LE SEIN DANS TOUTES SES REPRESENTATIONS
Organe important mais exposé, La journée mondiale contre le cancer du sein a été célébré ce mercredi 20 octobre 2023, en plein Octobre rose.
La journée mondiale contre le cancer du sein a été célébré ce mercredi 20 octobre 2023, en plein Octobre rose. Cette maladie est durement ressentie par les femmes, beaucoup en perdent un ou les deux seins. Bés bi tente de voir cet organe dans toutes ses représentations. La douleur de le perdre, le bonheur de l’avoir, de le préserver. Le sein dans la sexualité, dans la famille, l’éducation, la santé de la mère et de l’enfant, la féminité, la société… Comment discuter des seins avec de parfaites inconnues ? C’est à cet exercice délicat que Bés bi s’est livré avec des étudiantes de l’Ecole supérieure polytechnique de Dakar (Esp). Ces jeunes scientifiques dont certaines sont voilées se livrent sur leurs relations avec cet organe essentiel. Que représente-t-il pour elles ? Prennent-elles des précautions pour le protéger ? Comment les inciter à pratiquer l’autopalpation ?
Octobre rime habituellement avec l’effervescence de l’ouverture des classes à l’Ecole supérieure polytechnique (Esp). Cependant, en cette matinée d’automne, les lieux sont plongés dans le silence et la torpeur d’une journée de canicule. Dans la cour de l’école spacieuse et propre, une végétation généreuse offre de l’ombre aux quelques rares personnes assises sur les bancs. Kadiata Diallo, Assiata Ba et Bineta Ba sont inscrites à un master de Mathématiques. Elles se sont rencontrées dans cet établissement quelques années plus tôt et ont fini par devenir comme des sœurs. Étant toutes les trois voilées, il n’est pas évident d’aborder le sujet qui nous intéresse : les seins. Les premières réactions sont réservées. Puis la dynamique de groupe aidant, la discussion devient plus animée. «Pour moi, les seins sont un magnifique don de Dieu qui va un jour me lier aux enfants que j’aurai InchAllah», déclare Kadiata. «Les seins nous identifient en tant que femmes et participent à notre féminité, qu’on l’affiche ou qu’on la dissimule», renchérit Bineta. Pour Assiata, c’est aussi un organe qui vaut aux femmes des remarques misogynes. «Quand tu as de gros seins, les gens parlent, de même que quand tu as de petits seins. Je trouve cela déplacé d’évoquer les seins des femmes et d’en faire un motif de complexes pour elles», s’indigne-t-elle. L’importance de cet organe étant établi, il est temps de s’enquérir des soins qu’on lui accorde.
L’oubli et la pudeur mis en cause
Toutes les trois se rejoignent sur un point : Elles pratiquent rarement l’autopalpation conseillée pour détecter toute anomalie. La principale explication est l’oubli. «Je n’y pense pas souvent, sauf en ce mois d’octobre avec les constants rappels, je me dis que je vais le faire», reconnait Assiata. «Comme on a des seins toute l’année et pas seulement en octobre, il serait bien de maintenir la sensibilisation pour que ça serve de rappel», intervient Kadiata avec un trait d’humour qui provoque des rires. En attendant, elles promettent de se rappeler entre elles de se livrer régulièrement à cet exercice simple mais crucial. Car, comme elles le reconnaissent à l’unisson, «notre santé et celle de nos proches doivent toujours être une priorité». Un avis que partage Awa Willane.
Une application et des tutoriels sur la pratique de l’autopalpation
Avec une voix bienveillante et une gestuelle posée, la jeune étudiante en Biologie accepte de se joindre à la discussion malgré son apparent empressement à retourner à ses travaux. Pour elle, les seins sont une part importante de la féminité : «Les femmes qui subissent une ablation mammaire sont quelque peu privées d’une partie de leur identité. Ça doit être une grande épreuve». Par mesure de prévention, elle pratique l’autopalpation plus souvent mais pas autant qu’elle le devrait. Elle préconise la poursuite de la sensibilisation tout en soulignant un point important : la pudeur. «Peut-être que la pudeur héritée de notre éducation est la raison pour laquelle on peine à adopter l’habitude de se toucher les seins», suggèret-elle. Sur un ton plus sérieux, Bineta propose l’idée d’une application qui va alerter les femmes à la fin de leurs règles pour leur rappeler de pratiquer l’autopalpation. Une suggestion qui fait consensus à en juger par les réactions d’acquiescement. Aussi, Bineta souligne l’importance d’inclure dans les campagnes de sensibilisation des tutoriels pour savoir exactement comment pratiquer cet exercice pour ne pas passer à côté d’un signe qui aurait dû alerter.
Restaurer la féminité spoliée des survivantes
Quelques instants plus tard, c’est d’un pas résolu que Woré Cissé se dirige vers la sortie. Elle était venue à l’Esp pour se renseigner sur le concours de Génie électrique auquel elle souhaite participer. A tout juste 18 ans, elle affiche une assurance qui lui fait tout de suite adhérer à l’idée de parler des seins. «Par le lait maternel qu’ils procurent, les seins sont d’une importance capitale pour la survie des bébés. Donc, les seins des femmes sont importants pour toute la société», déclare-t-elle. Est-elle une assidue de l’autopalpation ? «Non», répond-elle avec honnêteté. Elle s’empresse de proposer une solution : «Il y a beaucoup trop de contenus inutiles sur les réseaux sociaux. On devrait mettre en avant des informations et rappels plus profitables à la santé et au bien-être.» Si le cancer est détecté suffisamment tôt, il est possible de le guérir sans ablation mammaire. Malheureusement, alors que le cancer du sein est plus rare en Afrique qu’en Europe ou en Amérique, il y est aussi plus dommageable et plus mortel à cause d’un diagnostic plus tardif. L’ablation d’un ou des deux seins devient nécessaire lorsque la tumeur atteint un stade avancé. «Une mastectomie est vécue comme une atteinte à la féminité et à l’estime personnelle des femmes», explique Mme Diarra Guèye Kébé, survivante du cancer et présidente de l’Association Cancer du sein Sénégal. En plus d’être active dans la sensibilisation, cet organisme lève des fonds destinés à l’achat de prothèses mammaires pour des femmes ayant subi une ablation. Pour cette année, l’objectif est fixé à au moins 500 prothèses. Cela ne suffira peut-être pas pour effacer les ravages du cancer sur le corps et l’esprit des survivantes. Cela peut cependant les aider à recouvrer une partie de leur féminité spoliée et de reprendre goût à la vie.