PAPE MOUSSA THIOR DÉCONSTRUIT LES PERCEPTIONS SUR LE COVID-19
A en croire l’ancien directeur du programme national de Lutte contre le paludisme, les deux seuls moyens d’en finir avec une telle maladie, dans le long terme, c’est soit la vaccination, soit l’immunité collective
L’ancien directeur du programme national de Lutte contre le paludisme (pnlp) continue de déconstruire les perceptions des Sénégalais sur le Covid-19. Dr Pape Moussa Thior estime que la maladie n’est pas aussi dangereuse et que l’Etat doit aller au-delà d’un simple assouplissement et lever, avant le 2 juin prochain, toutes les mesures de restriction imposées jusque-là.
Il n’est plus uniquement dans la dédramatisation. Il est en train de déconstruire toutes les perceptions établies jusque-là autour du nouveau coronavirus. L’expert en santé publique, Dr Pape Moussa Thior soutient que dans le cadre de la gestion d’une épidémie comme le Covid-19, il faut penser global et agir local. L’ancien directeur du Programme National de Lutte contre le Paludisme (Pnlp), invité hier de l’émission «Grand Jury» sur la «Rfm», indique que la maladie en tant que tel n’a pas causé beaucoup de dégâts. Une manière de pointer du doigt la stratégie adoptée par les autorités sanitaires.
A en croire Dr Thior, les deux seuls moyens d’en finir avec une telle maladie, dans le long terme, c’est soit la vaccination, soit l’immunité collective. Ce qui n’exclut pas, ajoute-t-il, le renforcement des gestes barrières ainsi que la surveillance épidémiologique. D’ailleurs, il a proposé un renforcement du dépistage accompagné d’une bonne organisation. «Il faut un dépistage de masse, mais ciblé dans la mesure où il n’est pas possible de tester toute la population. Cela n’a pas de sens. Et cela coûterait extrêmement cher. J’ai vu des estimations qui montrent que cela coûterait 300 milliards Fcfa, si on testait 90% de la population», affirme t-il.
L’expert en Santé publique estime qu’on a tellement fait peur aux populations qu’à la fin les médecins travaillent dans un environnement de stress et de peur. C’est pourquoi, Monsieur Thior s’est félicité des mesures d’assouplissement prises par le chef de l’Etat qui, selon lui, auront l’avantage d’occuper les populations au lieu de rester là à suivre chaque jour le bulletin à 10 heures qui va encore les maintenir en stress. «Les gens vont ainsi aller travailler et laisser les médecins faire leur travail naturel qui est de suivre les malades quelles que soient leurs pathologies», précise Dr Thior.
«LE COVID-19 N’EST PAS UNE MALADIE TRES CONTAGIEUSE»
Poursuivant, Dr Pape Moussa Thior souligne que le covid-19 n’est pas une maladie très contagieuse. «Ce sont les chiffres qui le disent. Pourquoi on continue à dire qu’elle est très contagieuse ? Lorsqu’une personne est testée positive, on identifie toutes les personnes qui ont eu à être en contact avec elle. Sur un test de 100 contacts, 7 à 12 deviennent positifs, alors ce n’est pas une maladie très contagieuse », affirme-t-il avant d’ajouter que le taux de létalité est de 1% et cela dénote un excellent indicateur qui renseigne sur la qualité de la prise en charge des malades. Ainsi, il demande que l’état d’urgence et le couvre-feu soient levés avant la date du 2 juin, estimant que ces mesures de restrictions ne se justifient pas.
A défaut, se désole-t-il, les résultats attendus par le chef de l’Etat dans le cadre de cet assouplissement seront compromis. Parce que, dit-il, l’économie ne pourra jamais reprendre normalement si les gens ne circulent pas. «J’estime qu’on ne peut pas empêcher les gens de circuler entre les régions. Dakar a la particularité de concentrer l’essentiel des structures de santé du pays. Les malades qui sont pris en charge dans les centres anticancéreux et les centres chirurgicaux ne viennent pas de Dakar. Ils viennent de Matam, de Podor, de Ziguinchor etc. Et pour venir à un rendez-vous médical, ils rencontrent des difficultés parce que les transports publics ne marchent pas. On est train de vivre un drame souterrain causé par ces mesures. Pourquoi continuer à faire l’état d’urgence ?», s’est-il interrogé. Il considère que tout le monde sait que le confinement ne sert à rien. Et d’ajouter : «Le confinement ne sert à rien, car la transmission n’a pas été rompue au bout de deux mois. Le virus continue toujours à circuler. Le confinement n’est qu’un élément qui vient s’ajouter à l’armada de lutte contre la maladie». Toujours selon Dr Thior, le virus n’a pas la même virulence en Afrique qu’en Chine ou Europe. Ce qui pourrait être dû à la jeunesse de la population africaine. Tout compte fait, il affirme que le virus a un comportement dans un environnement X et un autre dans un environnement Y.
«LA STIGMATISATION VIENT DE LA FAÇON DE COMMUNIQUER DU MINISTERE DE LA SANTE»
Parlant par ailleurs de la stigmatisation, il souligne que cela fait paniquer de voir des gens en équipement de protection individuelle venir en plein jour dans la lointaine banlieue cueillir des gens contaminés ou suspects. «C’est de là que part la stigmatisation. La stigmatisation vient aussi de la façon de communiquer du ministère de la S, notamment sur la définition des cas communautaires, laquelle a fait peur aux gens. Si on veut régler ce problème de stigmatisation, le ministère doit revoir sa manière de communiquer», explique-t-il.
S’agissant de la réouverture des lieux de culte, il affirme qu’il n’est pas démontré que les mosquées sont des lieux de propagation du virus. «Donc, je suis pour leur ouverture. Ce sont les rassemblements anarchiques qui sont dangereux. Il faut juste surveiller les rassemblements et les superviser. On n’a pas besoin d’un dispositif de contrôle. Il faut sensibiliser la personne de sorte qu’elle devienne son propre gendarme. Il est nécessaire de communiquer de façon à amener les populations à identifier les risques, à évaluer et comprendre leurs vulnérabilités. C’est ce qui peut les inciter à adopter les bons comportements et à s’approprier les mesures de lutte», a-t-il conclu à ce propos.