LA SANTE MATERNELLE EN PERIL A THIALLANE
À Thiallane, l’une des 19 îles du Saloum (région de Fatick), la santé maternelle constitue une sérieuse équation. Si l’on se fie aux habitants, la case de santé du village peine à assurer correctement les soins.
À Thiallane, l’une des 19 îles du Saloum (région de Fatick), la santé maternelle constitue une sérieuse équation. Si l’on se fie aux habitants, la case de santé du village peine à assurer correctement les soins. Pour se soigner, ils sont parfois obligés d’aller dans un village voisin du nom de Bassar à l’aide d’une petite pirogue, assistée aujourd’hui par une vedette-ambulance. Il arrive, selon beaucoup de témoignages, que des femmes accouchent au cours de l’évacuation.
C’est une triste réalité. À Thiallane, il arrive que des femmes enfantent à l’air libre, au cours d’une évacuation sanitaire. Dans cette île, située dans la commune de Bassoul (région de Fatick), les populations vivent le calvaire d’un manque criant d’infrastructures sanitaires adéquates. À l’entrée du village se dresse un bâtiment de couleur blanche, orné de dessins. Il s’agit de la case de santé qui a été récemment réfectionnée. À côté, une petite construction sert de dépôt de pharmacie. Les quelques rayons qui le meublent sont insuffisamment chargés. À l’intérieur de la case, le bureau de l’agent de santé communautaire abrite un matériel modeste, composé de paquets de médicaments et de quelques documents. À cette heure de la journée où les femmes s’activent dans la préparation du déjeuner, la case n’accueille pas encore de patient. N’empêche, les témoignages n’ont pas manqué. « À vrai dire, nous vivons un risque d’une gravité énorme. C’est la santé des habitants de tout un village qui est menacée », se désole un habitant sous le couvert de l’anonymat.
La peur de tomber enceinte
Sur le visage de Mariama Sarr, se lit une grande tristesse. Elle est affectée par le souvenir d’un passé douloureux. Le cœur meurtri, elle raconte, avec beaucoup de peine, cette « journée inoubliable » où elle a vécu « en direct » l’accouchement d’une femme en plein air. Elle explique : « Alors que la jeune femme était arrivée à terme, on devait l’évacuer dans le village d’à côté. Pour la traversée, il fallait emprunter la petite pirogue. Mais à l’embarcadère, l’attente a été si longue que la jeune dame a fini par accoucher sur place, devant de jeunes garçons ».
Fatou Thior, une autre native du village, est aussi témoin d’une scène presque identique. « Je n’ai même pas les mots », soutient-elle d’emblée avant de poursuivre : « Au cours d’une évacuation, une dame, faisant escale sous un arbre entre les concessions et l’embarcadère, histoire de souffler un peu, a finalement accouché sur place ».
Ces deux témoignages ne dévoilent qu’une infime partie des drames causés par le manque d’infrastructures et d’équipements sanitaires. Beaucoup de femmes disent même avoir peur de tomber enceintes. Les autres malades éprouvent aussi autant de difficultés pour se soigner. Le trentenaire, Babacar Diop, jeune du village, souligne que même pour avoir certains médicaments, l’agent de santé communautaire est obligé d’aller au village voisin de Bassar pour en acheter. D’ailleurs, ce village qui approvisionne Thiallane en médicaments n’est pas non plus doté d’une structure de santé de qualité. « Souvent, des malades vont à Bassar, à défaut d’une prise en charge sanitaire adéquate ici. Mais sur place, il arrive que les soins manquent aussi. Et dans une situation pareille, ils sont référés à Foundiougne, à quelque 35 kilomètres ou dans une ville plus éloignée. Ce qui est trop risqué. C’est vraiment difficile de vivre dans cette situation », déplore M. Diop.
Plusieurs scènes dramatiques
Sékou Ndiaye, lui, raconte le calvaire qu’il a vécu il y a quelques années. « Je devais aller à la structure de santé établie au village voisin pour soulager mes maux de tête. Mais, je suis resté longtemps à l’embarcadère attendant la pirogue qui devait me transporter. La fièvre s’est accrue sous l’effet de la chaleur. Beaucoup de personnes ont vécu la même situation », narre-t-il. Le piroguier, chargé de transporter les malades et autres voyageurs, est un témoin privilégié. Ousmane Senghor a assisté à plusieurs scènes dramatiques. Des accouchements en cours d’évacuation, des sollicitations nocturnes, etc. Il a, à sa disposition, une petite pirogue motorisée (8 chevaux). Il est aussi confronté à d’autres problèmes tels que des pannes de moteur. Connu pour sa disponibilité et son sens d’humanisme, « le vieux Ndiaga », comme on l’appelle affectueusement, transporte toute personne désireuse de rallier Bassar à 100 FCfa.
Bien que le village soit récemment doté d’une vedette-ambulance, la prise en charge sanitaire des populations est loin d’être correcte. Le manque de personnel soignant ainsi qu’un plateau médical de qualité restent toujours une préoccupation.