LA SANTE, UN GRAND CORPS MALADE
Le diagnostic fait par le directeur des Etablissements publics de Santé sur la situation des hôpitaux et autres structures est sans complaisance : mauvaise qualité de l’accueil, problèmes de comportement, performance et double emploi…
Le diagnostic fait par le directeur des Etablissements publics de Santé sur la situation des hôpitaux et autres structures est sans complaisance : mauvaise qualité de l’accueil, problèmes de comportement, performance et double emploi…
Les structures sanitaires au Sénégal souffrent des mêmes maux. Elles sont affectées par des problèmes liés à l’accueil et à l’orientation. Partout dans les centres hospitaliers ou les centres de santé, la rengaine est la même chez les patients. La majeure partie des agents publics qui s’activent dans le privé, sont tenus pour responsables de ce mauvais accueil tant décrié dans les structures sanitaires publiques. Pourquoi ? «Le constat est alarmant : 60 à 65 % des travailleurs dans les hôpitaux sont tous dans des structures privées ou détiennent d’une manière illégale, une structure privée, des cabinets paramédicaux ou d’autres sont associés à des structures privées en continuant à servir dans ces structures privées. Pire aujourd’hui, on fait même du commerce à travers la santé. C’est-à-dire on voit des professionnels de santé qui appellent leurs patients à les rejoindre dans ces structures privées», a diagnostiqué Dr Ousmane Dia, directeur des Etablissements publics de santé au ministère de la Santé et de l’action sociale. Il faisait une présentation sur «la problématique de l’accueil dans les structures de santé» à l’occasion de l’Université de l’hivernage du Sutsas.
D’après lui, ce sont des attitudes qui mettent les patients dans des conditions très difficiles. Il donne un exemple qui fait froid dans le dos : «Durant le comité de direction de l’Hôpital général Idrissa Pouye, une femme, qui a souffert du cancer pendant 4 à 6 ans, s’est retrouvée seule avec son petit frère de moins de 30 ans qui souffre aussi d’un cancer. Ils ont dépensé dans des structures privées 3 millions de francs. Aujourd’hui, ils n’ont plus les moyens de se prendre en charge par ces structures. Les soignants ont tout fait avec les moyens en leur possession, mais la maladie ne fait qu’empirer. On a fait tout ce qu’on pouvait, mais la maladie s’est aggravée.» Il ajoute : «Le jeune est maintenant chez lui, il ne peut rien faire, il ne peut pas bouger. Aujourd’hui, il vient chez nous pour qu’on puisse l’aider. Une secrétaire lui dit : «Je dois établir votre dossier, mais je n’ai pas de temps, donnez-moi votre numéro.» Je lui ai dit : «Vous laissez là votre numéro, dans 10 ans, on ne vous appelle pas.».»
La mauvaise qualité du service dans les structures de santé publique s’accompagne parfois dans certaines structures de la mauvaise qualité d’hygiène. «Je suis entré dans un hôpital ce matin (mercredi), mais on m’aurait donné un petit déjeuner, j’aurais refusé de le prendre parce que je sentais une odeur pestilentielle sortir des toilettes», dénonce le directeur des Etablissements publics de santé. «C’est une situation extrêmement pénible que nous vivons aujourd’hui dans nos hôpitaux», dit-il.
Aujourd’hui, le secteur ressemblerait à un grand corps malade. «Notre pays est confronté au double fardeau des maladies transmissibles et des maladies chroniques», souligne-t-il. Sans oublier de relever les difficultés qu’ils éprouvent pour faire face à la riposte. A l’en croire, «ces difficultés sont accentuées par les carences qui sont notées dans les structures publiques de santé» et les mauvais comportements qui affectent l’accueil dans les centres hospitaliers et les centres de santé du pays. «Lorsqu’on vous laisse seul, les mauvais comportements vont à l’encontre du service. L’utilisation abusive du téléphone par les praticiens. Parfois le peu de communication entre le praticien et le malade. Et les abus de toutes sortes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas arrêtés. On a tendance à reléguer la qualité des services au second plan. Cela ne fait que causer la colère des agents médicaux. Personne n’est satisfait. Nous sommes confrontés à des comportements qui déteignent sur nous», dit le directeur des Etablissements de santé.
Une enquête faite avant les concertations et qui avait montré le déficit de communication dans certains centres hospitaliers atteste ce problème de la qualité de l’accueil.
«Avec 60% des enquêtés, on parle de la qualité. On dit que ce sont 55% qui sont satisfaits. Sur la question de la possibilité de revenir, ce sont 80% qui disent non et qu’ils préfèrent même aller dans une structure privée», révèle-t-il.
Questions sans réponses
Pour apporter des réponses à cette problématique, Dr Ousmane Dia se pose des questions : «Est-ce que l’accueil et la disponibilité des services sont assurés au niveau du service public ? Les horaires ne sont pas respectés. Le traitement des patients est-il satisfaisant ? La communication entre patient et médecin, entre supérieur et collaborateur est-elle bonne ? Les patients sont-ils satisfaits du service rendu par le personnel ? Quelle initiative pour changer la situation ? Toutes les initiatives mises en œuvre pour améliorer la qualité du service. Est-ce qu’elles ont fourni les résultats escomptés ? Est-ce que l’autorité est satisfaite du travail des employés ? Est-ce que la question de la qualité du service est une priorité au niveau du système de santé ? Plusieurs situations comme ça existent dans nos hôpitaux aujourd’hui.» En tout cas, la situation semble figée. «La plupart du temps, des études ont montré que les problèmes des malades, ce sont d’abord l’accueil et l’orientation. Les erreurs de diagnostic et de médicamentation, les problèmes de communication et surtout l’environnement du travail désorganisé où on ne peut rien escompter de bon de la part de nos prestataires au niveau des structures de santé. Cela induit un double problème de satisfaction des usagers», assure-t-il.
Pour le directeur des Etablissements publics de santé, «la solution c’est la qualité de l’accueil». Et c’est dans ce sens, informe-t-il, «que le ministère de la Santé a mis 14 directives qui devraient normalement permettre d’améliorer sensiblement la qualité du service».
En écho, Mme Bigué Ba Mbodji ne partage pas l’avis que les sages-femmes soient indexées. La présidente de l’Association des sages-femmes demande à ses collègues «de ne pas écouter ce que racontent les gens sur elles». «Mais, il faut faire focus sur votre travail et faire en sorte que chaque femme qui entre dans la maternité avec un enfant vivant dans son ventre puisse en ressortir avec un enfant vivant dans ses bras», conseille-t-elle.
Mballo Dia Thiam, Secrétaire général du Sutsas, a magnifié cette initiative de l’Université de l’hivernage. En dehors des batailles des défenses des intérêts matériels et moraux, ils ont le devoir, dit-il, «de contribuer, par des propositions pertinentes, au développement socio-sanitaire du pays». Cette Université de l’hivernage a été organisée par le Sutsas pour combler le gap de formation pour les agents qui n’ont pas bénéficié de recyclage après leurs études. Ce qui va leur permettre d’explorer d’autres horizons comme les zoonoses, l’accueil hospitalier…