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24 avril 2025
Développement
par Ada Pouye
DEUXIÈME GÉNÉRATION DE LA RIPOSTE COVID-19, CONSONANCE ET RÉSONNANCE
EXCLUSIF SENEPLUS : Gagner la bataille de l’engagement et de la participation communautaire, c’est placer la communauté comme actrice souveraine dans la communication pour le changement de comportement, y compris et social
« la conception moderne de la pathologie est socialement construite et la manière même dont elle est circonscrite est redevable à un contexte historique délimité » Michel Foucault (la naissance de la clinique Edition Payot)
Le 11 mai 2020 marque un tournant décisif pour les stratégies d’adaptation justifiant une deuxième génération de la riposte au Sénégal qu’il faut enclencher sur le sceau de l’adaptation et de la réactualisation des urgences socioéconomiques et politiques.
Apres la déclaration du chef de l’Etat sur l’assouplissement des mesures de confinement, le Sénégal entame une deuxième phase de la riposte avec beaucoup d’incertitudes et d’interrogations sur leur pertinence. Ceci après plus de deux mois de gestion de la riposte avec des fortunes diverses dans le respect des mesures barrières selon le profil épidémiologique et la cartographie de la prévalence hospitalière au Covid-19.
À ce jour (samedi 17 mai), nous comptons 2420 cas positifs, 949 guéris, 25 ddécès en milieu hospitalier ou en cours d’évacuation, et 1445 sous traitement. Ces données combinées avec la distribution des cas dans 35 districts sur 79 et 11 régions sur 14 que nous comptons au Sénégal font de Dakar, Rufisque, Guédiawaye, Sangalkam, Keur Massar et Diamniadio l’épicentre de la pandémie avec 1449 cas, ce qui représente 62,7% des cas positifs et Touba avec 272 cas. Ces données ne sont pas un hasard du fait que Dakar, centre économique par excellence, enregistre une forte concentration de population avec 3 835 019 habitants et 5 879 personnes au Km2. Toute chose étant égale par ailleurs, un équilibre s’impose avec la superposition des urgences sanitaires, politiques, sociales et économiques afin de mettre en perspective l’après Covid-19.
Impératif de relance économique dans le contexte du Covid-19
Au-delà des aspects émotionnels touchant l’opinion publique concernant l’assouplissement de l’état d’urgence et du timing de la décision, ceci se résume à une logique de mitigation des risques, politiques, économiques et sociaux. En effet, le secteur informel pèse 41,6 % sur le PIB et 96,4% des emplois avec une contribution de plus de 350 milliards de Francs selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et toutes les politiques et stratégies quelles qu’elles soient et dont il faut devoir tenir compte. J’avais indiqué dans un de mes articles qu’on ne peut pas se focaliser sur un programme de résilience pour faire face à une crise sans y intégrer la dimension relance ou relèvement. Renforcer les capacités des communautés à faire face aux chocs liés au Covid-19, c’est bien mais insuffisant pour participer à la transformation du pays vu les nombreux défis auxquels il est confronté notamment sur l’emploi et l’employabilité des jeunes et la mise sur orbite des femmes comme agents et actrices du développement. La représentation que nous nous faisons de l’accumulation économique détermine notre lien au travail dans l’espace urbain, dicté par la logique de survie et l’espace rural basé sur l’échange, le don de soi au profit des traditions. Le secteur informel non agricole emploie 1 689 693 chefs d’unités de production informelle. Les marchés et les loumas ont un rôle central dans l’économie urbaine et les échanges de biens divers. La circulation des personnes, des objets et des biens renseigne amplement sur l’économie urbaine bâtie sur le commerce et les souks à ciel ouvert, les gargotes, les garages mécaniques, les menuiseries métalliques et de bois, la vente des chaussures exportées de Chine sur les parvis et les parkings informels. L’économie sénégalaise, bâtie sur ce travail journalier de l’informel, est en soi un dispositif de filet qu’il faut préserver avec des encadrements comme un atout sans laisser la ville se défigurer et pouvant se transformer en une bombe virale.
Il importe donc de relancer les activités du secteur informel en mettant en place des mesures barrières autour des marchés et des loumas avec une ambulance, des sapeurs pompiers, des volontaires de la Croix Rouge, une équipe d’alerte rapide et des équipes d’hygiène sous la responsabilité des commerçants. Il doit en être de même pour les ports de pèche traditionnelle avec les mareyeuses, les marchés aux légumes, les friperies et les parcs de commercialisation du bois, les garages mécaniques.
L’assouplissement de mesures signifie que tous les secteurs formels doivent disposer de plans de contingence avec des services minimum pour les personnels essentiels. Il faudra aussi élargir les tests de dépistage systématique en entreprise. Certaines banques de la place ont rendu systématique les tests de dépistage de tout personnel qui reprend les services.
La proximité avec les foyers de riposte et l’engagement communautaire
Le problème majeur de la première génération aura été la gestion des cas importés, les transmissions communautaires et le suivi des contacts. Le traçage des contacts notamment au niveau des cas importés et de la transmission communautaire constitue un vrai problème dès lors où étaient concernés des commerçants, des guérisseurs ou des restaurateurs. La limitation des tests sérologiques à deux structures de référence, à savoir l’Institut Pasteur et accessoirement l’IRESSEF, a réduit sensiblement le potentiel national de dépistage de tous les contacts. Mais aujourd’hui, nous assistons à une montée en puissance au niveau du nombre de tests effectués tous les jours, ce qui nous donne la mesure du nombre de cas positifs tout en occultant les décès communautaires qui n’ont pas fait l’objet d’autopsie systématique. Cette phase est en train d’être maitrisée dans une certaine mesure. Un petit rappel dans le profil épidémiologique des cas de Covid-19 où 40% des personnes infectées sont des cas bénins, 40 % seront des cas modérés, 15 % des cas diagnostiqués graves et 5% jugés comme des cas critiques. Le Sénégal est plus ou moins dans cette fourchette avec un faible taux de létalité.
Le contexte actuel après la déclaration du chef de l’Etat sera marqué par le retour des voyageurs et des dépouilles mortelles par voie aérienne venant de pays à forte prévalence de la pandémie. Nous allons assister vraisemblablement à une résurgence des cas importés avec une maitrise des cas contacts d’autant plus que ceux qui ne sont pas suspects seront en quarantaine chez eux et suivis par le district sanitaire. Les familles doivent être préparées à des formes d’enterrement assez violentes pour éviter la contamination. L’autre défi reste la désertion des structures de santé par les populations qui rompt d’avec les droits d’accès aux services santé de qualité.
A cela, il faut ajouter la réouverture des marchés et des lieux de culte et la généralisation obligatoire des masques, la rentrée scolaire de plus de 551 000 élèves programmée le 2 Juin pour ceux qui sont en classes d’examens, l’exposition du personnel aux risques de contamination et le sentiment de relâchement que l’opinion semble partager .
L’humanisation dans le traçage des contacts, une question clé pour inverser la tendance
Le décor de la deuxième génération de riposte est bien campé pour comprendre les stratégies d’adaptation et les mécanismes de mitigation des risques pour limiter la propagation du virus. Le directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’action sociale avait déjà dégagé et dressé le changement de cap avec une plus grande responsabilisation des médecins chefs de districts qui ont la responsabilité de la coordination des plans de riposte avec l’implication des leaders communautaires, des ASC, les dahira, les jeunes des paroisses, les éclaireurs, les pionniers, les groupements féminins, les directeurs d’écoles et les élèves. Il s’agit de revenir aux plans opérationnels des districts avec l’appui des agences des nations unies et des ONGs. Le district sanitaire associé aux centres sociaux et CDEPS constitue de fait le centre opérationnel de prise en charge et de prévention avec une forte implication de la société civile dans une démarche inclusive et non sectaire. Il faut dire que ce changement de stratégies est salutaire d’autant plus que l’une des particularités du Sénégal par rapport à beaucoup de pays, c’est son tissu associatif qui existe jusqu’au niveau des villages : ceci n’existe nulle part en Afrique.
Le briefing aux médias du 15 Mai 2020 a permis au Directeur du COUS, le Dr Bousso, de décliner les nouvelles stratégies d’adaptation en rapport à la fois avec les mesures d’assouplissement et celles de l’évolution de la pandémie en attendant le pic attendu en juin/ juillet peut être. Trois nouveaux sites de prise en charge extrahospitalière ont été mis en place pour élargir les capacités de réponse.
Les approches nouvelles consistent à la prise en charge des personnes asymptomatiques dans le milieu extrahospitalier, la quarantaine des contacts et des voyageurs retournés au Sénégal à domicile, l’élargissement des sites de traitement des cas positifs dans les hôtels qui étaient jadis le lieu de la quarantaine pour tous les contacts. Il faut s’attendre à un retour massif de la diaspora au pays, ce qui est un droit que nul ne doit remettre en cause.
Nous pouvons apprécier ce changement de stratégie pour son caractère novateur et inclusif. Cependant, la mise en quarantaine des voyageurs doit être combinée avec leur dépistage systématique du point de vue coût - efficacité. La rentrée scolaire est aussi un autre défi à intégrer dans la deuxième génération de riposte avec des approches de prévention triangulaire - apprenants, enseignants et foyer - pour couper la chaîne de transmission en mettant en place des dispositifs de lavage des mains et de restauration.
Le district sanitaire avec le soutien du Comité de santé, l’imam, le directeur d’école, le centre social, le CDEPS, les ASC, les GPF, les communicateurs traditionnels, les radios communautaires sont les meilleurs et incontournables acteurs pour barrer la route au Covid-19 dans la deuxième génération de la riposte. Gagner la bataille de l’engagement et de la participation communautaire, c’est placer la communauté comme actrice souveraine dans la communication pour le changement de comportement, y compris et social.
Ada Pouye est Expert en Coordination humanitaire
PAR Sophie Thiombane
L'ETAT ACTUEL DE LA LÉGISLATION SÉNÉGALAISE EN CAS D'URGENCE
Il serait intéressant de réfléchir sur comment réglementer les situations d’urgence au niveau légal ? Comment continuer à préserver les préceptes démocratiques dans la transparence en cas d’urgence ?
La lutte contre la pandémie du Covid-19 sur le plan législatif, a permis de s’interroger sur l’ordre juridique sénégalais notamment sur la législation consacrée à l’état d’urgence. À la suite des polémiques sur la votation de la loi d’habilitation du 1er avril 2020 pour la lutte contre la pandémie, la question a suscité beaucoup de réflexions sur le plan légal. La constitution sénégalaise, fait état de l’État d’urgence qu’elle consacre à son article 69 qui dispose : « l’état de siège, comme l’état d’urgence, est décrété par le Président de la République. L’Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est en session…Les modalités d’application de l’état de siège et de l’état d’urgence sont déterminées par la loi »
Cependant, la loi du 29 Avril 1969 rappelle que l’Etat d’urgence constitue un régime de l’égalité destiné, en cas de période de crise intérieure ou de tension extérieure grave, à mettre à la disposition du gouvernement les pouvoirs nécessaires au maintien de l’ordre.
Cette disposition met l’accent sur le pouvoir de l’exécutif à prendre toute disposition pour prendre des mesures pouvant maintenir l’ordre public avec des restrictions de la liberté individuelle. Toutefois la restriction des libertés reste un moyen d’intervention pour répondre aux menaces de la sécurité publique mais l’urgence peut sans doute requérir la nécessité d’intervenir au niveau légal avec l’adoption de nouvelles normes. Voilà une situation dans laquelle s’est retrouvé le Sénégal pendant la pandémie du Covid-19.
Interprétation normative de l'article 77 Cst
Le président de la République son excellence Maître Macky Sall a jugé nécessaire de faire recours à la loi d’habilitation à la suite du décret proclamant l’État d’urgence. En effet l’article 77 de la constitution précise que « L’Assemblée nationale peut habiliter par une loi le Président de la République à prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Dans les limites de temps et de compétence fixées par la loi d’habilitation, le Président de la République prend des ordonnances qui entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d’habilitation.
L’Assemblée nationale peut les amender à l’occasion du vote de la loi de ratification ».
A vrai dire l’interprétation littérale de cet article, montre que ce dernier ne fait état d’aucune situation d’urgence. Tout ce qui ressort de cette norme, c’est l’habilitation du président de la république par l’Assemblée nationale pour légiférer dans le domaine de la loi. A la lumière de cette disposition, nous pouvons dès lors identifier un silence de la loi sur les circonstances d’adoption de la loi d’habilitation au Sénégal. De plus, étant donné que la constitution ne mentionne pas explicitement les circonstances dans lesquelles cette loi peut être votée, il faut reconnaître que rien n’empêche le gouvernement de recourir à cette loi en cas d’urgence.
Portée de la loi d'habilitation
Toutefois, intéressons-nous à la loi d’habilitation votée par l’Assemblée nationale pour habiliter le président à légiférer par ordonnance pendant trois mois dans le but de lutter contre cette maladie. Cette loi couvre plusieurs domaines en l’occurrence économique, budgétaire, financière, juridique, sanitaire et sécuritaire. Partant de l’idée que le domaine sanitaire est lié à presque tous les autres domaines, cette loi d’habilitation cherche à intervenir dans tous les secteurs pouvant être liés à la sphère sanitaire même si elle est vue comme étant très étendue.
L’aspect positif avec la votation d’une telle loi, est que le gouvernement n’aura plus besoin de soumettre le projet de loi à l’assemblée nationale à chaque fois qu’il est question d’urgence. Il pourra ainsi faire l’économie des débats parlementaires et adopter dans l’urgence une loi avec tous ses effets immédiats. Il faut dire que d’adoption d’une loi obéit à une procédure spécifique et assez longue lorsqu’elle passe devant le parlement.
De l’autre côté, la votation de la loi d’habilitation soustrait les parlementaires d’une partie de leur compétence dans la mesure où ils n’auront plus la possibilité de faire valoir leur vote mais aussi leur mission de contrôle de l’exécutif qui se trouve dès lors limitée. Cela n’exclut pas le fait que les ordonnances prises par le gouvernement seront ratifiées par l’Assemblée nationale.
Les débats autour de cette loi, doivent être l’occasion pour le législateur sénégalais, de se pencher sur le cadre légal notamment dans les situations d’urgence.
Approche comparative de la législation d'urgence
Il serait intéressant de réfléchir sur comment réglementer les situations d’urgence au niveau légal ? Comment continuer à préserver les préceptes démocratiques dans la transparence en cas d’urgence ?
Pour apporter des éléments de réponse à ces différentes questions, je propose de s’intéresser aux lois d’urgences adoptées dans certains pays dans la perspective de lutter contre cette catastrophe sanitaire. Le gouvernement français a fait recours à la loi organique d’urgence pour faire face à cette épidémie de Covid-19 avec une procédure spéciale qui suspend les délais prévus par la procédure de question prioritaire de constitutionnalité en raison de l’urgence. Il est assorti de l’habilitation du gouvernement pour prendre des mesures provisoires dans des domaines clairement définis afin de répondre à la situation de confinement.
En suisse, les « lois urgentes » prévues dans la constitution ont permis de prendre des mesures exceptionnelles pour écarter cette pandémie mettant en péril la santé de la population. Il s'agit des lois avec une durée de validité limitée ou supérieure à une année. En effet, l’ordre juridique Suisse prévoit des lois fédérales urgentes avec une base constitutionnelle (art. 165 al. 2 Cst.). Il s’agit de lois avec une durée de validité limitée ou supérieure à un an. Il s’agit de lois avec une durée de validité limitée ou supérieure à un an. La validité de cette loi doit être limitée dans le temps. Selon le Hottelier (2005) le référendum est facultatif lorsque la loi est conforme à la Constitution, obligatoire dans le cas contraire. Le recours à la clause d'urgence a permis de traiter rapidement des thèmes délicats. Au niveau de la procédure parlementaire, ce qu’on peut noter avec ces lois frappées d’une clause d’urgence c’est que qu’elle nécessite l’approbation du parlement si elle est soumise au référendum. Il y a lieu de faire la distinction entre les lois fédérales urgentes qui reposent sur une base constitutionnelle et qui peuvent être soumises au référendum facultatif et les autres lois dépourvues de base constitutionnelle sont soumises au référendum obligatoire. Il y a néanmoins lieu de rappeler que le caractère du référendum dépendra de la durée de validité de la loi en cause. Comparer à la loi d’habilitation sénégalaise, l’élément remarquable avec cette législation d’urgence en Suisse, c’est qu’elle maintient l’activité parlementaire en lui laissant la possibilité d’intervenir dans le vote des lois même en situation d’urgence. Certes nous parlons de deux systèmes étatiques différents (État fédéral et État unitaire décentralisé) mais la législation d’urgence peut être adaptée selon le système du pays. Une procédure spéciale d’urgence peut être adoptée par les autorités compétentes dans un délai restreint.
Sources :
Art 165 législation d’urgence : Etat d’urgence 2019 agir maintenant source détaillée du dictionnaire historique de la Suisse. Récupéré sur le site :
EXCLUSIF SENEPLUS - L’avant-garde, de toutes les élites dirigeantes, depuis les indépendances, est composée d’hommes - Si la gouvernance ne marche pas, c’est aussi parce que peu de femmes ont des rôles de direction dans notre pays
Y avait-il quelque chose à attendre ? Non, pas vraiment. Un peu de curiosité peut-être. Tout avait déjà fuité dans les médias. Mais faut-il que je sois aussi borné et impeccablement naïf pour attendre du chef de l’Etat un sens de l’alternative. Cette période d’incertitudes et de crise ne va pas aboutir à un vrai changement de cap. J’en suis maintenant persuadé. Dans notre pays, c’est sûr, le paradigme va demeurer. Nous n’avons pas à la tête de notre nation, un leadership fort et vraiment porteur de génie créatif. Capable de soutenir un idéal progressiste et de puissantes dynamiques de changements. Le président de la République ne veut pas briser les faux équilibres. En est-il simplement incapable ? Ou n'a-t-il pas l'intention de l'assumer, en définitive ?
Ce lundi 11 mai 2020, le chef de l’Etat a jeté un trouble, en faisant une volte-face et un revirement dans sa stratégie de lutte contre le Covid-19. Certains ont parlé d’ajustements, nécessaires, pour ne pas exacerber les frustrations. Certes, il y a des contradictions intenables pour tous les dirigeants du monde. Actuellement en « guerre » contre le coronavirus. Il faut arbitrer entre les intérêts sanitaires, économiques, sociaux. Évidemment, il faut écouter. Car l’opinion publique à son mot à dire. Mais il n’y a aucune cohérence entre les mesures prises et la situation sanitaire qui prédomine actuellement. Le président de la République a pris un verdict dilatoire. Les hôpitaux sont surchargés. La maladie gagne du terrain et l’on s’achemine inévitablement vers le pic de la pandémie au Sénégal. Visiblement, sans possibilité de résorber la courbe.
Macky Sall a décidé de laisser tanguer le navire. Dangereusement. Il ne l’a pas quitté, puisqu’il reste le commandant en chef. Avec toutes les prérogatives d’un chef d’Etat dans un régime présidentiel. Et tous les pouvoirs conférés par l’article 77 de la Constitution, en ce moment. C’est-à-dire dire qu’il exerce le pouvoir sans le consentement de l'Assemblée nationale. Ni de qui que ce soit d’ailleurs. Il est monarque. Mais un monarque, qui partage ses compétences avec d’autres seigneurs et qui le sait, et qui en profite peut-être. Sauf qu’à trop laisser de la place, à négocier et à ruser pour des ambitions personnelles et des combinaisons politiques, on finit par renier les principes qui fondent la souveraineté populaire et la République.
Faut-il vivre avec la maladie ? La question mérite d’être débattue. Tout simplement parce que personne ne sait si l’on trouvera, très prochainement, des solutions pour éradiquer le Covid-19. Aussi, parce que la peur ne doit pas l’emporter. Dans nos pays africains où très peu de moyens sont mis dans la recherche et le développement, où nous serons encore à la remorque, en regardant les autres mener une course au vaccin, nous ne pouvons pas rester indéfiniment les mains croisées. Les petites gens doivent survivre. C’est parfois la seule dignité qui leur reste. L’économie, surtout informelle ici, ne peut pas rester confinée en attendant une hypothétique réponse des pouvoirs publics. Il y avait certainement des aménagements à faire. Tout cela est vrai. Par contre, il y a beaucoup de choses réfutables, dont le fondement ne répond ni à la raison, ni à la science. Ni même à la spiritualité. En décidant de rouvrir les lieux de culte, le président de la République a abdiqué face à certaines pressions religieuses. Et peut-être a-t-il trouvé un moyen inespéré de desserrer l’étau économique. De ne prendre aucun risque. D’utiliser des circonstances favorables à ses seuls desseins politiques. Quoi qu’il en soit, cela en dit long sur la marche de notre pays. Qui fatalement va vers l’instabilité de ses institutions politiques. L’Etat ne peut pas continuer à instrumentaliser « la paix sociale » pour éviter de prendre des décisions courageuses. Sans s’en trouver diminué.
Les affaires publiques sont complexes. C’est pourquoi les femmes et les hommes en charge de les mener sont dotés d’un pouvoir discrétionnaire. Un levier pour renforcer l’autorité des représentants du peuple. En optant pour la solution de la demi-mesure, le président de la République ne change pas seulement de ton et de direction dans la lutte contre le Covid-19. Il affaiblit le pouvoir de l’Etat. Il fait preuve de passivité. Il laisse torpiller l’armature des institutions politiques par des groupes de pression. Il démissionne. La prééminence de la République s’en trouve interrogée. Les cellules religieuses sont-elles, réellement, plus importantes et solides que l’Etat et ses représentants ? Le contrat social peut évidemment laisser une large place à la coutume, et instituer des relations cordiales. Mais il ne lui délègue pas des responsabilités et un droit de regard sur les politiques publiques. Au risque de dégrader sa confiance auprès des citoyens. Et d’aller vers toujours plus de compromissions. Vers la remise en cause de l’hégémonie politique de ceux qui ont été élus au suffrage universel. L’Etat a une vocation : celle de garantir la justice et le bien-être. Quelles qu’en soient les conséquences. Nous n’avancerons pas, si nous ne nous mettons pas d’accord sur les termes de notre contrat social. Sur la vraie nature des rapports entre le religieux et le politique. Il y va de l’avenir de notre nation.
Ouvrir l’avenir. L’Etat s’est débiné. Mais ce n’est pas la décision de rouvrir les lieux de culte seulement qui pose problème. Le retour des élèves, en classe d’examen, à partir du 02 juin, est difficilement compréhensible. Les garanties du ministre de l’Education nationale ne tiennent pas devant l’âpreté de la réalité. Les disparités entre les régions sont importantes. Certaines règles d’hygiène et de distanciation sociale seront difficilement respectées dans beaucoup de localités. Pourtant l’Etat tient à expédier l’année scolaire en cours. Pour quelles raisons ? Pourquoi faire fi du principe de précaution ? De l'impératif sanitaire et des inégalités ? Il n’y a aucune nécessité de précipiter la réouverture des classes. Ce sera encore désastreux au niveau des résultats scolaires. Cela va encore dévaluer la valeur intellectuelle de l'apprenant sénégalais. Mais certains veillent. Heureusement. Il en est du collectif des gouvernements scolaires. À la tête de celui-ci, une jeune fille. Active. La tête couverte d’énergie, de courage. D’aphorismes. Maguette Ba est l’une des lueurs d’espoir de cette nation qui ne sait plus où elle va vraiment.
Écoutons-la plutôt. « Sacrifier un élève, c’est sacrifier une famille ; sacrifier une famille, c’est sacrifier un quartier ; sacrifier un quartier, c’est sacrifier une ville, et sacrifier une ville, c’est sacrifier une nation », a-t-elle martelé. Maguette est déjà impressionnante, malgré son apparence frêle, de conscience intellectuelle et politique. Elle a 18 ans. Elle habite à Keur Massar-Village. Localité qu’elle quitte tous les jours, à 06 heures du matin, pour aller au lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye. Elle y passe son baccalauréat, S2. Elle rentre tard le soir, à 22 heures. Des rêves pleins la tête. Plus tard, elle souhaite travailler dans l’intelligence artificielle. Elle veut aussi « protéger l’environnement et participer au bien-être de la planète ». S’occuper de sa communauté. En ces temps de doute et de crise, c’est une vraie bouffée d’espoir et de fraîcheur. Une surprise. Maguette est déjà brillante et passionnée. Comment entretenir son talent, pour qu’elle ne soit pas éclipsée dans quelques temps. En montant les étages de la vie associative, sociale et politique ? Cela appelle une question. L’avenir de notre pays peut-il se faire sans le retour du leadership féminin ? Non. Et, il n’y a absolument rien d’inédit en cela. L’on assisterait tout simplement au retour d’un héritage positif. Aujourd’hui, force est de constater une discrétion des femmes dans la sphère publique et les grands centres de décision.
Notre modèle social et politique, actuel, a presque rendu invisible le patrimoine politique des femmes. Or, elles participaient pleinement à la pratique du gouvernement dans nos sociétés matriarcales. Comme le précisait Cheikh Anta Diop, dans « Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire ». « De l’étude de notre passé, nous pouvons tirer une leçon de gouvernement. Le régime matriarcal aidant, nos ancêtres, antérieurement à toute influence étrangère, avaient fait à la femme une place de choix. Ils voyaient en elle, non la courtisane, mais la mère de famille. […] Aussi, les femmes participaient-elles à la direction des affaires publiques dans le cadre d'une assemblée féminine, siégeant à part, mais jouissant de prérogatives analogues à celles des hommes. » Nos sociétés avaient ainsi mis en exergue un bicaméralisme, reposant sur l’égalité des sexes.
L’avant-garde, de toutes les élites dirigeantes, depuis les indépendances, est composée d’hommes. Et nous sommes encore englués dans l’impasse. Cela doit pousser à la remise en question de ce modèle. À l'invention d'un nouveau paradigme élitaire. Si la gouvernance ne marche pas, c’est aussi parce que peu de femmes ont des rôles de direction et d’influence dans notre pays. La maigre consolation de la loi sur la parité, et les quelques ministres dans les gouvernements ne doivent pas faire oublier que ce sont les hommes, en grande majorité, qui tiennent le gouvernail. Et, de fait, leurs orientations présentent des lacunes. Puisque l'horizon reste encore bouché. Puisque nous n’entrevoyons pas le bout du tunnel. Après 60 ans d’indépendance. La construction de la nation sénégalaise ne s’est pas faite avec « la moitié du ciel ». Ce qui est une hérésie. Le gouvernement des hommes, sans les femmes, est celui de l’âge archaïque. Celui de la colonisation. De l’absolutisme. D’une catégorisation sociale. Il favorise un amenuisement des valeurs démocratiques et un effacement des intérêts de la gent féminine. C’est un recul civilisationnel.
Il faut donc un retour aux sources. Les femmes doivent gérer. Co-gérer avec les hommes. Dans une relation de coopération redéfinie. Qui consacre la primauté de l’intelligence collective. Pour un épanouissement ordonné et juste de l’ensemble du corps social. Si notre nation veut constituer une vraie force motrice pour, dans l’avenir, affronter les problèmes du monde, cette direction sera celle de son destin. Non seulement ce sera une évolution de portée universelle mais aussi un élan d’humanité. Un pacte sur l’égalité des droits. Cette proposition ne va pas agréer les milieux conservateurs. Qui ne peuvent pas supporter le partage de pouvoir. Qui ne sont solidaires que dans leurs intérêts égocentrés. Qui ne voudront pas comprendre une nouvelle répartition politique et sociale, intégrant positivement les femmes. En associées majoritaires. C’est pourquoi, il faudra une vraie conspiration de la jeunesse. Pour nous sortir de la léthargie. Comme beaucoup de jeunes filles de son âge, Maguette est un soleil. Il reste maintenant à faire éclater ses rayons. Pour qu’ils ne restent pas seulement des lueurs de l’aube. Mais des zéniths toujours incandescents, accompagnant la marche de notre pays. C’est un enjeu de civilisation. Un investissement d’avenir. Une exigence civique et morale. Ce sera la voie de notre émancipation collective.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
"POUR PARVENIR À L’ÉMERGENCE, IL FAUT UN ÉTAT FORT, DÉMOCRATIQUE, ACTIF"
Moustapha Kassé, Doyen honoraire de la faculté des Sciences économiques de l’Ucad, revient sur les dernières mesures d'assouplissement de l'état d'urgence, les failles de la politique agricole, celle industrielle du pays, etc.
Après deux mois de pandémie et d’état d’urgence, le chef de l’Etat Macky Sall a décidé, en début de semaine, d’alléger les mesures de confinement pour une reprise de l’activité économique. Dans cette interview accordée à ‘’EnQuête’’, le professeur Moustapha Kassé, Doyen honoraire de la faculté des Sciences économiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), revient sur cette décision, les failles de la politique agricole, celle industrielle du pays, etc.
L’économie sénégalaise, comme la plupart des économies du monde, subit de plein fouet les effets de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, quelle analyse faites-vous de la situation nationale ?
J’avais estimé, dans une réflexion antérieure, après une analyse rapide du tableau de bord de l’économie sénégalaise, que cette pandémie allait affecter, à des degrés contrastés, tous les secteurs. Les activités des 400 000 petites et moyennes entreprises (PME)/petites et moyennes industries (PMI) principales créatrices de la richesse et de l’emploi, seront impactées comme le tourisme (hôtels et restauration, sociétés de voyage, etc.), les transports (aériens, routiers etc.) le commerce, les activités artistiques et culturelles et, dans une moindre mesure, les BTP, les assurances. Tout cela a bouleversé le cadre macroéconomique, avec un creusement des déficits surtout budgétaire et au bout une décroissance du produit intérieur brut (PIB). Les transferts de la diaspora et les exportations, de même que les revenus individuels devront baisser de façon drastique. Les évaluations sont en train d’être faites par les services de la statistique.
Aujourd’hui, pour la reprise des activités économiques, le chef de l’État a décidé d’alléger les mesures de confinement. Est-ce qu’il est prudent de faire passer l’économie avant la santé, en cette période de pic de la pandémie ?
Votre question comporte plusieurs volets. Commençons par reconnaitre que la pandémie est loin d’atteindre son pic. Dans ce cas, il n’est du tout pas prudent de déconfiner en ouvrant tous les espaces de forte concentration humaine où il est difficile de respecter la distanciation sociale et les autres éléments de barrière. Ensuite, aucune communication argumentée des experts, que ce soit des professionnels de la santé, sociologues, anthropologues et économistes, n’est venue conforter cette décision présidentielle. En conséquence, il se produit une rupture de confiance entre le gouvernement et les populations.
La double crise, celle financière de 2008 et celle sanitaire de 2019, a plongé la mondialisation dans un basculement qui amorce le déclin des Etats-Unis et de l’Europe, et impose la Chine comme principal pôle de puissance du XXIe siècle. Les États africains doivent exploiter cette nouvelle recomposition de l’ordre mondial et se battre avec détermination, sérieux et rigueur pour trouver leur place dans le nouveau concert des nations, en exploitant en toute indépendance. C’est-à-dire sortir des tutorats, des servitudes et des mimétismes infantilisants. Et exploiter le potentiel de partenariat ‘’gagnant-gagnant’’ en faveur de leur développement. Ne loupons pas l’essentiel.
Selon vous, quelle était la meilleure stratégie pour le déconfinement ?
Au regard de toutes les expériences qui se déroulent de par le monde, le déconfinement apparait comme une opération très complexe, qui appelle une analyse approfondie de la situation sanitaire. A savoir les courbes d’évolution de la pandémie après des dépistages à grande échelle, la disponibilité des infrastructures de santé et le matériel des barrières, notamment les masques, etc. Une analyse de la situation sociologique, c’est-à-dire les comportements humains envers les règles de barrière, voire même anthropologique et économique. Il s’agit des conséquences économiques et financières sur les secteurs et les acteurs du secteur privé.
Elle commande, au nom des simples principes de précaution, d’abord, une préparation minutieuse portée par une évaluation rigoureuse de tous les paramètres du déconfinement ; ensuite, une estimation des moyens matériels et financiers qu’exigent toutes les mesures barrières et, enfin, une communication sobre et pédagogique en direction des populations sur les risques pouvant découler de l’ouverture des espaces publics (écoles, marchés, lieux de culte et transport). Cette foultitude de problèmes oblige à une concertation très large impliquant les professionnels de la santé, les experts, les autorités religieuses, les syndicats et la société civile. Il faut savoir et déplorer que le président de la République, dans les monarchies républicaines, est souvent isolé, sa vision obstruée par les multiples chasseurs de prébendes.
Cette crise a mis à nu des plans de développement économique de la plupart des pays africains. Quelle lecture faites-vous à ce propos ?
Il y a longtemps que les pays africains ont complètement renoncé à la planification au profit d’une gestion libérale fondée sur la croyance dans les vertus autorégulatrices du marché qui est, aujourd’hui, morte avec la crise. Et la grande question économique du XXIe siècle sera de savoir jusqu'où l'État peut intervenir efficacement plutôt que de déterminer les conditions d'une libéralisation maximale.
La planification consiste à concevoir un futur désiré, ainsi que les moyens réels d’y parvenir. C’est un instrument de prise de décision par anticipation. Il s’agit, avant d’agir, de savoir ce qu’on va faire, et comment on va le faire. Les réussites de la Chine proviennent essentiellement de la planification : le Plan 2050, le Plan technologique et d’innovation 2025, etc. Ils suivent en cela les recommandations de Sun Tzu dans ‘’l’Art de la Guerre’’ (400-320 av. J.-C.). Cet auteur avait perçu la valeur de la planification : avec beaucoup de calculs, on peut vaincre. Avec peu, c’est impossible. Ceux qui ne font rien ont peu de chance de vaincre. Sénèque disait qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. On peut rappeler cette autre citation de Gaston Berger : ‘’Préparer l’avenir, ce n’est pas y rêver. C’est choisir, dans le présent, ce qui est capable d’avenir.’’ J’ai, toute ma vie durant, plaidé pour une réhabilitation de la planification et l’impérative urgence de son utilisation en matière de décision dans un environnement d’incertitudes et de risques. Les oreilles néolibérales se bouchaient.
Le chef de l’État parle de redéfinition des priorités et d’autosuffisance alimentaire depuis le début de la crise. Mais on constate que depuis son arrivée au pouvoir, les programmes élaborés (Pracas, Prodac) n’ont pas porté leurs fruits. Pour vous, qu’est-ce qui explique cet échec ?
Cette crise doit nous permettre de repenser profondément toutes nos politiques sectorielles dans une dynamique d’offre productive en vue d’éradiquer l'extrême pauvreté et la faim, d’améliorer les infrastructures de la santé publique, d’assurer l'éducation pour tous et de protéger la soutenabilité environnementale. Au-delà des incantations, pour arriver à l’émergence, il faut un État fort, démocratique, actif et capable d’impulser et d’organiser la société, de créer des externalités positives au niveau des infrastructures de base (santé, école, routes, énergie, assainissement, etc.)
de guider et coordonner ces politiques sectorielles (industrielles, agricoles, des services, de la recherche et des innovations technologiques). D’encadrer les institutions de financement du développement, de promouvoir, appuyer et associer le secteur privé, de défendre un patriotisme économique clairvoyant et, enfin, de mettre en œuvre une politique sociale qui, au-delà de la justice sociale et de l’égalité des chances, se fixe de combattre le triple fléau du chômage, de la pauvreté et de la précarité.
La priorité doit être accordée à la politique agricole permettant l’instauration d’une agriculture performante et intensive, et le développement de la société rurale avec un paysannat de type nouveau qui possède et contrôle son espace, s’organise sur une base autonome, cherche à peser sur l’échiquier politique et dispose de techniques culturales, de matériels biologiques, de facteurs modernes de production.
Je demeure convaincu que les profondes et croissantes séquelles de la crise, qu'il s'agisse de la croissance, du chômage, des multiples précarités et de l’endettement, ne peuvent être durablement résorbées sans une relance économique forte menée par l’État dans un processus rigoureusement planifié, impliquant les transformations structurelles. Plus d’un demi-siècle de politiques économiques et autant d'échecs avec ses désastreuses conséquences sociales : croissance atone, inégalités grandissantes, chômage, pauvreté et précarité. Comment les responsables politiques peuvent-ils se tromper à ce point et s’entêter à maintenir un modèle amoché ? La crise intime que rien ne soit plus comme avant.
L’industrialisation du pays reste aussi un défi à relever. Là aussi, on constate que l’Etat peine à trouver la bonne formule. Est-ce que le Sénégal peut s’appuyer sur son industrie pour assurer son émergence économique ?
J’ai publié un ouvrage intitulé ‘’L’industrialisation africaine est possible. Quel modèle pour le Sénégal ?’’. Au-delà des développements techniques, il ressort deux messages forts : ‘’Sans industrialisation, pas d’avenir. Protéger les capacités de production sur le sol national.’’ Au lendemain de son indépendance, en 1960, le Sénégal comptait parmi les pays les mieux dotés en infrastructures industrielles, dans toute l’Afrique occidentale française (AOF). Son niveau sur beaucoup de points était comparable aux pays asiatiques de l’époque, comme la Corée et la Malaisie.
Ce système industriel était construit par un État volontariste et développeur conduit par Mamadou Dia. Il a été systématiquement démantelé par les programmes successifs d’ajustement structurel des années 80. Je cite le cas scandaleux du démantèlement de la filière textile qui était constituée de 7 unités industrielles avec un effectif de 2 000 à 3 000 employés. Aujourd’hui, elle utilise au maximum 300 personnes, soit une perte de l’ordre de 2 500 emplois industriels de haute valeur technologique. Cette perte d’emploi représente une masse salariale de 4,5 milliards de F CFA/an, des cotisations sociales de 1,15 milliard de F CFA/an qui faisaient vivre environ 25 000 personnes. Et si la tendance n’est pas inversée, la totalité du bassin d’emploi de la filière textile qui est estimée à 30 000, risque d’être perdue. Le manque à gagner du Trésor public, du fait de la sous-facturation des produits textiles importés, est estimé à 7,7 milliards de F CFA/an. C’est de la sorte que les mécanos du néolibéralisme ont complètement éteint le début d’industrialisation, au moment même où l’extension du système éducatif et la démographie galopante augmentaient à rythme effréné les demandes d’emploi.
Je voudrais souligner au moins 2 choix stratégiques majeurs d’une industrialisation propre, citoyenne, pilier d’une croissance économique durable et aux bénéfices équitablement répartis. D’abord, la transformation/valorisation des ressources à fort potentiel (agricoles). Ensuite, la satisfaction à la fois des besoins en biens essentiels des populations, y compris les plus pauvres (alimentation, habillement, médicaments, matériaux de construction et logements, outils et équipements agricoles, maintenance des matériels) ; les besoins en exportations de produits de qualité et compétitifs vers des marchés extérieurs solvables et en croissance (AGOA…) ; l’intégration dans les chaînes de valeur régionales africaines ou internationales (délocalisation, sous-traitance/outsourcing) ; la prise de sa place sur des créneaux nouveaux, liés en particulier aux nouvelles technologies, aux industries culturelles, tourisme, artisanat où le label ‘’Sénégal ou Afrique’’ a un avantage compétitif.
Le problème lancinant du financement dans cette situation de récession appelle, entre autres, la mobilisation de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à la laquelle les banques se refinancent (comme prêteur en dernier ressort) pour, d’une part, abaisser son taux directeur pour infléchir les taux d’intérêt afin de faciliter le financement de la relance des économies et, d’autre part, acheter les titres de dette et les conserver dans son portefeuille sans préjudice majeur pour son fonctionnement.
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GHANA : L'AVENIR EST AUX FEMMES
Au Ghana émerge une nouvelle génération de femmes qui débordent de projets pour écrire l'avenir du continent africain. Elles ont étudié à l'étranger avant de revenir travailler dans leur pays en tant que cadres, designers ou entrepreneuses
Au Ghana émerge une nouvelle génération de femmes qui débordent de projets pour écrire l'avenir du continent africain. Elles ont étudié à l'étranger avant de revenir travailler dans leur pays en tant que cadres, designers ou entrepreneuses. Parmi elles, Ama Boamah gère la toute première entreprise de jus de fruits bio à Accra, capitale en pleine expansion du Ghana.
Dans sa vie privée, cette jeune trentenaire a aussi suivi une voie peu conventionnelle en s’émancipant des diktats familiaux. GEO Reportage a accompagné Ama et ses amies dans leur quotidien trépidant, ponctué par une fête sur les toits d’Accra.
Reportage de Carmen Butta (2016)
par Papa Meissa Gueye
LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA CULTURE
Nous condamnons avec énergie toute démarche hasardeuse et incohérente allant dans le sens d’une éventuelle répartition de fonds de secours destinés aux acteurs culturels
Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, beaucoup de mesures salutaires et opportunes ont été prises par nos autorités dont une éventuelle aide formulée par son Excellence monsieur le président de la République Macky Sall , destinée aux acteurs culturels.
Nous sommes dans un pays où nous notons aujourd’hui l’absence de prévisions fiables et d’études sur l’environnement culturel. De ce fait nous saluons l’initiative du président de la République de venir au secours d’un secteur qui en a besoin. Néanmoins, force est de reconnaitre que le bon procédé pour matérialiser cette volonté du chef de l’Etat fait défaut vu la complexité du monde de la culture.
Dans sa communication lors du Conseil des ministres de ce mercredi 6 mai 2020, le président de la République vous a instruit de procéder à la répartition des fonds de soutien et de secours destinés à la presse et aux acteurs culturels.
Si pour la presse le montant alloué est connu de tout le monde, pour la culture, force est de reconnaitre que nous ignorons l’enveloppe allouée au secteur.
Nous souhaiterions avoir des informations sur le montant exact qui est alloué au secteur de la culture.
Nous condamnons avec énergie toute démarche hasardeuse et incohérente allant dans le sens d’une éventuelle répartition de fonds de secours destinés aux acteurs culturels. Nous vous invitons à aller au-delà de certaines considérations en sachant que la gestion de la culture est globale et non sectorielle.
L’approche doit être générale du fait de la complexité du secteur culturel. C’est pourquoi, il urge par tous les moyens de réunir une équipe d’experts pour réfléchir sur une bonne méthode permettant de prendre les bonnes mesures pour appuyer le secteur de la culture. Cette situation est très sérieuse pour l'aborder avec légèreté, alors que c'est le moment d'appliquer à la Culture, les outils modernes de gestion et de management, parmi lesquels des statistiques fiables et une vision holistique du secteur.
Nous sommes favorables et disponibles à apporter notre concours pour toute initiative allant dans le sens d’une procédure de répartition transparente et équitable des fonds.
Nous vous invitons à mesurer l’ampleur causée par la pandémie du Covid-19 dans le secteur culturel.
Enfin, c’est l’occasion de manifester toute notre reconnaissance aux médecins et personnels soignants qui travaillent pour bouter la pandémie hors du pays.
Restons chez nous dans la mesure du possible et respectons les gestes barrières.
Bientôt l'orage passera et on reprendra la danse mais avant respectons la distance.
Papa Meissa Gueye est Comédien/Metteur en scène/Entrepreneur culturel.
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OBJECTION AVEC CHEIKH SOKHNA
L'épidémiologiste, directeur de recherche à l'IRD et chef d'équipe à l'IHU de Marseille, est l'invité de Baye Oumar Guèye
Cheikh Sohkna, épidémiologiste, directeur de recherche à l'IRD et chef d'équipe à l'IHU de Marseille, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud FM) dans l'émission Objection.
par Pape Sadio Thiam
APR : QUEL AVENIR POUR AMADOU BA, MAKHTAR CISSÉ ET MIMI TOURÉ ?
Le sort qui sera réservé au différents protagonistes dans cette sourde lutte à la succession de Macky pourrait être fatale non seulement aux prétendants, mais aussi au parti présidentiel lui-même
On dirait que la malédiction frappe tous ceux qui ont (ou du moins à qui on prête) des ambitions politiques. Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire politique du Sénégal, il est facile de constater que c’est la rivalité qui est à la fois, et paradoxalement, le poumon et le poison de la politique. Du Parti socialiste à l’APR en passant par le PDS, les joutes politiques ont été très souvent fatales aux principales « promesses » d’épanouissement politique des collaborateurs des présidents. C’est vrai, la politique n’est guère une instance de fraternité religieuse, mais au rythme de la culture d’élagage systématique des potentiels aspirants à remplacer le roi, il y a à craindre. De Mamadou Dia du temps du PS à Macky Sall du temps de Wade ; l’histoire politique du Sénégal est rythmée de cortèges funèbres, faisant une procession incessante vers les cimetières politiques. Que d’énergie épuisée dans des luttes fratricides ! Que de génies sacrifiés sur l’autel de luttes politiques stériles pour le bien de la nation !
Alors qu’on regrette aujourd’hui encore le divorce fatal entre Senghor et Mamadou Dia, alors que la dislocation du parti libéral en mille morceaux est encore fraiche dans les mémoires, l’histoire semble se répéter pour l’APR. Ça combine de partout, ça cafouille, ça complote de toutes parts et tout se chamboule comme un château de cartes. A la manière des protagonistes de l’allégorie de làmbi golo, toutes les têtes qui dépassent sont systématiquement coupées et personne n’est désormais assuré de la plus petite parcelle de force politique susceptible d’être une soupape de protection pour le président qu’ils sont d’abord censés servir. En s’affaiblissant réciproquement, tous ses protagonistes ou potentiels aspirants minent le terrain de leur propre survie. Malheureusement l’histoire est tellement imbibée de passions que les hommes ne savent que très rarement en tirer les leçons pour éclairer leur avenir.
Ceux qui sont habitués à revisiter l’inépuisable répertoire mythologique des Grecs, savent que la lutte pour le pouvoir a toujours desservi les alliés et servi les adversaires. De tout temps, quand l’appétit du pouvoir devient insatiable et entraine une rivalité fratricide, la conséquence a été l’anéantissement réciproque des frères de parti. Antigone de Sophocle nous fait l’économie de la tragédie qui frappe inéluctablement les frères qui s’entretuent pour le pouvoir. Fils d’Œdipe et de Jocaste, Polynice et Étéocle offensent à trois reprises leur père parricide et incestueux jusqu’à l’enfermer. Œdipe les maudit trois fois et prédit qu’ils mourront chacun de la main de l’autre. La suite est plus que tragique : les deux frères héritent du pouvoir au sujet duquel ils s’entendent pour l’occuper par alternance au bout d’un an. Mais une fois au pouvoir, Étéocle refuse de céder. Ce qui amena Polynice le banni à se rebeller pour arracher le pouvoir des crocs de son frère. La suite est la réalisation de la prédiction de leur père incestueux : les deux moururent aux portes de la cité et le pouvoir pour lequel ils se sont fait tant d’injustices.
On peut tirer une infinité de leçons de morale de cette tragédie, dont deux principales. La première est que le destin, en politique comme ailleurs, ne vient jamais seul, il y a toujours une part de responsabilité dans le destin qui nous frappe. Le sort qui sera réservé au différents protagonistes dans cette sourde lutte à la succession de Macky pourrait être fatale non seulement aux prétendants, mais aussi au parti présidentiel lui-même. Le Parti socialiste s’est écroulé par suite d’une asphyxie découlant du poids insupportable des contradictions qui l’ont miné de l’extérieur. Le PDS a eu pratiquement le même sort : les luttes accessoires ont pris le dessus sur le combat principal. Les protagonistes se sont épuisés et perdu le goût de mener l’âpre combat pour le parti lui-même. La deuxième leçon qu’il faut justement tirer de cette tragédie qui frappe la famille d’Œdipe, c’est que les ennemis du dedans sont toujours plus redoutables et plus nocifs que ceux du dehors.
Qui pour dire à Mimi Touré, à Amadou Bâ, à Makhtar Cissé et aux autres qu’on ne grandit pas forcément en éradiquant toute grandeur devant soi ? C’est vrai qu’il peut paraître insensé de conseiller à des rivaux politiques de faire preuve de loyauté même dans l’adversité, mais sur le thème du pragmatisme politique proprement dit, ils devraient être suffisamment outillés pour comprendre que la rivalité entre frères de parti doit avoir des limites. Quand on s’élève au-dessus de tous ses frères de parti sur la base d’intrigues, de complots et de lynchages médiatiques, on triomphe seul et très modestement. Et quand on triomphe après avoir écarté tous ses amis et alliés, la défense de son butin devient compliqué faute de soldat capable de comprendre son propre commandement. Il y a toujours des limites qui impliquent une forme de décence politique à ne jamais franchir sous peine de perdre le capital affectif dont a besoin tout aspirant à l’exercice de la puissance publique.
Dans Théorie du partisan, Carl Schmitt déclare « l’ennemi est notre propre remise en question personnifiée » : on ne peut pas dire le contraire en réfléchissant sur les contradictions qui sont en train de miner le camp présidentiel. On a comme l’impression que le pouvoir n’est plus seulement pour eux un objet de convoitise, il est devenu l’arme dont les protagonistes se servent pour mettre à mort leurs rivaux. Or la rivalité n’a ici d’autre justification que la projection de soi sur le visage d’autrui de ses propres ambitions. Vouloir pour soi ce qu’on ne veut nullement reconnaître aux autres, n’est certes pas un crime en politique, mais pousser cet égoïsme à l’extrême, c’est forcément s’exposer à une asthénie politique qui risque d’être le pain béni pour ses vrais adversaires. Or la main invisible qui tire sur les ficelles de la discorde n’est autre chose qu’une main amie, peut-être même celle qu’on a un jour tenue pour relever quelqu’un en détresse.
L’adversité politique ne doit pas se muer en inimitié, car en politique comme dans le sport, une victoire est la promesse d’une défaite et toute défaite bien intégrée est l’antichambre d’une victoire prochaine. Quand la fortune élève quelqu’un à une station que l’on convoitait avec détermination, la frustration est généralement inévitable, mais on doit se garder d’en faire une mine de haine. La plupart des hommes politiques ne peuvent pas comprendre que les choix du Prince se fassent en leur défaveur. Chaque promotion d’un camarade est vécu comme une décadence ou même une damnation personnelle. En politique comme dans l’amour, le déficit affectif est source de rupture de communication qui alimente un cycle infini de soupçon de trahison, de vengeance et d’infidélité. Il y a une sorte de synchronicité entre la promotion de certains cadres de l’APR et la vague de vindicte populaire qui les poursuit ne relève pas du hasard.
Qui pouvait croire qu’Amadou Bâ pouvait se retrouver, quelques mois seulement après les élections présidentielles pour lesquelles il s’est presque surhumainement investi, dans une si mauvaise passe ? L’actuel ministre des Affaires étrangères qui a longtemps été considéré comme le meilleur ministre des Finances sous le président Macky est de plus en plus absent du débat national. Et ce, non à cause de sa posture dans le gouvernement, mais à cause des innombrables foyers de tension qui sont allumés sur son passage. Et là où le bât blesse, c’est que ce sont exclusivement des querelles politiques qui constituent l’essentiel des nuages qui menacent d’assombrir son avenir politique. Aura-t-il la patience, la discrétion conquérante et le génie, requis pour dissiper tous ces nuages ? L’avenir nous édifiera, mais on peut d’ores et déjà présumer qu’en tant que politique, il sait lire les signaux et transformer le chant de cygne en prémices d’un avenir politique maîtrisé.
La meilleure façon en politique de se débarrasser d’un adversaire, c’est de le faire passer pour un ennemi du peuple, celui qui ment, extorque ou vole son peuple. Plus le préjudice subi par le peuple est en apparence énorme, plus ce dernier a tendance à y croire dur comme faire. De là vient la mauvaise posture qu’on les victimes de cette stratégie déloyale de mettre en place une ligne de défense cohérente et efficiente. Il n’y a pas de génie ou de héros qui puisse résister avec succès à des assauts dont il ne voit pas les auteurs. Un ennemi est d’autant plus redoutable qu’il est invisible : en se faufilant dans les labyrinthes qui vont des espaces du parti aux médias, en passant par le gouvernement et l’opposition, les comploteurs ont toujours une longueur d’avance sur leurs victimes.
Mimi Touré fait constamment l’objet d’attaques alors même qu’elle n’est plus directement dans l’appareil gouvernemental. Le plus intriguant dans ces « gémonies du Capitole » où sont exposés les potentiels aspirants au trône, c’est qu’elle vient davantage des membres du parti au pouvoir que de l’opposition. Cette dernière est à la limite assignée au rôle de broyeur de cadavre déjà exécutés à l’intérieur de la maison. La liquidation par presse interposée ne peut être effective que si le nom de l’adversaire à abattre est associé à un « crime » de dimension nationale. L’accusé devient la cible de tirs nourris provenant aussi bien de l’opposition, de la presse, que de la société civile.
L’académicien français Jean Dutourd a, dans une très belle formule, résumé cette sorte de malédiction qui s’abat fatalement sur tout homme politique : « Toute carrière politique, si triomphale soit-elle, a ses éclipses ». Heureux sont donc les hommes politiques qui comprennent que la politique est comme la mer : chaque marée haute annonce une marée basse. Son habileté sera jugée en fonction de sa capacité à savoir ce qu’il doit faire en temps de marée haute et ce qu’il doit faire en temps de marée basse. Car la politique ne souffre pas de congé : quelle que soit la conjoncture, il y a des actes à poser pour ne pas tomber dans l’oubli ou être la proie facile des prédateurs de toutes parts.
Il y a dans chaque parti, dans chaque organisation politique ou civile des préposés aux sales besognes. En faire des alliés est un couteau à double tranchant : il ne faut jamais contracter une dette envers la racaille, on finit toujours par devenir de la racaille politique. Car comme disait, avec beaucoup de dose sarcastique, Charles de Gaulle, la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit... Un homme qui s’élève en gravissant sans honte l’échelle des petites combines et des mesquineries aura tellement souillé son âme que même si le pouvoir lui tombait dans les bras, il manquerait d’éclat de charisme pour le gérer convenablement.
On ne peut pas, de façon catégorique, dire que tout ce vacarme qui poursuit Makhtar Cissé est artificiel et sans fondement, mais ce serait difficile de ne pas y voir une main politique sournoise. L’on nous rétorquera que c’est la logique de la compétition politique : soit on dévore soit on est dévoré. Mais quel intérêt de telles pratiques ont-elles pour la démocratie et, surtout, pour le pays ? Il n’a pas de gloire à remporter une joute dans laquelle on s’est arrangé pour n’avoir que des adversaires mutilés. La compétition au sein d’une formation politique au pouvoir est doublement utile en démocratie. D’abord parce qu’elle suscite l’émulation, forge le caractère des siens et les aguerrit pour faire aux adversaires extérieurs au part. Ensuite parce que la compétition, si elle est saine, incite à l’exemplarité morale qui servira de ceinture de sécurité contre les risques dépravation. Nos démocraties méritent que des courants de partis adossés à des principes et à des idées économiques claires animent la démocratie interne. On ne peut pas, dans ce Sénégal du XXIe , assujettir tout le débat politique autour de personnes. Une démocratie mature est celle où les personnes sont moins importantes que les idées. Les idées, les réformes politiques et économiques que proposent les hommes politiques et qui, dans une certaine mesure, constituent la matière à partir de laquelle ils pétrissent leur personnalité et leur charisme.
GPAL 2019 : LE SÉNÉGAL EN QUÊTE D’UN NOUVEAU SACRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Après la consécration de l’écrivain Felwine Sarr en 2016, un auteur du pays de Cheikh Anta Diop est de nouveau en lice dans le carré final des Grands Prix des Associations Littéraires, catégorie Recherche
Après la consécration de l’écrivain Felwine Sarr en 2016, un auteur du pays de Cheikh Anta Diop est de nouveau en lice dans le carré final des Grands Prix des Associations Littéraires, catégorie Recherche, avec de bonnes chances de remporter lui aussi le trophée. Il s'agit du Professeur Papa Ogo Seck, auteur de ''La construction de la nation en Afrique'’.
L'ouvrage explique comment '’depuis les Indépendances, les dirigeants africains ont érigé la puissance de l'Etat dans le sens de « la construction nationale ». Pourtant, le concept de « nation » reste parfois « flou » dans l'esprit de la plupart des Africains face aux nombreuses guerres ethniques. Il convient donc aujourd'hui d'en préciser les contours et cette étude s'inscrit dans le sens d'une contribution à la clarification de ce concept occidental qu'est la Nation, transposé dans un contexte diffèrent de l'Europe : le continent africain.’’
Un sujet d’étude très intéressant qui pourrait faire pencher le Jury du GPAL 2019 en faveur du Professeur Papa Ogo Seck.
Voici la liste complète des livres finalistes de la septième édition des Grands Prix des Associations Littéraires.
Final GPAL 2019, Catégorie Recherche :
- ''Cameroon 1884 - Present'', by Víctor Julius Ngoh, endorsed by ORES (Organization of Rural Éducation Simplicity).
- ''Le djihad à Ke-Macina'', d'Aly Tounkara et Bassirou Gaye, présenté par l'Union des Écrivains du Mali.
- ''La construction de la nation en Afrique'', de Papa Ogo Seck (Sénégal), présenté par le Club du Journal Universitaire.
Catégorie Belles-lettres :
- ''The Old Drift'', by Namwali Serpell (Zambia), endorsed by Spirit of Book.
- ''Poema matemático'', de Gustavo Ponce Maldonado, respaldado por Academia literaria de la ciudad de México.
- ''La verticale du cri'', de Gaston-Paul Effa (Cameroun), présenté par la Maison de la Culture Française.
- ''Travellers'', by Helon Habíla (Nigeria), endorsed by Young Readers Club for Leaders.
CORONAVIRUS : L'AFRIQUE TIENT BON, MAIS NE CRIE PAS VICTOIRE
"Le déconfinement doit se faire de façon prudente. Il faut avoir une capacité suffisante de tests. La plupart des pays qui déconfinent ont augmenté leur capacité de tests. Il faut avoir une certaine maîtrise avant d'aller vers le déconfinement"
Le 14 février, l'Afrique enregistrait en Egypte son premier cas de coronavirus. Loin des projections alarmistes, le continent n'a, trois mois après, pas connu le cataclysme redouté, mais la prudence reste de mise sur l'évolution d'une pandémie qui pourrait progresser lentement et longtemps.
Le continent compte, selon le dernier bilan, 75.000 cas, soit environ 1,6% du total mondial alors qu'il représente 17% de la population mondiale. Le virus y a causé la mort de quelque 2.500 personnes.
Autre motif de satisfaction, l'Afrique subsaharienne enregistre une plus faible létalité (moins de 3% des cas, selon des estimations) de la maladie par rapport à l'Europe.
Pourquoi l'épidémie n'a-t-elle pas flambé en Afrique?
La communauté scientifique, partagée, avance de nombreuses hypothèses, mais deux grandes explications se détachent: la précocité des mesures barrières et la jeunesse de la population.
"Il y a eu des mesures de confinement prises assez tôt qui ont ralenti la courbe. La plupart des pays ont mis en place ces mesures à peine le premier cas détecté", souligne Michel Yao, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Brazzaville, interrogé par l'AFP.
"En France, on a mis 52 jours après le premier cas pour prendre des mesures. Il y avait alors 4.500 cas. En Côte d'Ivoire, 5 jours après le premier cas, on a fermé les écoles et les frontières. Une semaine plus tard, c'était le couvre-feu", appuie le Dr Jean-Marie Milleliri, épidémiologiste et spécialiste de santé publique tropicale à Abidjan.
L'autre grande explication avancée est la jeunesse de la population africaine: environ 60% de la population a moins de 25 ans. "L'âge médian tourne autour de 19 ans. Il y a aussi une espérance de vie plus faible avec moins de personnes âgées. Donc moins de cas, et un virus moins actif", selon ce spécialiste.
"En Occident, les plus affectées sont les personnes âgées", rappelle le professeur Omar Sarr, enseignant-chercheur à la Faculté de médecine de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il ajoute que les personnes âgées sont souvent "porteuses de comorbidités", facteurs de risques aggravants pour le Covid-19.
"De plus, la densité de population est plus faible en Afrique, limitant ainsi la propagation du virus, de même que la faible mobilité des populations africaines par comparaison aux populations occidentales", explique au Cameroun Yap Boum II, épidémiologiste de Médecins sans frontières (MSF).
"La plupart des cas restent concentrés dans la capitale et les grandes villes, moins dans les milieux ruraux", précise Michel Yao.
Existe-t-il une immunité africaine?
Là encore, les scientifiques n'ont aucune certitude partagée. "Il y a une immunité croisée due à une longue exposition à divers microorganismes et une bonne couverture vaccinale avec notamment le BCG, vaccin contre la tuberculose", avance cependant le professeur Omar Sarr.
"Il y a un possible effet d'immunité acquise compte tenu de la pression infectieuse globale. Il y a beaucoup de maladies en Afrique, donc les populations sont possiblement mieux immunisées que les populations européennes sur des pathogènes comme le coronavirus", estime le Dr Milleliri. Il évoque aussi "une compétition infectieuse: quand plusieurs virus pathogènes sont en compétition, certains peuvent bloquer le développement d'autres".
Quels scénarios pour l'avenir?
"Nous devons désormais apprendre à vivre en présence du virus, en adaptant nos comportements individuels et collectifs", a déclaré récemment le président sénégalais Macky Sall.
Nombre de pays africains s'attendent à ce que la pandémie soit durable.
Selon l'OMS, le taux de transmission plus faible suggère "une épidémie plus prolongée sur quelques années". Et dont le bilan pourrait être lourd.
D'après une étude publiée vendredi qui s'appuie sur la modélisation, 83.000 à 190.000 personnes en Afrique pourraient mourir du Covid-19 au cours de la première année et jusqu'à plus de 200 millions pourraient être infectées, la plupart avec peu ou pas de symptômes.
A l'heure actuelle, on note une progression de cas inquiétante en Afrique du Sud (pays le plus touché d'Afrique subsaharienne), en Afrique de l'Est ou encore dans certains pays d'Afrique de l'Ouest.
"Malheureusement on voit que notre région a vu le nombre de cas doubler en deux semaines. Dans certains pays, le nombre de cas a été multiplié par cinq ou six", alerte le Dr Boureima Hama Sambo, de l'OMS en Ethiopie. "Nous restons prudents. On espère que le pire est derrière nous mais nous ne sommes pas encore à ce niveau".
Quels risques avec l'allègement des mesures?
"C'est pas le coronavirus qui va nous tuer, mais la faim et la misère", s'insurgeait il y a peu Soumaila Tiendrebeogo, commerçant à Ouagadougou, à propos des mesures coercitives bridant l'activité.
Face au sévère coût économique et social, de nombreux pays lèvent ou allègent, depuis une quinzaine de jours, les mesures de restriction les plus drastiques. Trop vite?
"Le déconfinement doit se faire de façon prudente", avertit Michel Yao. "Il faut avoir une capacité suffisante de tests. La plupart des pays qui déconfinent ont augmenté leur capacité de tests. Il faut avoir une certaine maîtrise avant d'aller vers le déconfinement".
Si les campagnes de tests montent en puissance, elles restent bien souvent modestes face à l'ampleur des besoins.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui a engagé la levée progressive du strict confinement imposé au pays, a adopté un ton presque churchillien lundi: "Nous devons nous attendre à une augmentation de cas avec le retour au travail. On doit accepter la réalité, nous y préparer et nous adapter".