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24 avril 2025
Éducation
L’ETAT SOMMÉ DE NE PAS OCCULTER LE COMBAT DES ENSEIGNANTS
Après des semaines de grève sur l’étendue du territoire national, le SAEMS renouvelle au gouvernement la nécessité de satisfaire les revendications des enseignants.
Après des semaines de grève sur l’étendue du territoire national, le SAEMS renouvelle au gouvernement la nécessité de satisfaire les revendications des enseignants. Tout en rappelant que la victoire à la Can des valeureux Lions du football, célébrée dans une euphorie générale et en toute légitimité, ne doit pas être pour les pouvoirs publics une occasion d’occulter le juste combat des enseignants.
Le premier trophée continental acquis par les Lions du football n’a pas laissé indifférents les membres du SAEMS. L’organisation syndicale s’est ainsi réjouie de cette victoire des Lions et a vivement salué l’euphorie générale autour de cette performance de grande valeur.
Toutefois, le syndicat a tenu à rappeler que cette euphorie générale et légitime ne doit faire oublier, surtout au niveau des pouvoirs publics, la nécessité de la revalorisation de l’enseignement pour une école de la République.
Et le Saems de noter dans un communiqué : « En ces moments de joie et d'euphorie pour nous et avec nos Lions, faudrait-il le rappeler, nous sommes en lutte, un combat pour la survie de notre chère école avec le malaise enseignant qui, quoi qu'on dise, est la triste réalité aujourd'hui ». Et de poursuivre : « Faudrait-il le cacher encore, nous sommes découragés, démoralisés, puisque victimes d'un système de rémunération frappé d'iniquité et d'injustice…Nous avons choisi ce métier aussi noble qu'indispensable pour le développement de notre pays. Nous avons besoin et nous disposons de médecins professionnels, d'ingénieurs qualifiés, d'avocats et de magistrats responsables... Eux tous, sans exception portent l'encre et le verbe de l'enseignant sénégalais ». Le Saems se demandera dans la foulée : « Alors devrions-nous accepter d'être les derniers de la hiérarchie sociale? Non, non et non, camarades ».
Le syndicat a par suite fait savoir que son « combat est un combat pour l'équité et la justice. Oui, il nous faut exiger la revalorisation de notre profession pour une école de la République, une école de la réussite de tous et pour tous ». Saourou Sène, secrétaire général du Saems invite le gouvernement à revaloriser l’enseignement. «J'invite le Gouvernement du Sénégal à se rappeler qu'autant nos Lions sont des héros de la République, autant les braves enseignants du Sénégal, ces soldats du savoir, ces cultivateurs de la citoyenneté au patriotisme jamais égalé méritent la reconnaissance de la République ». Et de poursuivre : « C'est pourquoi, Excellence Monsieur le Président de la République, après les Lions, nous sommes à votre écoute non pas pour une quelconque revendication mais pour le respect de l'engagement que vous aviez pris fermement devant les enseignants du Sénégal en Avril 2018 dans le cadre des correctifs urgents à apporter dans le traitement salarial des enseignants que nous sommes ».
Les enseignants qui réclament la justice sur le traitement salarial pour une réussite totale dans l’enseignement ont promis que « Si à l'issue de ce combat, l'équité et la justice dans le traitement salarial sont consacrées, nous allons nous atteler à une Ecole de la réussite de tous et pour tous, une école qui, tout en portant nos valeurs culturelles et religieuses faites de jom de kersa et de respect à l'aîné à l'étranger à l'humain tout court, reste ouverte aux apports féconds de la mondialisation et de la modernité ». En somme, « une école qui pourra s'approprier des outils techniques, technologiques et numériques, une école du Sénégal pour le Sénégal l'Afrique et le monde ».
LE SNEEL INVITE MACKY À NOMMER UN PREMIER MINISTRE
Selon Cheikh Alassane Sène, il n'y a pas de volonté politique du gouvernement qui tarde toujours à mettre en application les accords qui ont été signés.
Le Secrétaire général national du Syndicat National des Enseignants de l'Élémentaire (SNEEL) regrette le fait que le système éducatif sénégalais soit bloqué par une crise scolaire dont seul le gouvernement détient la clé de la solution. Selon Cheikh Alassane Sène, il n'y a pas de volonté politique du gouvernement qui tarde toujours à mettre en application les accords qui ont été signés. Il invite le président de la République, Macky Sall, à procéder très rapidement à la nomination d'un Premier ministre et à la formation d'un nouveau gouvernement, afin que les nouveaux ministres impliqués puissent se familiariser avec les accords signés.
Le G20 est en train d'exécuter son deuxième plan d'actions avec un débrayage le 08 février et une grève totale les 09 et 10 février 2022 pour exiger du Gouvernement le respect des accords qu'il a signés avec les syndicats de l'enseignement, le 17 avril 2017. Ces accords tournent autour de divers points à savoir l'éradication des lenteurs et lourdeurs administratives, la formation diplômante, le payement des rappels qui s'élèvent à environ 100 millions FCFA, le dégel des crédits DMC bloqués depuis l'année 2011, la fin des abris provisoires dans les écoles et établissements scolaires, la création du corps des administrateurs scolaires, la révision du système de rémunération des agents de l'État, la viabilisation des 6100 parcelles octroyées dans les Zones d’aménagement concerté (ZAC) des régions, entre autres. "Des rencontres ont eu lieu entre l'État et le G7 ; le SNEEL membre du G20 considère que l'heure est grave. Ces mouvements de grève risquent de compromettre l'année scolaire et de creuser dangereusement le quantum horaire. L'heure n'est pas à la mise sur pied de commission technique, où de faire des propositions et contre-propositions afin de nous plonger dans des négociations", a renseigné Cheikh Alassane Sène, Secrétaire général national du SNEEL, par ailleurs membre du G20. Il s'agit en réalité, a-t-il préconisé, d'aller vers la matérialisation des accords de 2014 qui sont réalistes et réalisables, signés en présence du Premier ministre Mahamed Boun Abdalah Dione, de 7 ministres de la République, de tous les cadres de l'enseignement et de tous les partenaires de l'école. "Ces accords englobent ceux de 2018. Depuis la suppression du poste de Premier Ministre, les choses bougent timidement. Il n'a aucun contrôle hiérarchique en ce qui concerne l'application des accords. Lors de la dernière rencontre entre l'État et le G7, rendez-vous à été donné dans 15 jours au moment où les plans d'actions des cadres se poursuivent et se succèdent", a soutenu le syndicaliste qui s'est insurgé également contre les lenteurs et lourdeurs administratives.
Ainsi, pour une solution de sortie de crise, le SNEEL recommande au Chef de l'État, Macky Sall, de procéder rapidement vers la nomination d'un Premier ministre et la formation d'un nouveau gouvernement, afin d'aller rapidement vers la matérialisation des accords ayant été signés. "Il n'y a pas une question nouvelle et les accords sont signés pour être respectés", a rappelé Cheikh Alassane Sène, par ailleurs vice-président de la Fédération Internationale des syndicats de l'enseignement (FISE).
HAOUA BOCAR LY TALL PRÉCONISE L’ÉDUCATION POUR CHANGER LES MENTALITÉS
Auteur de l’ouvrage : «La pratique des mutilations génitales féminines. Valeurs culturelles ou répression sexuelle ?» Haoua Bocar Ly Tall prône l’éducation des populations pour éradiquer la pratique des Mutilations génitales féminines (MGF)
Auteur de l’ouvrage : «La pratique des mutilations génitales féminines. Valeurs culturelles ou répression sexuelle ?» Haoua Bocar Ly Tall prône l’éducation des populations pour éradiquer la pratique des Mutilations génitales féminines (MGF) au Sénégal et dans les autres pays du monde.
«C’est vrai que la pratique des Mutilations génitales féminines (Mgf) a un peu reculé, mais elle est encore là », a reconnu, Dr Haoua Bocar Ly Tall, militante de la lutte contre les MGF dans le monde. Pour venir à bout de cette pratique, la sociologue préconise l’éducation. «Comme disait Mandela, l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer les mentalités», insiste Mme Tall qui estime que les acteurs, qui ont inscrit dans leurs plans d’action et autres programmes la lutte contre cette pratique ne sont pas dans une synergie d’actions afin de gagner le combat de l’éducation, de la sensibilisation et de la conscientisation des populations cibles. Et ce, même si cette pratique est interdite par la législation sénégalaise.
Instituée par l’Organisation des Nations Unies en 2003, la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des MGF est célébrée 6 février et vise à sensibiliser les États et la société civile sur les MGF, et encourager des mesures pour y mettre fin. Mais, la pratique reste encore répandue. D’ailleurs, la cartographie de la situation montre un tableau sombre.
D’après l’Unicef, une femme sur quatre âgée de 15 à 49 ans a subi une mutilation génitale féminine et/ou une excision (MGF/E) au Sénégal. Et la pratique est répandue dans le sud et le nord du pays, notamment dans les régions de Kédougou (91,0%), Sédhiou (75,6%), Matam (73,3%), Tambacounda (71,8%), Ziguinchor (68,2%) et Kolda (63,6%).
Malgré ces chiffres alarmants, Haoua Bocar Ly Tall reste confiante. «Au moins, le tabou est tombé parce qu’au moins on en parle. Lorsqu’on créait le comité interafricain sur les pratiques traditionnelles, on n’a même pas osé en parler ouvertement, à plus forte raison allé sur des plateaux de télévision en parler. Car, on nous accusait d’être des intellectuels acculturés», indique l’experte sur les questions de genre.
Et d’ajouter : «Certains disent que ce sont des valeurs culturelles et qu’on s’attaque à la culture. D’autres, notamment les féministes, affirment que c’est de la répression sexuelle, c’est pour contrôler le corps de la femme et diminuer sa sensibilité...
Alors, pour répondre à ces questions, j’ai fait des recherches pendant 9 ans à travers le monde et ce que j’ai découvert, c’est que ce n’est pas seulement une pratique africaine. Avant de quitter le Sénégal, je pensais que c’était une pratique des Peuls, mais ça se passe en Jordanie, chez les Turcs, en Russie, et cela s’est fait à une certaine époque en France. Et la pratique continue d’exister en Indonésie, au Pakistan…Donc c’est une pratique quasi mondiale».
LES ENSEIGNANTS APPROUVENT LE GESTE PRÉSIDENTIEL EN FAVEUR DES LIONS MAIS REFUSENT L'INIQUITÉ DANS LA FONCTION PUBLIQUE !
Macky Sall offre 50 millions de francs CFA et deux terrains à chaque Lion - Les syndicalistes enseignants sont clairs dans leur position
Pour les récompenser de leur sacre continental, le chef de l’Etat offre à chaque Lion une prime spéciale de 50 millions de francs, un terrain de 200 mètres carrés à Dakar et un autre de 500 mètres carrés à Diamniadio. Tout en appréciant le geste du président à l’endroit de Kalidou Coulibaly et de ses coéquipiers, les syndicalistes de l’enseignement exigent l’équité dans la Fonction publique. Ils rappellent surtout au président Sall qu’après «le jeu», il y a les «enjeux» liés à l’éducation et à la santé, entre autres.
Les syndicalistes enseignants sont clairs dans leur position. Ils ne veulent aucunement que leurs revendications soient inscrites dans une logique de comparaison ou de rivalité avec les largesses du chef de l’Etat qui a octroyé une prime spéciale de 50 millions et deux terrains à Dakar et à Diamniadio à chaque « Lion ». Ce suite au sacre de l’équipe nationale de football à la Coupe d’Afrique des Nations (Can) 2021 organisée au Cameroun.
Au contraire, ils disent même exprimer leur gratitude à l’endroit des Lions pour cet exploit ainsi que pour la fierté et la dignité procurées à notre pays. « Ce geste du président Sall, on peut l’apprécier positivement vu que les « Lions » ont frappé fort pour avoir réussi à réunir toutes les couches de la société. On le salue et le magnifie. Ils le méritent amplement et même plus. Mais nous ne nous inscrivons pas dans une logique de comparaison ou de rivalité. Nous réclamons juste une reconnaissance et une revalorisation de la fonction enseignante. Cette injustice doit être rectifiée pour une équité. C’est le but de la lutte que nous avons engagée depuis quelques mois. Parce que tout travailleur mérite un traitement digne de sa situation professionnelle. Nous luttons pour une équité. Si les magistrats, les médecins... ont lutté jusqu’à obtenir une satisfaction, c’est mérité ». C’est le point de vue du coordonnateur de l’unité syndicale d’établissement (Use) du lycée Brave Hyppolite de Mont Rolland, Saliou Mbaye. Il considère que les enseignants luttent pour obtenir «ce qu’ils méritent».
Et ce qu’ils méritent, ‘’c’est l’équité», dixit son camarade syndicaliste Ndongo Sarr du Cusems. «Nous exigeons l’équité. On ne demande aucune faveur. Bien avant ce geste envers les « Lions », vous avez tous vu les arrêtés signés par le chef de l’Etat et qui revalorisent le statut de certains agents de l’administration. C’est d’ailleurs à saluer. Mais on refuse le deux-poids, deux mesures. Or, c’est ce deux poids deux mesures qui est à l’origine de notre colère » explique Ndongo Sarr. Lui aussi estime que le pays tout entier est en train de célébrer une victoire méritée. Cela dit, il indique qu’on est juste dans une «bulle» et que, d’ici deux à trois jours, tout le monde se réveillera pour se rendre compte de la réalité liée au coût de la vie, à la situation de l’Ecole et celle qui prévaut dans les hôpitaux... Car, estime M. Sarr, ce n’est pas cette victoire des « Lions » qui va régler les problèmes économiques, sanitaires et sociaux des sénégalais. Il précise n’avoir aucun… relativement au geste de Macky parce que, dit-il, ce sont des Sénégalais. Ce que le syndicaliste qu’il est exige au nom de ses collègues, c’est tout simplement que l’Etat traite avec équité tous les travailleurs de la Fonction publique. «Ce qu’on fait pour certains Sénégalais, qu’on le fasse pour tout le monde. Ces « Lions » sont-ils plus méritants que les enseignants?
Certes, nous en convenons, le sport est très important du fait de son pouvoir fédérateur. Mais il y a des secteurs qui sont autant sinon plus importants. Les joueurs le comprennent si bien que certains d’entre eux comme Sadio Mané ont construit des écoles et des hôpitaux dans leurs villages. Donc, sous ce rapport, on n’a pas de problème à ce qu’ils soient primés. Qu’on le fasse d’ailleurs pour tous les gens méritants», estime Ndongo Sarr du Cusems tout en soulignant que les urgences sont toujours là. «Car après le jeu, nous devons faire face aux enjeux de l’Education, de la Santé, des Forces armées, des secteurs formel et informel», renchérit Saourou Sène, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss). Selon lui, le malaise enseignant est une réalité. Des enseignants qui, selon le patron du Saemss, ne demandent pas des augmentations de salaires, mais des corrections à apporter sur le système de rémunération des agents de l’Etat.
A cet effet, le chef de l’Etat est donc fortement attendu par les enseignants qui considèrent qu’il va falloir trouver des solutions à l’actuelle crise scolaire pour qu’il puisse y avoir «une stabilité pour quelques années». « C’est pourquoi, même si nous félicitons les « Lions », nous rappelons aussi nos exigences fondamentales. A savoir qu’il faut apporter des correctifs au système de rémunération de la Fonction publique. On ne peut plus accepter de demeurer les parents pauvres des agents de l’Etat. Personne ne peut dire non aux « Lions ». Mais un lion du football, c’est un jeu. A côté, il y a des enjeux. Le football est une industrie touristique, nous le reconnaissons, mais n’oublions pas qu’il y a des secteurs comme l’Education qui souffrent. Maintenant, comme le Sénégal est suffisamment riche pour donner 50 millions et des terrains, nous ne demandons que justice par rapport à notre situation salariale », a martelé Saourou Sène.
Les salaires des enseignants, des bourses améliorées
C’est aussi le point de vue de Dame Mbodj du Cusems (Cadre unitaire des syndicats de l’enseignement moyen) Authentique qui, se prononçant sur les salaires des enseignants, affirme que «ce ne sont que des bourses améliorées». «L’Etat doit payer l’argent des enseignants. Nous réclamons une augmentation des salaires qui ne sont que des bourses améliorées. Aujourd’hui, les enseignants ne peuvent pas s’acquitter normalement de leurs dépenses quotidiennes, de leurs loyers ou encore de leurs factures d’eau et d’électricité. Il faut que leurs salaires soient augmentés conformément à ce qui a été fait au niveau des autres secteurs de la Fonction publique aux ministères du Travail, de l’Agriculture, de la Justice et du Commerce avec des arrêtés qui leur ont permis de bénéficier d’une augmentation de salaire pour leurs agents. Maintenant, pourquoi Mamadou Talla (Ndlr, le ministre de l’Education nationale) ne peut-il pas faire de même pour nous ? Nous demandons l’équité. Que la même chose puisse être faite au niveau de l’Education. Que les dernières indemnités octroyées par l’Etat soient élargies aux autres», a plaidé Dame Mbodj tout en précisant n’avoir aucun problème à propos des largesses de Macky Sall. «J’apprécie positivement tout cadeau fait à nos « Lions ». C’est mérité d’autant que l’argent appartient à tous les Sénégalais. C’est moins de 2 milliards.
Macky Sall a fait moins que Diouf et Me Wade
C’est normal. Les terrains aussi, pour Dakar et Diamniadio, cela va nous permettre d’arrêter cette boulimie foncière», a dit M. Mbodj qui trouve «insignifiant même» le geste du chef de l’Etat comparé à ce que faisaient ses prédécesseurs. «Il a fait moins que Abdou Diouf qui avait octroyé des maisons, de même que Wade. Pour les « Lions », je m’attendais à ce que le chef de l’Etat, de façon symbolique, donne une cité déjà construite, une cité symbolique des « Lions » à contracter avec des promoteurs immobiliers pour qu’ils la construisent sur une durée de 4 mois. Les Lions ne vont pas construire dans la banlieue à Diamniadio. Ils ne vont pas s’organiser pour construire. Je conseille au président d’améliorer son offre, son cadeau, en donnant les terrains à Dakar. Mais pour Diamniadio, il faut qu’il améliore et construise des maisons pour chaque membre de l’encadrement technique et pour chaque « Lion ». Dans la symbolique, c’est important». Ce qui, selon Dame Mbodj, sera une source de motivation pour les autres Sénégalais». Revenant sur la situation de l’école, le patron du Cusems Authentique rappelle que leurs revendications n’ont aucun rapport avec l’argent donné aux Lions. «Le Président nous doit plus de 100 milliards, si on fait le calcul global. Ce qu’il a donné ne fait pas 10 milliards. Il n’y a aucun link, aucun rapport par rapport à ce qui nous est dû. Il n’a qu’à payer l’argent des enseignants !»La sortie de la bulle euphorique provoquée par la victoire des « Lions » risque d’être mouvementée !
«LA DÉMARCHE DU GOUVERNEMENT A CRISTALLISÉ LES FRUSTRATIONS ET EXACERBÉ LE SENTIMENT D’INJUSTICE»
El Cantara SARR, Sg du siens, analyse la crise actuelle que traverse l’école sénégalaise et situe les responsabilités
Le système éducatif connait des perturbations depuis le début de l’année scolaire 2021-2022. Les syndicats d’enseignants continuent de paralyser l’école, à travers des débrayages et des grèves, pour exiger la matérialisation des accords signés avec le gouvernement. Cette situation a fini d’inquiéter les parents et les élèves qui ont manifesté un peu partout dans le pays pour réclamer la reprise des cours. Dans cet entretien, le Secrétaire général (SG) national du Syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’éducation nationale du Sénégal (SIENS), El Cantara Sarr, analyse la crise actuelle que traverse l’école sénégalaise et situe les responsabilités.
Depuis le début de l’année, le système éducatif est paralysé à cause des grèves des enseignants qui se sont enchaînées ces dernières semaines. Comment comprenez-vous cette pression des syndicalistes ?
Le terme «pression» renverse la perspective et semble placer la responsabilité de la crise actuelle sur les syndicats d’enseignants qui, depuis 2019, malgré les retards enregistrés dans les différents échéanciers définis avec le gouvernement pour la matérialisation des accords et l’exigence de leurs bases, se sont inscrits dans la perspective nationale de résilience face à la pandémie du Covid-19 en faisant un immense effort de décentration mû par la nécessité de préserver l’intégrité du système d’éducation et de formation. Parallèlement, ils ont développé, avec quelques organisations de la société civile, une campagne de plaidoyer qui a mis en exergue les nombreux sacrifices consentis, en allant au «front» malgré la pandémie et les risques liés à un dispositif de prévention et un protocole sanitaire inadéquats, tout en appelant le gouvernement à réactiver le mécanisme de dialogue et de négociation que constitue le monitoring des accords qui a finalement été confié au ministère de la Fonction publique et du Renouveau du service public, consacrant ainsi un retour à l’orthodoxie après une longue période d’errements. Ce dispositif qui est à saluer, maintient le lien du dialogue et permet de faire, à échéance régulière, le point sur le niveau de réalisation des engagements du gouvernement et de corriger, le cas échéant, les dysfonctionnements enregistrés. C’est ainsi que depuis la reprise de ces séances, le 04 octobre 2021, des rencontres sectorielles ont permis de faire un focus sur les difficultés spécifiques et de procéder à des arbitrages et régulations. Au terme de la première séquence clôturée par une plénière de restitution des conclusions, il a été enregistré des avancées et constaté quelques biais d’ordre méthodologique et un statu quo sur certaines questions. De manière spécifique, il s’agit notamment : 1) de l’absence d’un document de synthèse des travaux, 2) de la non prise en charge du passif avec le syndicat des inspecteurs, 3) d’un manque de transparence de la convention Etat/Banques pour l’externalisation des prêts DMC, 4) de l’absence d’avancées sur la question de la correction des iniquités dans e système de rémunération des agents de l’Etat, ainsi que sur celle 5) de la création du corps des administrateurs scolaires, et globalement 6) d’un retard inquiétant sur l’agenda des engagements, pouvant laisser penser à un manque de volonté et à du dilatoire de la part du gouvernement. Cette situation a engendré des recommandations fortes allant dans le sens du traitement du passif avec les inspecteurs de l’enseignement par une réunion sectorielle avec le ministère de l’Education nationale et la tenue d’un atelier pour avancer sur la correction des iniquités du système de rémunération et stabiliser une option définitive sur la demande de création de corps d’administrateurs scolaires dans le secteur public de l’éducation et de la formation. Il faut comprendre que l’incohérence de la stratégie du gouvernement en ce qui concerne la correction des iniquités dans le système de rémunération a été illustrée dans la période par la prise d’actes administratifs attribuant de nouvelles indemnités ou en relevant d’autres pour des corps d’autres secteurs, tout en ignorant les demandes légitimes exprimées par les corps évoluant dans le secteur de l’éducation et de la formation et en contradiction flagrante avec l’option qui avait été annoncée pour une résolution globale. Cette démarche a cristallisé les frustrations et exacerbé le sentiment d’injustice, ce qui ne pouvait qu’engendrer des perturbations qui vont malheureusement, si rien n’est fait, aller crescendo au détriment du système éducatif.
Le gouvernement semble passif par rapport aux mouvements d’humeur des enseignants. Quelle lecture faites-vous de ce dialogue de sourds entre syndicats et gouvernement ?
Les mécanismes de dialogue et de négociations existent (HCDS, CDS/SEF, Monitoring, régulateurs et médiateurs… ). Cependant, il semble que ces dispositifs manquent d’efficacité, car ne s’activant souvent que dans l’urgence, ce qui ne produit que des solutions à court terme pour «sauver l’année scolaire». Alors que les problématiques soulevées par les syndicats d’enseignants sont complexes et profonds car questionnant nos choix sociétaux (l’égalité des citoyens, la légitimité axiologique de la hiérarchisation de fait des professions, la redistribution des richesses du pays, l’âge de la retraire dans un contexte où e travail évolue et change de nature…), et doivent de ce fait impérativement trouver des réponses intelligentes et durables intégrant systématiquement la nécessité impérieuse de préserver l’institution scolaire, socle de production du capital humain moteur de notre politique de développement. C’est ce qui justifie, pour préserver l’équilibre de la société et la cohésion sociale, qu’un consensus fort doit être bâti autour de la nature des réponses apportées aux revendications syndicales récurrentes, ainsi que la matérialisation des accords signés avec les syndicats d’enseignants, notamment en ce qui concerne le système de rémunération des agents de la fonction publique. De ce point de vue, il semble essentiel, au-delà de la tenue de rencontres et de production de narratifs, d’impulser une dynamique génératrice d’un nouveau contrat social sur les questions à forts enjeux comme l’équité sociale, le respect des engagements pris, la sincérité dans le dialogue et les interactions entre acteurs. Et pour cela, il est nécessaire de sortir des jeux d’acteurs et de travailler résolument à mettre en place des conditions de sortie de crise durables, afin d’entrer dans un cycle plus vertueux pour le système d’éducation et de formation.
Les élèves et leurs parents en ont rasle-bol de ces grèves. Beaucoup d’élèves sont descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement. Qu’estce que cela vous inspire ?
Les élèves et les parents sont effectivement les victimes collatérales de cette situation volontairement maintenue par les pouvoirs publics qui semblent plus préoccupés par d’autres priorités que celle d’éduquer et de former notre jeunesse, dans un monde de plus en plus exigeant en matière d’expertise et de compétence. D’ailleurs, la crise du Covid-19 a suffisamment révélé que les pays qui n’investissent pas prioritairement en volume et en qualité dans l’éducation et la formation, sont les moins aptes à se réinventer et à trouver les solutions pertinentes aux algorithmes complexes qu’engendre la pandémie en termes de réflexion, de production, de reconfiguration, d’actualisation et de résilience. Le cri du cœur de ces élèves et parents doit donc être appréhendé dans cette problématique qui requiert, au-delà de l’émotion, une réflexion collective de fond pour requalifier et resituer l’Ecole dans notre société et l’interpellation de l’Etat sur ses responsabilités en tant que garant des droits. A partir de ce moment, tous les acteurs, y compris les syndicats d’enseignants, devront œuvrer à une réconciliation de l’Ecole et de la société, en faisant notamment le lien avec les enseignements et recommandations des Assises Nationales de l’Education et de la Formation (ANEF) et les conclusions des Concertations Nationales sur l’Avenir de l’Enseignement Supérieur (CNAES).
Quelles seront les répercussions de ces grèves sur le quantum horaire et la qualité des enseignements ?
Il est évident que depuis quelques années le quantum horaire est sérieusement agressé non pas seulement par les grèves, mais aussi par diverses perturbations (démarrage tardif des enseignements, non apprêtement des écoles et établissements surtout en milieu rural avec la pléthore d’abris provisoires, anticipation des fêtes…). Ce phénomène est devenu quasi structurel et sédimente les seuils autour d’environ 900 heures, en lieu et place des 1200 heures (en moyenne) poursuivies annuellement. Cela est d’autant plus dommageable aux acquisitions et à la rentabilité du système que les apprentissages se font dans une langue étrangère ou seconde et que le temps de présence de l’enseignant dans l’établissement ou l’école n’est pas forcément équivalent au temps d’apprentissage réel de l’élève. Cette situation questionne ainsi notre professionnalisme, mais aussi les mécanismes et dispositifs de collecte de données relativement au quantum horaire, la motivation des enseignants, les conditions de travail… Et il est évident que les répercussions négatives sur l’efficacité et la rentabilité du système d’éducation et de formation sont réelles. De ce point de vue, les taux d’achèvement à l’Elémentaire (60%) et au Moyen (37%), de même que l’élément factuel qui est que sur «plus de 450.000 inscrits au CI, à peu près 50.000 réussissent au Baccalauréat», soit 11% de la cohorte, tout en sachant que quelques-uns d’entre eux auront décroché avant et que d’autres auront fait d’autres options, sont suffisamment éloquents.
A ce rythme des perturbations, quel est l’avenir du système éducatif sénégalais, quand on sait l’impact de la Covid-19 avec près de 07 mois de vacances forcées est toujours là ?
Dans ces conditions, l’avenir du système est hypothéqué et son effondrement progressif se perçoit à travers la place de plus en plus importante qu’occupe l’initiative privée en matière d’offre éducative et de formation et ce, dans un contexte de pauvreté. Il est donc essentiel que le gouvernement travaille à inverser la dynamique, en confortant les éléments consolidants en termes de dotations (budget, infrastructures, équipement, ressources humaines…) et de mise en place de conditions de performances. Mais aussi et surtout, en corrigeant les iniquités et en restaurant la justice dans le traitement des agents de l’administration publique ; ce qui pourrait déboucher sur une meilleure motivation des agents, avec un impact positif sur les rendements et éventuellement faire passer l’idée d’un pacte de stabilité qui permettrait à l’Ecole publique de «respirer» et d’entamer un processus de guérison salvateur pour le pays.
par l'éditorialiste de seneplus, Jean-Claude Djéréké
UN DEMI SIÈCLE POUR “MAIN BASSE SUR LE CAMEROUN”
EXCLUSIF SENEPLUS - Les maux dénoncés par l’insoumis Mongo Beti ont-ils disparu ? La jeunesse africaine gagnerait à lire cet ouvrage majeur de la littérature africaine qui reste d’actualité
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 08/02/2022
“Main basse sur le Cameroun. Autopsie d’une décolonisation” (MBC) d’Alexandre Biyidi alias Mongo Beti aura 50 ans, cette année. À l’occasion de cet anniversaire, que peut-on dire ? D’abord, que l’auteur écrivit cet ouvrage parce qu’il se sentait coupable de vivre loin du pays, de ne pas être dans le maquis avec ceux qui menaient le combat contre la mainmise de la France sur ses anciennes colonies, ensuite que l’ouvrage édité par François Maspero fut immédiatement interdit en 1972 par Raymond Marcellin, le ministre de l’Intérieur français d’alors, à la demande de Ferdinand Oyono, ambassadeur du Cameroun en France, ce qui est un double paradoxe. Pourquoi ? Parce que F. Oyono était l’auteur du roman “Le vieux nègre et la médaille” où, après que Nti eut affirmé que les Noirs ne devraient pas “s’étonner de ce qui nous vient des Blancs”, l’assistance répond : “le chimpanzé n’est pas le frère du gorille”, ce que l’on pourrait traduire par l’amitié entre Blancs et Noirs n’existe pas, d’une part et parce que la France est quand même le pays où fut adoptée le 10 décembre 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnaît à toute personne la liberté d’opinion et d’expression (article 19), d’autre part. L’interdiction, qui ne sera levée qu’en 1976, non seulement mettait la France en porte-à-faux avec un texte auquel elle avait librement souscrit mais illustrait le fait que la France continuait de faire la loi dans des pays dont elle était censée être partie en 1960.
Mais qu’est-ce qui était si dérangeant dans l’ouvrage de Mongo Beti pour qu’il fût censuré ? La première chose qu’il importe de savoir, c’est que MBC dévoile ce qui s’est passé avant et pendant le procès politique d’Ernest Ouandié, le dernier leader historique de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et de Mgr Albert Ndongmo, évêque de Nkongsamba. On y découvre comment Ahidjo a été imposé par les Français à la tête du Cameroun. On y apprend que des dirigeants de l’opposition sont détenus au secret pendant plus de quatre mois sous de fallacieux chefs d’inculpation, qu’ils sont drogués et torturés. On y voit comment des accusés sont diabolisés et condamnés avant même que leur crime ne soit établi, comment d'éminentes personnalités occidentales se disqualifient en soutenant un dictateur. L’ouvrage parle aussi de l’exécution sur la place publique d’E. Ouandié et de ses compagnons au terme d’une parodie de procès. Tous ces faits conduisent Mongo Beti à soutenir que les indépendances en Afrique francophone sont une vaste tromperie, que Charles de Gaulle a octroyé des indépendances nominales aux Africains parce que son pays avait toujours besoin de leurs matières premières.
Évidemment, Mongo Beti est contre ces pseudo-indépendances. Mais ce qui l’exaspère le plus, c’est le deux poids, deux mesures de la presse occidentale. Il ne comprend pas que cette dernière, si prompte à ruer dans les brancards quand les droits de l’homme sont bafoués en Amérique latine, se taise sur la situation des pays africains, qu’elle ne dise rien sur le procès de Ouandié. Il ne comprend pas non plus que, “quand il s'agit de l'Afrique noire, les clivages gauche/droite, libéraux/conservateurs deviennent brusquement caducs en France pour faire place à un complexe obscur, mélange inquiétant de paternalisme paranoïaque et de sadomasochisme, qui doit servir de fond à tous les crimes passionnels” (Mongo Beti, préface à l'édition de 1977, p. 37).
50 ans après la parution de cet essai qui décrit très bien les mécanismes de maintien de tout un pays sous l’emprise d’un individu, les conditions de vie et de travail des Camerounais se sont-elles améliorées ? Les Africains vivent-ils mieux ? Bref, les maux dénoncés par l’insoumis Mongo Beti ont-ils disparu ? L’honnêteté m’oblige à répondre par la négative. Quand je vois le délabrement de la plupart des pays dits francophones, quand je vois la misère qui clochardise et déshumanise chaque jour des milliers de personnes dans les villes et villages malgré nos nombreuses ressources naturelles, quand je vois la multiplication des bases militaires françaises sur le sol africain, quand je vois le soutien de Paris à certains dictateurs et violeurs de Constitutions, je me dis que MBC reste d’actualité et que la jeunesse africaine gagnerait à lire cet ouvrage majeur de la littérature africaine.
L’Africain qui ose attaquer le néocolonialisme français est vite taxé d’ingratitude et de haine envers la France. Traitera-t-on de la même manière les Français qui ne supportent plus la politique criminelle et prédatrice de leur pays en Afrique et ailleurs ? Le 2 février 2022, à la tribune du Parlement français, Sébastien Nadot déclarait ceci : “La politique extérieure de la France est dans l'égarement. Depuis plusieurs années, partout, notre pays se comporte de manière arrogante et belliqueuse. Du Yémen à l’Éthiopie, de la Birmanie au Sahel, du Haut Karabakh à la Libye, notre pays arme très fréquemment le bras de la mort.”
Les laquais et caniches de la France en Afrique, ceux et celles qui croient que parler et manger avec Macron est un honneur, ceux qui volèrent au secours d’une France en perte de vitesse à Montpellier le 8 octobre 2021, que pensent-ils de ces paroles lucides et véridiques ? Diront-ils que le député toulousain a été acheté par la Russie ou qu'il est manipulé par les Africains ? Parleront-ils, comme Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan, d’une humiliation de la France par le Mali parce que l’ambassadeur français fut sommé de quitter le pays dans les 72 h ? Ceux qui pensent que le Mali a humilié la France en expulsant Joël Meyer rappellent volontiers que 53 Français sont morts dans la lutte contre les jihadistes mais qu’est-ce que 53 soldats à côté des milliers d'Africains morts pour la libération de la France occupée et malmenée par Adolf Hitler ? Et puis, s’ils sont si fâchés, pourquoi ne demandent-ils pas à leur président de fermer toutes les bases militaires françaises en Afrique et de faire rentrer les militaires français chez eux ? En tout cas, l'Afrique ne s'en porterait que mieux et aucun Africain sérieux et digne ne regretterait leur départ.
Je suis certain que Mongo Beti soutiendrait les courageux fils du Mali et qu’il inviterait les autres pays africains à leur emboîter le pas car “la coopération franco-africaine, c’est l’introduction en Afrique de ce que l’on a appelé ailleurs la république bananière”. Constater que l’Afrique ne fut pas décolonisée en 1960 ne signifie pas que Mongo Beti est un afro-pessimiste. Pour lui, toutes les chances du continent noir demeurent intactes. Pour lui, l’Afrique peut rebondir, peut renaître, à condition que les Africains aillent au combat en faisant preuve d’intelligence, de ruse, de détermination et de fermeté comme Assimi Goïta et Choguel Maïga.
Certes, il n’eut pas l’occasion de prendre le maquis, mais il n’en a pas moins combattu la Françafrique en utilisant sa plume. Avec “Main basse sur le Cameroun”, un vrai chef d’œuvre, Mongo Beti peut être considéré comme l’un des combattants de la justice de la première heure. Il aurait pu faire comme Ferdinand Oyono, c’est-à-dire profiter du régime Biya, le soutenir envers et contre tout, mais cet esprit rebelle voyait plus grand que l’ethnie. Il n'y avait ni complaisance ni ambiguïté chez lui dans ce domaine. Il ne s’exprimait pas en tant que béti mais en tant que Camerounais, en tant qu’Africain révolté par la situation d’un continent dominé et exploité par des gens qui peut-être ne sont ni meilleurs ni pires mais qui ne savent pas s’arrêter, pour reprendre une idée de Marcel Amondji, et c’est cette qualité qui me séduit le plus chez lui.
Le continent a été nié dans son humanité. Il a vu des langues, des organisations sociales et des systèmes de valeur lui être imposés, provoquant ainsi une aliénation que des décennies d’indépendance ne parviennent pas à effacer
A Douala, durant l’édition 2022 de la Nuit des idées sur le thème «(Re)construire ensemble», j’ai participé à un échange passionnant avec des intellectuels camerounais sur la réparation du «pagne social», notamment dans une société fragmentée aux prises avec une gouvernance politique compliquée. Si le passé est un puissant levier de compréhension du présent, il convient donc d’y retourner pour appréhender ce qui nous arrive, nous Africains, et qui nous oblige à penser l’à-venir de manière différente.
L’Afrique a bel et bien eu une histoire avant l’esclavage et la colonisation. Elle a porté de grands empires et a été bercée par des modèles et des savoirs endogènes qu’une foisonnante littérature a documentés. Mais l’Afrique, c’est aussi cinq siècles de domination étrangère et de négation de son humanité, qui ont nourri toutes les théories racistes à notre encontre. Inventer un devenir nouveau, dépouillé des pesanteurs de l’histoire, requiert de répondre à la question de comment panser les blessures du passé.
Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde, disait Camus. Il faut nommer les blessures et les impasses du passé, la souffrance des Africains des siècles durant, qui ont fait face à la traite transatlantique et à la colonisation, crimes contre l’humanité, qui ont hypothéqué notre ascension économique et notre construction en tant que société. Dans son essai Afrotopia (Philippe Rey, 2016), Felwine Sarr assure que «la traite transatlantique et le colonialisme ont été synonymes de ponction de richesses et d’hommes, de déstructuration des sociétés, de distorsions institutionnelles, de viol culturel, d’aliénation et d’inscription des sociétés dominées dans des trajectoires peu vertueuses». Il ajoute qu’ils ont eu un impact négatif sur «le développement et la croissance des nations jadis dominées». Par exemple, selon lui, les Africains disposaient au 16ème siècle d’un avantage démographique sur le reste du monde avec une population estimée à 100 millions, soit 20% de la population mondiale. Le chiffre a ensuite chuté en deux siècles pour se situer à 9% de la population mondiale. Ce choc post-traumatique subi par les Africains, que Felwine Sarr appelle hystérèse, renvoie à la remarque de Césaire sur la violence du fait colonial, qui n’a pas seulement été caractérisée par les morts et les déportations, mais par l’insémination dans le cerveau de générations entières d’une absence d’humanité et de dignité.
Le continent a été nié dans son humanité. Son histoire a été confisquée. Il a vu des langues, des organisations sociales et des systèmes de valeur lui être imposés, provoquant ainsi une aliénation que des décennies d’indépendance ne parviennent pas à effacer. Il demeure dans un état de choc qui provoque une crise de sens s’ajoutant à la gouvernance inefficace des décennies post-indépendance.
Dès lors, comment recouvrer une dignité et rebâtir une souveraineté basée sur nos imaginaires ? La question du politique me semble essentielle. Elle permet d’habiter les lieux du pouvoir afin de transformer la vie des gens, notamment les plus précaires, ceux qui souffrent le plus de la gouvernance des élites corrompues et immorales. Mais ma réflexion, depuis notre ouvrage collectif Politisez-vous ! (United Press, 2017), a évolué. Je pense de plus en plus à l’expression politique par le bas comme outil de transformation du réel. Par la culture et l’éducation populaire, et à travers ce que le philosophe slovène, Slavoj Žižek, appelait la «guérilla patiente», se fraye la possibilité d’avoir un impact sur des générations entières d’Africains que le politique comme appareil du pouvoir et de prise de décision ne touche plus.
L’abandon de l’éducation et de la culture a eu des conséquences terribles sur la marche de nos pays. D’abord au plan économique, car ils sont des secteurs productifs, mais aussi aux plans social et sociétal. Le manque d’accès à la culture et à l’éducation a désorienté des générations entières et a défavorisé la formulation d’un projet commun. L’éducation est le premier levier pour changer le destin d’un pays, car le savoir enrichit et libère de la tentation obscurantiste, dont les manifestations sont devenues quotidiennes. Et la culture, comme le disait Senghor, est le moteur de la civilisation, ce qui doit être au début et à la fin de tout processus de développement. Durant les débats au sein de la Galerie MAM de Douala, j’ai repensé aux hétérotopies foucaldiennes. Cet espace incarne ces lieux autres qui abritent l’utopie, où les codes sont une forme de réinvention du monde. Multiplier ces lieux remplis d’art et de culture peut contribuer à réparer nos âmes, à renforcer l’estime de soi et à proposer en Afrique un tournant civilisationnel qui permet, à travers des imaginaires jusque-là négligés, de repenser la société et de mener la bataille contre le capitalisme et les intégrismes et leur dessein morbide.
PAR BOUBACAR BADJI DE SENEPLUS
MULTIPLE PHOTOS
UN SACRE HAUT EN COULEURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Accoutrements loufoques, maquillages du corps entier à l'effigie du Sénégal. Au coeur de la longue procession dans les rues de Dakar avec les Lions champions d'Afrique de retour au bercail - REPORTAGE PHOTOS
Boubacar Badji de SenePlus |
Publication 07/02/2022
Des millions de Sénégalais ont pris d'assaut les rues de la capitale, Dakar et sa banlieue ce lundi 7 février, pour célébrer le triomphe de l'équipe nationale de football à la CAN 2021. Parmi eux, de véritables passionnés des Lions qui ont fait preuve d'imagination débordante pour manifester leur soutien aux nouveaux champions d'Afrique.
SenePlus vous plonge dans cette ferveur populaire grâce à ce reportage photos réalisé par Boubacar Badji.
ÉTUDE SUR LES REMUNERATIONS DANS L’ADMINISTRATION : DYSFONCTION PUBLIQUE
Rattrapé par sa générosité sélective envers ses agents, l’Etat aura du mal à trouver la bonne formule pour corriger les inégalités.
Les syndicalistes de l’enseignement sont en grève depuis des mois, pour exiger le respect des accords de 2018 et la révision du système de rémunération des agents de l’Administration. Un système de rémunération caractérisé par des disparités et iniquités, révélées par une étude réalisée en 2015. Le Quotidien se penche sur les révélations et recommandations de cette étude, qui devraient permettre de corriger ces dysfonctionnements.
Rattrapé par sa générosité sélective envers ses agents, l’Etat aura du mal à trouver la bonne formule pour corriger les inégalités. Volontaire, Macky Sall bute sur la réalité. Après avoir gelé leurs plans d’actions pour l’année scolaire 2020-2021 à cause de la crise liée au Covid-19, les enseignants, qui font partie des corps les plus lésés, ont déterré la hache de guerre pour exiger le respect des accords de 2018 et surtout la révision du système de rémunération.
Concernant ce dernier point, une étude réalisée en 2015 avait révélé des disparités et iniquités, sources de frustrations. Partant de ce constat, ladite étude réalisée par le cabinet Mgp-Afrique, a montré que «la réforme du système de rémunération des agents de l’Administration est donc devenue incontournable, en vue non seulement de promouvoir une meilleure allocation des ressources budgétaires, mais également d’accroître l’équité dans les rémunérations et de mettre en place un système qui permette de motiver les agents de l’Etat les plus performants».
Ce travail effectué il y a 6 ans, avait décelé «un certain nombre de contraintes qui pèsent sur le budget de l’Etat, du fait de la masse salariale des agents publics». Dans le document, les auteurs avaient rappelé que les 103 358 agents de l’Etat émargeant sur le Titre II du budget de l’Etat, représentent une masse salariale de «485,2 milliards pour 1482,5 milliards de recettes fiscales, ce qui représente un ratio de 32,7 %». Ils avaient ainsi précisé que «ces chiffres, tirés des dépenses imputées au Titre II du budget de l’Etat, n’incluent pas celles afférentes au personnel des institutions, ni ne tiennent compte des dépenses de personnel imputées sur des crédits de matériel, voire sur des dépenses communes».
«Salaires ou indemnités payés directement sur une base mensuelle, sans rapport avec leurs soldes indiciaires»
L’étude s’était aussi penchée sur «l’évolution des grilles indiciaires, la prolifération des primes et indemnités, les augmentations successives de la rémunération des agents de l’Etat». Elle avait ainsi révélé qu’aussi bien «en valeur absolue qu’à travers l’accroissement de la valeur du point d’indice, combinées à la reprise des recrutements et aux reversements effectués, ont conduit à un accroissement de la rémunération des agents et, consécutivement, à une forte progression de la masse salariale au cours des quinze dernières années, surtout dans sa composante primes et indemnités».
Sur les disparités, l’étude avait ainsi montré «une différence d’échelles indiciaires entre certains corps de même niveau de recrutement, soit une progression de carrière plus rapide dans certains corps par rapport à d’autres de même niveau, du fait d’un nombre plus restreint de classes ou d’échelons, conféré par leur statut». Et aussi «une couverture incomplète de la durée normale de carrière par le nombre d’échelons contenus dans chaque échelle».
Autre dysfonctionnement, c’est le fait qu’au cours «de ces dernières années, les agents d’un certain nombre de corps ont pu bénéficier de salaires ou indemnités payés directement sur une base mensuelle, sans rapport avec leurs soldes indiciaires, ou en référence à d’autres corps ou fonctions de l’Administration».
Dans le document, il est fait état du cas «des inspecteurs généraux d’Etat, dont les rémunérations actuelles, d’un montant sans commune mesure avec celles qu’ils auraient perçues sur la base de leur échelonnement indiciaire, revalorisé du reste en 2006, ont été fixées, de surcroît, nettes d’impôts (cf. le décret n° 2011-1044 du 26 juillet 2011) ; des magistrats supérieurs, en l’occurrence les présidents et procureurs des hautes juridictions, dont les rémunérations ont été alignées sur celles octroyées aux membres du Conseil constitutionnel à la veille de l’élection présidentielle de 2012 ; des conseillers en organisation, qui n’ont certes pas bénéficié d’une telle rémunération globale, mais qui ont obtenu un alignement de leurs indemnités de fonction sur celles des conseillers techniques de la présidence de la République, pour pouvoir disposer de rémunérations substantielles (cf. le décret n° 2014-800 fixant le rang, les indemnités et avantages des conseillers en organisation en service au Bureau organisation et méthodes);, etc.». Les auteurs de cette étude avaient également souligné «les effets pervers de tels décrets instituant des rémunérations ou indemnités de fonctions globales, en lieu et place des soldes indiciaires». Ils avaient ainsi fait savoir qu’il «ne s’agit là que «d’indemnités différentielles de salaire», allouées aux intéressés pour leur permettre d’atteindre un certain niveau de rémunération».
Et d’expliquer : «Leurs salaires indiciaires étant ainsi maintenus en vigueur, même virtuellement, pour la gestion des carrières et les avancements notamment, c’est sur cette base que devrait s’effectuer, selon toute logique, la détermination de l’assiette de leurs pensions de retraite, une situation qui leur sera donc défavorable à terme.»
Mais, avaient-ils relevé : «Il semblerait d’ailleurs, d’après les données de solde de 2014, que les agents de certains de ces corps, notamment les Ige et les magistrats (pour ce qui concerne certaines fonctions occupées), cumulent leurs an¬ciennes primes et indemnités avec cette sorte de solde globale qui leur a été octroyée, atteignant ainsi des niveaux inattendus.»
CRISE SCOLAIRE, LES SYNDICALISTES ENCORE EN ORDRE DE BATAILLE
Le SAEMSS et le CUSEMS, deux influents syndicat d’enseignants du moyen secondaire ont annoncé un nouveau plan d’actions rythmé par une série de débrayage et grèves à compter de lundi
Dakar, 4 fev (APS) – Le SAEMSS et le CUSEMS, deux influents syndicat d’enseignants du moyen secondaire ont annoncé un nouveau plan d’actions rythmé par une série de débrayage et grèves à compter de lundi afin d’exiger du gouvernement l’application intégrale d’un protocole d’accord signé en avril 2018.
’’Constatant le dilatoire notoire du gouvernement qui a mené à l’échec de la rencontre du 03 février 2022’’, le SAEMSS et le CUSEMS ont annoncé une série d’actions pour, disent-ils, pour ’’exiger l’apurement du protocole du 30 avril 2018’’.
Dans un document consulté par l’APS, il est prévu lundi et mardi, un débrayage à 9 h suivi d’Assemblées générales, et d’une Conférence de presse conjointe SAEMSS/CUSEMS à Dakar.
Après un débrayage, mercredi, à 9 h, les syndicalistes comptent observer une grève totale, jeudi.
Le plan d’actions prévoit aussi ’’le maintien du boycott de toutes les évaluations (évaluations harmonisées, devoirs et compositions du 1er Sem), des activités d’éducation physique et sportive et des activités de cellules pédagogiques’’.
Une marche nationale des enseignants est prévue, le jeudi 17 février, à Ziguinchor (Sud).
Le ministère de la Fonction publique et du Renouveau du service public a annoncé jeudi la mise en place d’une ’’commission technique’’ devant permettre au gouvernement et aux syndicats d’enseignants de ’’confronter’’ leurs propositions afin de parvenir à un ’’consensus dynamique’’.
Dans un communiqué, le département ministériel signale que cette commission technique, dont les travaux seront bouclés dans un délai de 15 jours maximum, a été mise en place au sortir d’une réunion entre le gouvernement et les syndicats du G7.
Cette rencontre était axée sur la problématique du système de rémunération et celle du corps des administrateurs scolaires.
Elle intervient dans un contexte de perturbation du système éducatif du pays, à la suite d’un mouvement de grève déclenché notamment par le SAEMS et le CUSEMS, deux syndicats d’enseignants des cycles moyen et secondaire. Ces deux organisations syndicales demandent notamment à l’Etat d’appliquer les accords signés avec les enseignants.
Selon le communiqué, les travaux de la commission technique devraient offrir aux deux parties l’opportunité de ’’confronter’’ leurs propositions et contre-propositions pour parvenir à un ’’consensus dynamique’’.
De son côté, le président de la République a demandé mercredi aux acteurs du système éducatif de veiller à ‘’la continuité des enseignements’’ scolaires, et au gouvernement d’assurer la ‘’sécurisation’’ des écoles.
Réagissant à la grève des enseignants des cycles moyen et secondaire, en Conseil des ministres, il a dit souhaiter que les acteurs de l’école veillent ‘’ensemble’’ à ‘’garantir la continuité des enseignements, le respect du quantum horaire, ainsi que les évaluations programmées, conformément au calendrier scolaire’’.
Le chef de l’Etat a également demandé au ‘’gouvernement de veiller à la sécurisation de l’espace scolaire et à l’ancrage durable d’un dialogue social constructif et responsable dans le système éducatif’’.
Macky Sall ‘’exhorte (…) le gouvernement, les enseignants, les apprenants, les parents d’élèves et les autres composantes de la communauté éducative à assurer (…) leurs responsabilités’’, lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres.
Il a évoqué ‘’l’importance qu’il accorde à la stabilité et à l’excellence du système éducatif national, qui passent par un bon déroulement des enseignements dans les établissements publics et privés, sur l’ensemble du territoire national’’.
Par ailleurs, ajoute le communiqué, ‘’le chef de l’Etat invite (…) le gouvernement à communiquer au public, à travers un mémorandum exhaustif, les acquis, réalisations et avancées sociales notables accomplis durant les dix dernières années en matière d’éducation et de formation’’.
A ce sujet, il a cité en guise d’exemple ‘’la revalorisation de la fonction enseignante’’, écrit le ministre, porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye.
Macky Sall a également réclamé au ministre de la Fonction publique une ‘’évaluation globale de l’état de prise en charge, par le gouvernement, des accords signés avec les cadres syndicaux d’enseignants’’.
’’Le chef de l’Etat invite (…) le gouvernement à organiser, avec les syndicats d’enseignants, une revue consensuelle desdits accords, en relation avec le Haut Conseil du dialogue social’’.