cette déclaration.
D’où tient-on ce taux ?
Africa Check a envoyé un courriel au service Presse et Relations publiques de l’ambassade de Grande-Bretagne à Dakar.
En parlant, l’ambassadeur « avait en tête les trois pays couverts par ce projet financé par le gouvernement britannique », a répondu le chargé des affaires, Ibrahima Bob.
Pour avoir plus d’éléments sur la question, il a mis en relation Africa Check avec Aminata Dièye, la coordonnatrice du programme à Amnesty International.
Une « pratique continue mais cachée »
« Son Excellence n’a pas parlé de taux relatif au Sénégal, il a plutôt parlé de risque au Sénégal, mondial, et spécifiquement au niveau de l’Afrique de l’Ouest », a confié Mme Dièye à Africa Check.
Elle a précisé qu’« il était difficile de parler de taux dans la mesure où la pratique continue de manière anonyme, cachée à cause de la loi ».
« De plus en plus, la pratique se fait sur de petites filles. Le taux officiel est par tranche d’âge selon les chiffres des agences des Nations unies », a-t-elle ajouté.
Que disent ces organisations ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) renseigne que le taux de prévalence des mutilations génitales était de « 28,2 % », en 2005.
Un « aperçu statistique » sur les « mutilations génitales féminines/excision » réalisé par l’Unicef, en 2009, renseigne que le taux des filles et femmes âgées de 15 à 49 ans victimes de cette pratique était de 26 %, soit un peu plus d’une femme sur quatre. A l’époque, le pourcentage des filles de 0 à 14 ans était de 12 % au Sénégal.
Un an auparavant, la « Déclaration interinstitutions » co-signée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’ONUSIDA, le PNUD, ainsi que six autres organisations onusiennes renseignaient que le Sénégal était dans le lot des pays africains ayant un taux de mutilations génitales entre 25 et 50 %.
La pratique a-t-elle gagné de l’ampleur ?
Lors de la célébration de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales au Sénégal, en février 2018, l’Unicef a indiqué que le pourcentage est désormais de 14 % chez les filles âgées de moins de 15 ans.
Ce taux est l’un des résultats de l’enquête démographique continue réalisée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).
L’ANSD précise, dans ce rapport, qu’il y a un « rajeunissement de la pratique de l’excision » au Sénégal et recommande la « prudence dans le taux de prévalence », compte tenu de son « caractère caché ».
Conclusion : le chiffre est caduc et peut induire en erreur
L’ambassadeur de la Grande-Bretagne a déclaré qu’une fille sur quatre au Sénégal a subi une mutilation génitale.
Les données officielles montrent que ce taux de prévalence date de 2009. Il a évolué depuis lors. Les dernières statistiques de l’ANSD renseignent sur la prévalence de la pratique sur différentes tranche d’âge. Elle est de 21 % pour les filles de moins 19 ans et 14 % pour les filles de moins de 14 ans.
Nous estimons donc que le chiffre est caduc et peut prêter à confusion car il n’y a pas un âge défini pour identifier les filles dans les différents rapports officiels portant sur le sujet.